dimanche 19 juillet 2009

La (petite) vie de Marcel -52

Marcel apprend que Claudine a un mec.
Samedi 16 septembre.
Semaine calme. Couché tous les soirs à 21h. Aujourd'hui, il est à 20h à la gare, pour voir si le type a tenu promesse. Ce dernier, qu'il appellera B. (initiale sur sa taie d'oreiller. "B. ça veut dire Bernadette?". Lui : "Non. Baron" - "Baron de Mes-Deux!") arrive et l'emmène directement chez lui. Déception! Et le dîner chez des amis? Pas question. Alors, mon vieux, baron ou pas, pas question de faire l'amour. Même s'il l'emmerde toute la nuit, il n'aura rien.
Le lendemain matin, pendant que B. va chercher du pain, Marcel prend un bain moussant avec un verre de scotch à portée de la main, et attend la suite de événements. A 11h, comprenant qu'il n'obtiendra pas satisfaction, B. capitule : "Bon, j'ai compris. Je te ramène à Rouen". Il le dépose devant chez Rolande et s'en va.
L'après-midi, après avoir mangé ensemble, Marcel et Rolande vont au cinéma, voir "Jeremiah Johnson" avec Robert Redford. Jeux de physionomie étonnants : la barbe pousse = le regard se bonifie; la barbe tombe = la mort frappe ; le regard se durcit = la barbe repousse.
Lundi 18.
Rêve érotique, à 5h du matin. Marcel embrasse et lèche les parties intimes de quelqu'un, et s'aperçoit qu'il s'agit des siennes. Il se rendort et refait le même rêve. Le réveil l'arrache hors du lit, très irrité : "Bon, ça suffit comme ça!".
Dimanche 24.
Il pensait aller au Havre, mais Claudine recevait Bernard vendredi soir, sa cousine samedi, et devait aller à Paris ce dimanche (pour prendre des places à l'Opéra : Norma, avec La Caballé).
Rien de sensationnel cette semaine. Hier soir, un 92 le drague, va d'une tasse à l'autre en le reluquant. Marcel, fatigué, reste imperturbable, et se laisse ramener par un Daniel de connaissance. Il a beau lui dire qu'il n'a pas envie de faire l'amour, l'autre s'acharne sur lui, accumulant les baisers et les caresses jusqu'à l'épuisement. Daniel s'en va, Marcel n'arrive pas à dormir, redescend rue du Baillage : le 92 est encore là. Au moment où il va l'aborder, un travesti interpelle le 92 qui fait l'indigné et remonte rapidement dans sa voiture. "Va te faire enculer!" lui crie le travesti. Le 92 démarre en trombe et disparaît, sous les rires de Marcel qui remonte chez lui à pied, plié en deux.
Aujourd'hui, il va déjeuner chez Rolande. Poiret, le rédacteur, est déjà là. Depuis une semaine, ils ne se quittent plus. En fait, ce n'est pas si mal : même si Rolande ne semble pas très emballée, ça l'occupe. Quant à Poiret, il donne tous les signes du mec sérieusement épris.
Après le repas, arrive Sandrine, la soeur de Rolande, seize ans, maquillée, nouvellement chaussée. Elle attend un copain qui doit venir la chercher pour l'emmener au Plazza.
Rolande : Comment il s'appelle?
Sandrine : Yann.
Rolande : C'est ton petit ami?
Sandrine : Non.
Rolande : Il est bien?
Sandrine : Grand! (elle lève les yeux au ciel). Je le croche. Pour pas perdre l'équilibre.
Quelque temps après :
Sandrine : Tiens, hier, j'ai vu des prostituées.
Rolande : Des quoi?
Sandrine : Des putes, quoi!
Marcel rentre chez lui. Un nouveau récit lui trotte dans la tête, mais d'une façon laborieuse. Très baroque. Il en a eu l'idée en voyant les gravures d'Aubrey Beardsley, au château de M. (la toilette d'Hélène, pense-t-il se rappeller - The Yellow Book).
Lundi 25.
Temps troubles. Tandis que Poiret et Rolande filent le parfait amour, l'un défendant l'autre (et vice-versa) il téléphone à Claudine, dans la soirée, pour savoir ce qu'elle fabrique. Et elle lui annonce qu'elle a un "ami". Et bien entendu, cet ami ne veut pas entendre parler de lui. Pressentiment? Marcel avait écrit récemment à la dame qui s'occupe de loger les employés municipaux, afin de savoir s'il pouvait prétendre à un vrai appartement, vide et non meublé, afin de pouvoir s'installer définitivement à Rouen...
Jeudi 5 octobre. Routine : Rolande et Poiret, main dans la main, et le copain de Claudine ne veut pas entendre parler de la venue de Marcel au Havre.
Dimanche dernier, pendant que Poiret était occupé dans sa famille, il est allé au cinéma avec Rolande voir "Le charme discret..." le nouveau Bunuel. Uniquement pour Delphine Seyrig, parce que le film l'a emmerdé. A moins que ce ne soit sa nouvelle situation qui l'emmerde.
Coup de fil ce matin de Jehan-Bernard, suite à un échange de lettres, qui lui annonce que M.C. a pris un appartement à Paris, qu'il n'a toujours pas repris le violon mais qu'il se sert toujours de son archet, que Tim est allé à Florence et en est revenu et qu'il désire toujours le revoir, et que lui -Jehan-Bernard- sera ravi de venir passer la nuit avec lui lorsqu'il aura son nouveau logement...
Lundi et mardi soirs, deux parisiens. Celui de lundi avait un corps splendide mais n'arrêtait pas de raconter sa vie. Celui de mardi...? Non, rien à signaler.
Samedi 7.
Soirée exceptionnelle à Paris : La Norma. Reprise somptueuse, dans les fameux décors et costumes de Zeffirelli. Marcel est avec Rolande, qui apprécie le spectacle. Au-dessus d'eux, Claudine et Guy, son nouvel ami. Marcel est en costume de velours noir, chemise blanche, noeud papillon grenat. Rolande a mis sa robe Cacharel noire à dessins d'or. Marcel se souvient de ce que lui avait dit Jehan-Bernard, le premier jour de leur rencontre : "J'ai eu un ami, X. Il m'a quitté. Je ne suis pas beau, mais le type pour qui il m'a laissé tomber est encore plus laid que moi". Sacré Jehan-Bernard! Mais ce soir, la beauté rayonne sur scène. Le duo Caballé-Cossotto fonctionne à merveille. Le ténor se fait siffler, mais qu'importe! Les parisiens sont capricieux. A côté de lui, un homme souffle à Marcel : "En 65, quand je suis allé voir La Tosca, plus la Callas criait, plus le public applaudissait!".

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