lundi 27 juillet 2009

La (petite) vie de Marcel -57

Marcel se transporte à Epernon.
Vendredi soir (le 5 janvier) Marcel va au cinéma, à Rouen, avec Rolande : "Harold et Maude". Il trouve le film plaisant, original, bien joué. Ensuite, ils vont prendre un chocolat au Café de la Poste.
Samedi matin, il prend le train pour Paris à 10h, puis le métro pour débarquer à Montparnasse, qu'il ne connaissait pas. Mais l'intérêt réside justement dans la dévouverte de lieux et de gens inconnus. Le train le conduit jusqu'à Rambouillet, à travers une banlieue triste et monotone. Il est 12h52. Pas de voiture verte à l'horizon. Il s'installe dans le café que Phil lui a signalé, avec une sorte de véranda. Il n'a pas l'air très malin. Cinq minutes après, il voit une voiture pistache faire le tour, il sourit, Phil lui fait un signe de la main. Ils se sont reconnus! Les premiers instants sont banals. Puis Phil le conduit à Epernon. C'est une HLM toute neuve, moderne et simple. Cuisine, chambre, salon, salle à manger, salle de bain. Ils déjeunent vers 14h. Ensuite, ils discutent. Tout de suite, la franchise de Phil met Marcel à l'aise.
Phil : J'ai rencontré Jehan-Bernard dans une tasse, à Caen. Nous avons passé la nuit ensemble.
Marcel : C'est drôle, je ne vous vois pas du tout faire l'amour ensemble!
Et pourtant, se dit-il, comme ils se ressemblent: de la même taille, même éducation, royalistes, vicieux (pas le même vice cependant : Jehan-Bernard est vicieux moralement, Phil physiquement) avec une désinvolture dans le langage qui dénote l'intelligence et le sens des réalités.
Le soir tombe, ils sont assis sur le divan, ça fait 10 fois que Chopin répéte ses valses, Marcel fait exprès de se tenir à distance.
Marcel : Il y a bien une chose que tu as envie de faire, dans la vie?
Phil : Ca fait une heure que j'ai envie de t'embrasser, ça m'excite terriblement.
Ils font l'amour sur les coussins du divan.
Phil : C'est la première fois que je fais l'amour sur le divan sans l'avoir déplié.
Ils dînent, tard. Marcel lui dit alors qu'il n'a pas l'intention de coucher dans le même lit que lui. Phil est étonné, évidemment, et lui demande s'il parle sérieusement. Marcel est très sérieux. Il couche donc dans la chambre, et Phil va coucher dans le salon.
Dimanche 7.
A 8h30, réveillé, Marcel va le rejoindre sur le divan du salon. Ils font l'amour dans la chaleur du lit. Toilette, petit déjeuner. Il est déjà plus de 10 heures. Une grande discussion, très animée, sur les faux et les vrais homosexuels, les absorbe pendant près d'une heure. Quand ils arrivent à Chartres, il est près de midi. Il fait froid, le soleil est mort, mais l'évêque (ou l'archevêque?) est là, à la grande joie de Phil, bien entendu. Mais Marcel n'est pas insensible à cette sombre cathédrale, aux vitraux luxueux et à l'atmosphère ouatée qui excite et pousse à l'intrigue. Ils rentrent, déjeunent. Phil veut le reconduire à Rouen. Il est déjà 16h. Ils ne repartiront qu'une heure plus tard, après avoir fait l'amour sur le lit. Brume, froid, fatigue. A Rouen, ils prennent un pot au Drugstore, parmi des gens assez vulgaires. Puis ils se séparent et Marcel finit la soirée chez Rolande, devant la télé.
Mardi 9.
Visite de Claudine. Elle lui annonce que Bernard est venu la voir pour lui demander 300F afin de payer son loyer. Elle a refusé.
Durant le week-end, elle est allée voir "Zizi je t'aime". Zizi y chantait en play-back, souriait et serrait la main uniquement aux femmes de l'assistance, et tous les minets qui dansaient avec elle étaient pédés. C'est du moins ce qu'elle a vu.
13-14.
Deuxième voyage à Epernon. Le samedi midi, à Rambouillet, Phil n'est pas là. Marcel n'est pas inquiet mais tout de même, il en a marre de faire le poireau sous la véranda. Il arrive, et il sait d'avance ce qu'il va lui annoncer :
Phil : Je ne pourrai pas te reconduire à Rouen, dimanche soir.
A cause du verglas. C'est vrai, il gèle. Mais manque de pot, dans la nuit la température va se radoucir, et le lendemain le temps sera plus clément, malgré la brume. Mais c'est ainsi, Marcel rentrera par le train. Il se vengera -mesquinement, il l'avoue- en lui piquant une bouteille de scotch. "Mais on se venge comme on peut, pas vrai?" se justifie-t-il. Alors, ces mises au point étant faites, le week-end ne sera pas terrible. En fait, Marcel voulait aller au Havre, mais le 21 Phil doit aller à Paris pour une messe en l'honneur de la mort de Louis XVI, aussi ils avaient cru bon d'avancer leurs retrouvailles. Ils ont eu tort. Une fois le désir assouvi, il ne leur reste que l'ennui. Et l'ennui, Marcel, il en a assez durant la semain. Alors il s'emmerde, ça le fait chier, il tire la langue aux portraits de Louis XVI, de Marie-Antoinette, et il a tout envie d'envoyer en l'air : Epernon, l'appartement et le propriétaire. Phil lui parle de fouets, de perversion, mais le coeur n'y est pas. Le reste non plus. Ils se séparent, mécontents, de l'un, de l'autre, d'eux-deux.
Lundi 15.
Marcel envoie à Phil une de ses plus belles lettres. Il lui explique qu'il ne peut y avoir de perversions sexuelles sans mépris. Au fond, il est content, parce que Jehan-Bernard n'a jamais fait venir Phil au château de M. et ça fait plusieurs années qu'ils se connaissent... tandis que lui...
Tralalère.
Jeudi 18.
Bonne journée. Phil n'a pas répondu à sa lettre, mais il s'en fout. Il y a en ce moment une ambiance du tonnerre au bureau. Sylvie boit et rote toutes les cinq minutes, au grand dam de Rolande qui n'arrive pas à en faire autant. Ses démélés sentimentaux avec Poiret sont plutôt au stade orageux, depuis leur week-end hivernal à Bellevue pour les fêtes de fin d'année. Vers 17h, Michel téléphone. Il donne rdv à Marcel à 21h, à la gare. Celui-ci le prévient : "Je n'attendrai pas". A 21h, Michel l'attend déjà dans sa voiture. Celui que Marcel appelle au bureau "Monsieur 25 cm" possède une fougue qui réussit à lui faire oublier David et Canteleu. "Je voudrais te faire du mal pour que tu ne m'oublies pas" répéte-t-il en s'excitant sur lui. Ah, ces hommes mariés!Manque de bol, une fois qu'il a passé la porte, Marcel l'a déjà oublié.
Lundi 22.
Dimanche, au Havre avec Rolande, calme relatif. Poiret est venu en coup de vent (à 17h) avec la voiture de son père. Il en a été pour ses frais : Rolande n'a pas voulu rentrer au Havre avec lui.
Ce lundi soir, Marcel va draguer. Le jeune blond, qui avait une 2CV et qui a maintenant une 4L, est toujours là. Il est avec un minet. Marcel se fait aborder par 4 voyous en voiture. Parmi eux, un jeune qu'il connaît bien. Ils plaisantent, et les voyous s'en vont. La 4L s'arrête près de Marcel, le minet l'appelle. Il s'approche. D'une voix efféminée, le minet le prévient que les mecs à qui il a parlé sont des voyous : "Ils m'ont pris un briquet en or!" lui dit-il. Marcel se marre : "Vous draguez le soir avec un briquet en or?". Il regarde le blond en souriant, les remercie du renseignement et les laisse.

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