mardi 28 juillet 2009

La (petite) vie de Marcel -58

Marcel se frotte aux bourgeois de Caen.
Jeudi 25 janvier.
Hier soir, il est allé voir "Le dernier tango à Paris". Il n'a pas aimé. D'abord et surtout parce que Brando était doublé. Il a trouvé le personnage de la fille con et lâche. Il était d'accord avec l'article d'un journal : une pute n'accepterait pas de se faire humilier comme le fait la gamine, parce qu'une pute a le respect "moral" de son corps, ce que n'a pas cette petite conne bourgeoise. Ce matin, coup de fil de Jehan-Bernard, qui lui demande quand est-ce qu'il va se décider à venir le voir à Caen. Puis il lui conseille de prendre contact avec un certain Denis M., amateur de La Caballé.
Sur l'heure du midi, Marcel téléphone au Denis en question, et ils causent, surtout d'art lyrique. Il semble d'accord pour organiser un w.e. à 4, à Caen, car il vit avec un ami qui est, dit-il "en train de faire la cuisine".
Dans l'après-midi, c'est l'ami en question qui lui téléphone. Il lui annonce qu'il est d'accord, et Denis aussi, pour le recevoir à Caen, mais qu'ils sont quelque peu brouillés avec Jehan-Bernard. Marcel commence à comprendre que Jehan-Bernard, voulant retrouver les faveurs du couple, se sert de lui comme réconciliateur. Pourquoi pas, après tout? Et soudain il pense à cette phrase que Jehan-Bernard avait prononcée, le premier jour de leur rencontre, au sujet d'un Denis (ou était-ce un Daniel?) qu'il avait aimé passionément, et qui l'avait quitté pour un mec "encore plus moche que lui".
27-28. Week-end au Havre.
Claudine lui fait la remarque : "Depuis Noël, ça n'arrête pas". De toute façon, après son échec avec Guy, elle a décidé que la nouvelle année serait "libre et folle". Elle lui fait écouter le "Spanish Harlem" d'Aretha Franklin, qui est un chef-d'oeuvre, ainsi que des extraits des "Contes" avec le couple Sutherland-Domingo, captés à la radio.
Le soir, ils sortent, de 22h30 à 23h30. Il y a beaucoup de monde à Franklin. Beaucoup trop. Des voitures, certes, dont une DS rouge, dont également deux anciens copains, mais aussi des voyous, par groupes de trois, qui emmerdent le monde. Comme ils ne veulent pas s'en aller, c'est eux qui partiront, dans la voiture de deux garçons : Dany, 30 ans, brun, et Richard, cheveux miel teints auburn, minet de grande famille bourgeoise. Ils les emmènent chez Claudine. Whisky et punch. Dany commence à leur raconter sa vie. Marcel regrettera ensuite de ne pas l'avoir enregistré, car c'est assez fantastique. En tout cas c'est d'une hilarité incroyable. A 2h du matin, quand Marcel (qui a englouti 5 punchs) se lève pour danser, il est saoul comme une bourrique. Dany lui colle aux fesses. Richard, qui a trop bu lui aussi, lui crie : "Fous-lui la paix! Tu vois bien qu'elle est saoule!". Et Marcel préfère s'éclipser, l'air rêveur. Mais dehors, il ne peut plus marcher. Il s'assoit sur le bord du trottoir, et attend que ça se passe. Pas pour longtemps, car il entend les souliers ferrés de Dany, qui vient le chercher. Il rentre avec lui. Il s'avance dans le salon : "Ya plus de zizique?" et il s'écroule sur le lit. C'est fini. Il ne sait pas qui l'a déshabillé, mais il pionce à poil dans le plumard.
Le dimanche sera plus calme, heureusement. Ils iront chercher des gâteaux dans l'après-midi : Marcel en salopette de velours noir et chemise rouge, Claudine en Cacharel, tordus de rire tout au long de la route en repensant à ce que Dany leur a raconté la veille, et en faisant "coucou" à des navigateurs. Le même Dany leur rendra visite à 17h.
La nuit tombe, ils sont plutôt claqués. Marcel prend le train de 19h30.
Mardi 30.
14h30. Le chef s'est barré. Tranquille, Marcel téléphone à Denis M. Il ne le dérange pas, lui dit ce dernier. Très bien. Durant un quart d'heure ils parlent bel canto. Voilà au moins un point sur lequel ils semblent s'entendre.
Au fait, jeudi dernier (le 25) Marcel a fait l'amour avec David, à Canteleu bien entendu.Ils se sont bien marrés, tous les deux.
"Je cesserai d'être homosexuel le jour où les hommes cesseront de s'occuper de moi". C'est ce que Marcel aurait dû dire à la mère de Rolande vendredi midi, lorsqu'il est allé la voir chez elle. Femme à principes, se voulant des idées modernes alors qu'elle est résolument conservatrice, elle voudrait bien qu'il épouse sa fille à condition qu'il cesse du jour au lendemain de coucher avec des mecs. Or, il n'a pas l'intention d'épouser Rolande, et encore moins de ne plus accueillir d' hommes dans son lit.
Week-end à Caen - 3 et 4 février.
Vendredi soir, vers 18h30, il se promène avant d'aller manger et, sous les arcades, il se met à suivre un garçon -pas plus de 20 ans- qui va acheter des chaussures chez Eram. Il le suit parce qu'il a de belles fesses, bien pleines, mises en valeur par un pantalon bleu clair. Et dimanche soir il suit un autre garçon qui sort du train, plus petit et plus musclé, avec un cul encore plus superbe, plus rond et plus ferme. Il les suit, ces deux gaillards, juste histoire de se rincer l'oeil. C'est tout.
Quand Jehan-Bernard le conduit chez Denis, dans la proche banlieue de Caen -Hérouville- Marcel s'attend au pire. La porte s'ouvre et il a tout de suite envie de fuir : Denis a bien le physique de sa voix. Grand, blond, et mollasson. Mais ce n'est pas pour celà qu'il a envie de fuir, c'est à la vue du regard que Jean-François, son ami, pose sur lui : un regard qui n'a pas besoin de commentaire. L'appartement est beau, très stylé. Et la collection de disques-pirates de Denis est impressionnante. Il avait entendu parler de disques-pirates, mais il n'en avait jamais vus ni écoutés. Bien sûr, Callas, mais aussi Scotto, Sutherland sans oublier Caballé, et tous les autres.... Des trésors, pour les amateurs, de grands moments d'émotion avec souvent un public en délire.
Jehan-Bernard a changé de piaule. C'est du côté du quai Amiral Hamelin. C'est plus grand, paraît-il, mais c'est le bordel. Marcel n'a jamais vu autant de bric-à-brac. C'est le marché aux puces. Il y a de belles choses, certes, mais elles voisinent avec d'affreux objets d'un goût douteux. Il se prive, soi-disant, de manger et de vacances pour acquérir toutes ces cochonneries. Mais pour l'instant il veut aménager son salon. Il a acheté du tissu rouge, très beau, pour tendre ses murs. Comme Denis a des dons de tapissier et qu'il ne travaille pas pour l'instant, Jehan-Bernard a pensé à lui pour faire le boulot. Mais comme ils étaient brouillés depuis plusieurs mois, il s'est dit que Marcel pourrait servir de médiateur. Il l'avoue : "Voilà pourquoi tu as été invité!".
Le samedi après-midi se passe chez Jehan-Bernard, dans l'appartement sens-dessus-dessous. Et puis Denis va chercher ses parents à la gare, et puis Jehan-Bernard va reconduire son peintre. Et Marcel se retrouve seul avec Jean-François. Pas pour longtemps. La sonnette, brutale, les sépare. "Surtout ne dis rien!" lui supplie Jean-François de la bouche et des yeux. C'est Jean-Bernard qui revient. Il leur jette un coup d'oeil soupçonneux. Ils vont ensuite chez Denis, et un cinquième larron, Bertrand, les rejoint. Jean-François fait très bien la cuisine. Lui et Marcel évitent soigneusement de se trouver en tête-à-tête. Jehan-Bernard, toujours aussi survolté, voudrait voir tout le monde à poil. Il y sera le premier, et s'excitera tout seul à la vue de son cul rebondi dans la glace. Heureusement, la tentation de la partouze demeurera dans le registre du fantasme, et tout le monde ira sagement se coucher : Marcel chez Denis-Jean-François, dans le divan du salon. Un somnifère l'aidera à dormir en douceur et sans heurts.
Le dimanche se passe bien. Marcel se balade dans la baraque et prend son petit-déjeuner en chemise de nuit bleu-ciel, avec rien en dessous. De quoi exciter le pauvre Jean-François et énerver ce cher Denis, qui lui fait écouter, pour calmer le physique et émoustiller l'esprit, le concert donné à Pleyel de la "Maria Stuarda" de Donizetti, avec La Caballé. Marcel frissonne de plaisir, mais Jean-François veut aller faire un tour après manger. Bizarrement, il demande à Marcel de l'accompagner. Denis a du mal à se contenir et leur donne "une demi-heure, pas plus". Dans la voiture, puis dans la forêt, Jean-François a du mal à freiner ses envies et finit par se laisser aller, sans cesser de conduire. "Tu es fou!" lui dit Marcel. "Dans ce cas, lui répond l'autre, toi aussi!". Il faut pourtant rentrer. Faut voir la tête de Denis quand ils arrivent : "Vous avez mis plus d'une demi-heure!". Et puis il se met à tâter le visage de son ami : "Tu n'as même pas froid!". Marcel fait celui qui ne comprend pas. Ils finissent l'après-midi chez Jehan-Bernard et, à 19h30, c'est Denis qui préfère reconduire Marcel en voiture à la gare.

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