jeudi 30 juillet 2009

La (petite) vie de Marcel -59

Marcel a des problèmes avec son oeil gauche.
Mercredi 9 février.
Michel téléphone vers 17h. Tiens! d'habitude, c'est le jeudi...Il attend Marcel à 21h près de chez lui. Il le fait marrer quand il lui demande s'il a fait l'amour avec un garçon pendant les trois semaines où il ne l'a pas vu. Lui, paraît-il, n'a pas fait l'amour. Il tripote durement Marcel en lui disant : "Est-ce que tu m'aimes?". Puis il se défoule brutalement.
Jeudi 8.
Concours de dessins pornos au bureau. Rolande a des vues sur une sorte d'extra-terrestre avec un houpet, des palmes et des testicules pendantes. Poiret s'applique : son mec est émacié avec une petite bite qui bande. Marcel préfère un mec rondouillard qui sourit bêtement, et remue son gros cul et son gros sexe. Tout le monde est content.
Carte de Bretagne, provenant de Dany. Il a passé le w.e. chez ses parents et il n'a pas oublié leur rencontre.
Mardi 13.
Rolande se fait faire des cadeaux (briquet Dupont, ceinture en croco, sac en chevreau...) par Poiret.
Marcel : Tu sais qu'elle est la différence entre une putain et une bourgeoise?
Rolande : Non, mais je vais le savoir.
Marcel : Une putain se donne quand on la paye, tandis qu'une bourgeoise se fait entretenir en se donnant le moins possible.
Le midi, Marcel téléphone à Denis et Jean-François. C'est Denis qui lui répond. Ils rentrent leurs griffes de chattes jalouses pour parler Opéra, et surtout disques-pirates. Denis doit aller à Paris pour rapporter une Norma-Callas. Il a reçu une liste des derniers enregistrements parus en Amérique. Des Caballé surtout, dans des inédits (Maria Stuarda, et Adriana Lecouvreur). Et puis ils bavardent -mondainement- de l'appartement de Jehan-Bernard et des travaux de tapisserie qui avancent.
Le soir, il va au cinéma voir "L'Autre" avec Claudine. Un inspecteur, la veille, lui disait que d'après lui il fallait donner à un enfant l'idée du Beau. Et Marcel pensait que c'était aussi dangereux que de lui donner l'idée du Mal. Dans le film, Nice est élevé par sa grand-mère dans un univers mythique. Il ne pouvait pas concevoir qu'il portait en lui quelque chose du Mal. C'est pourquoi, toutes les fois qu'il faisait du mal, il imputait ses mauvaises actions à son frère décédé, avec qui il n'avait jamais rompu le dialogue. Lorsque sa grand-mère s'apercevra qu'elle est allée trop loin, elle voudra à la fois se tuer et détruire son oeuvre. Guidé une fois de plus par l'instinct protecteur de son frère mort, Nice échappera à elle, qui lui avait mis dans le crane des idées fausses parce qu'elle avait pitié de son chagrin, et évitera la mort.
Mercredi 14.
Il passe la soirée avec David, dans la forêt de Canteleu. Comme il ne prend pas la route habituelle, ils vont se fourrer dans un drôle de bourbier. David s'énerve en constatant que Marcel ne bande pas, et il monte sur lui de tout son poids. Son dos est tout en muscles épais. Dommage qu'il soit toujours blanc comme un cachet d'aspirine.
16-17-18. Fin de semaine au Havre.
La mère de Claudine ne s'est pas remise de sa dernière opération. Elle est atteinte d'arthrose cervicale. Durs moments à passer pour Claudine qui doit rester près d'elle toutes les nuits car elle ne peut pas se lever toute seule.
Le samedi, Marcel va chercher des disques à la Maison de la Culture.
Le dimanche, ils ont de la visite : Bernard, une nouvelle venue La Goudoue, et deux autres folles. La Goudoue devait raccompagner les deux folles (elles habitent Louviers) mais elle avait décidé de passer la nuit au Havre avec Marcel. Mais celui-ci n'était pas au courant! Finalement, elle les raccompagnera, vu que le deal ne se fera pas. Elle sera très vexée. Elle aura quand même bien bu, bien bouffé et bien dansé toute l'après-midi.
Le samedi soir, ils étaient allés voir, avec Claudine "Dommage qu'elle soit une putain". Dommage surtout que le cinéma dans lequel passait le film (Le Rio) soit un infect repaire à loubards amateurs de bière et de pétages convulsifs.
Vendredi 23.
Marcel passe la soirée avec Jean-Claude V., un homme d'âge mur, qui travaille dans le commerce, qui a un chien -Domino- et trois chattes, et un joli appartement sur les quais, meublé de rustique.
Samedi 24.
A Paris, avec Claudine. Achat de disques. Il fait froid, mais il ne pleut pas.
Dimanche 25.
Claudine vient le rejoindre à Rouen, et ils vont voir "Les volets clos". Il faut tout le talent de Ginette Leclerc et de Marie Bell pour faire passer un texte aussi insipide. La palme revient tout de même à Laurence Badie, dans un rôle particulièrement ingrat. Jacques Charrier est beau, mais il a bien du mal à se mettre dans la peau de son personnage, d'ailleurs insignifiant. Idem pour les deux Catherine (Rouvel et Allégret). Il reste l'hommage que Brialy rend à Lucienne Bogaert, mais c'est vraiment du petit cinéma.
Mardi 27.
Marcel passe d'une voiture à l'autre. A 18h, un 76, jeune et nouille, qui n'est libre que jusqu'à 19h. Marcel le jette et lance à un parisien : "Je suppose que vous êtes pressé, vous aussi?". Le mec rigole mais lui annonce qu'il veut bien le retrouver à 22h sur la place du Vieux Marché. "Et je compte sur vous!" lui crie-t-il en démarrant. Pourquoi pas? En attendant, Marcel va manger mais, à 22h, il n'y a pas de parisien sur la place. Il décide de ne pas l'attendre et monte dans la voiture d'un habitant de Grand-Couronne. "Ah oui! Le pétrole!". Cette fois-ci, il l'emmène chez lui, il n'a pas envie de le perdre en route. L'homme est barbu, la quarantaine, très tendre. Après l'étreinte, il le raccompagne jusqu'à sa voiture, se laisse embrasser en pleine rue mais oublie complétement de lui demander ne serait-ce que son prénom.
Jeudi 1er mars.
Le vent tourne. Il avait décidé d'aller chez l'oculiste pour savoir, avant de partir en vacances, ce qu'il avait au juste dans son oeil gauche. Mais l'oculiste n'est libre que mardi prochain. Il va donc à Charles Nicolle. L'interne qui s'occupe de lui est jeune et plein de zèle. Mais il n'a pas l'air de se rendre compte qu'il a très mal. Marcel obtient 6 jours d'arrêt de travail, mais il ne peut pas aller au Havre à cause du traitement.
Vendredi 2.
Charles Nicolle. Ca ne va pas mieux. Il passe la journée dans sa chambre, avec une paupière enflée. Il espère bien aller tout de même au Havre le lendemain.

mardi 28 juillet 2009

La (petite) vie de Marcel -58

Marcel se frotte aux bourgeois de Caen.
Jeudi 25 janvier.
Hier soir, il est allé voir "Le dernier tango à Paris". Il n'a pas aimé. D'abord et surtout parce que Brando était doublé. Il a trouvé le personnage de la fille con et lâche. Il était d'accord avec l'article d'un journal : une pute n'accepterait pas de se faire humilier comme le fait la gamine, parce qu'une pute a le respect "moral" de son corps, ce que n'a pas cette petite conne bourgeoise. Ce matin, coup de fil de Jehan-Bernard, qui lui demande quand est-ce qu'il va se décider à venir le voir à Caen. Puis il lui conseille de prendre contact avec un certain Denis M., amateur de La Caballé.
Sur l'heure du midi, Marcel téléphone au Denis en question, et ils causent, surtout d'art lyrique. Il semble d'accord pour organiser un w.e. à 4, à Caen, car il vit avec un ami qui est, dit-il "en train de faire la cuisine".
Dans l'après-midi, c'est l'ami en question qui lui téléphone. Il lui annonce qu'il est d'accord, et Denis aussi, pour le recevoir à Caen, mais qu'ils sont quelque peu brouillés avec Jehan-Bernard. Marcel commence à comprendre que Jehan-Bernard, voulant retrouver les faveurs du couple, se sert de lui comme réconciliateur. Pourquoi pas, après tout? Et soudain il pense à cette phrase que Jehan-Bernard avait prononcée, le premier jour de leur rencontre, au sujet d'un Denis (ou était-ce un Daniel?) qu'il avait aimé passionément, et qui l'avait quitté pour un mec "encore plus moche que lui".
27-28. Week-end au Havre.
Claudine lui fait la remarque : "Depuis Noël, ça n'arrête pas". De toute façon, après son échec avec Guy, elle a décidé que la nouvelle année serait "libre et folle". Elle lui fait écouter le "Spanish Harlem" d'Aretha Franklin, qui est un chef-d'oeuvre, ainsi que des extraits des "Contes" avec le couple Sutherland-Domingo, captés à la radio.
Le soir, ils sortent, de 22h30 à 23h30. Il y a beaucoup de monde à Franklin. Beaucoup trop. Des voitures, certes, dont une DS rouge, dont également deux anciens copains, mais aussi des voyous, par groupes de trois, qui emmerdent le monde. Comme ils ne veulent pas s'en aller, c'est eux qui partiront, dans la voiture de deux garçons : Dany, 30 ans, brun, et Richard, cheveux miel teints auburn, minet de grande famille bourgeoise. Ils les emmènent chez Claudine. Whisky et punch. Dany commence à leur raconter sa vie. Marcel regrettera ensuite de ne pas l'avoir enregistré, car c'est assez fantastique. En tout cas c'est d'une hilarité incroyable. A 2h du matin, quand Marcel (qui a englouti 5 punchs) se lève pour danser, il est saoul comme une bourrique. Dany lui colle aux fesses. Richard, qui a trop bu lui aussi, lui crie : "Fous-lui la paix! Tu vois bien qu'elle est saoule!". Et Marcel préfère s'éclipser, l'air rêveur. Mais dehors, il ne peut plus marcher. Il s'assoit sur le bord du trottoir, et attend que ça se passe. Pas pour longtemps, car il entend les souliers ferrés de Dany, qui vient le chercher. Il rentre avec lui. Il s'avance dans le salon : "Ya plus de zizique?" et il s'écroule sur le lit. C'est fini. Il ne sait pas qui l'a déshabillé, mais il pionce à poil dans le plumard.
Le dimanche sera plus calme, heureusement. Ils iront chercher des gâteaux dans l'après-midi : Marcel en salopette de velours noir et chemise rouge, Claudine en Cacharel, tordus de rire tout au long de la route en repensant à ce que Dany leur a raconté la veille, et en faisant "coucou" à des navigateurs. Le même Dany leur rendra visite à 17h.
La nuit tombe, ils sont plutôt claqués. Marcel prend le train de 19h30.
Mardi 30.
14h30. Le chef s'est barré. Tranquille, Marcel téléphone à Denis M. Il ne le dérange pas, lui dit ce dernier. Très bien. Durant un quart d'heure ils parlent bel canto. Voilà au moins un point sur lequel ils semblent s'entendre.
Au fait, jeudi dernier (le 25) Marcel a fait l'amour avec David, à Canteleu bien entendu.Ils se sont bien marrés, tous les deux.
"Je cesserai d'être homosexuel le jour où les hommes cesseront de s'occuper de moi". C'est ce que Marcel aurait dû dire à la mère de Rolande vendredi midi, lorsqu'il est allé la voir chez elle. Femme à principes, se voulant des idées modernes alors qu'elle est résolument conservatrice, elle voudrait bien qu'il épouse sa fille à condition qu'il cesse du jour au lendemain de coucher avec des mecs. Or, il n'a pas l'intention d'épouser Rolande, et encore moins de ne plus accueillir d' hommes dans son lit.
Week-end à Caen - 3 et 4 février.
Vendredi soir, vers 18h30, il se promène avant d'aller manger et, sous les arcades, il se met à suivre un garçon -pas plus de 20 ans- qui va acheter des chaussures chez Eram. Il le suit parce qu'il a de belles fesses, bien pleines, mises en valeur par un pantalon bleu clair. Et dimanche soir il suit un autre garçon qui sort du train, plus petit et plus musclé, avec un cul encore plus superbe, plus rond et plus ferme. Il les suit, ces deux gaillards, juste histoire de se rincer l'oeil. C'est tout.
Quand Jehan-Bernard le conduit chez Denis, dans la proche banlieue de Caen -Hérouville- Marcel s'attend au pire. La porte s'ouvre et il a tout de suite envie de fuir : Denis a bien le physique de sa voix. Grand, blond, et mollasson. Mais ce n'est pas pour celà qu'il a envie de fuir, c'est à la vue du regard que Jean-François, son ami, pose sur lui : un regard qui n'a pas besoin de commentaire. L'appartement est beau, très stylé. Et la collection de disques-pirates de Denis est impressionnante. Il avait entendu parler de disques-pirates, mais il n'en avait jamais vus ni écoutés. Bien sûr, Callas, mais aussi Scotto, Sutherland sans oublier Caballé, et tous les autres.... Des trésors, pour les amateurs, de grands moments d'émotion avec souvent un public en délire.
Jehan-Bernard a changé de piaule. C'est du côté du quai Amiral Hamelin. C'est plus grand, paraît-il, mais c'est le bordel. Marcel n'a jamais vu autant de bric-à-brac. C'est le marché aux puces. Il y a de belles choses, certes, mais elles voisinent avec d'affreux objets d'un goût douteux. Il se prive, soi-disant, de manger et de vacances pour acquérir toutes ces cochonneries. Mais pour l'instant il veut aménager son salon. Il a acheté du tissu rouge, très beau, pour tendre ses murs. Comme Denis a des dons de tapissier et qu'il ne travaille pas pour l'instant, Jehan-Bernard a pensé à lui pour faire le boulot. Mais comme ils étaient brouillés depuis plusieurs mois, il s'est dit que Marcel pourrait servir de médiateur. Il l'avoue : "Voilà pourquoi tu as été invité!".
Le samedi après-midi se passe chez Jehan-Bernard, dans l'appartement sens-dessus-dessous. Et puis Denis va chercher ses parents à la gare, et puis Jehan-Bernard va reconduire son peintre. Et Marcel se retrouve seul avec Jean-François. Pas pour longtemps. La sonnette, brutale, les sépare. "Surtout ne dis rien!" lui supplie Jean-François de la bouche et des yeux. C'est Jean-Bernard qui revient. Il leur jette un coup d'oeil soupçonneux. Ils vont ensuite chez Denis, et un cinquième larron, Bertrand, les rejoint. Jean-François fait très bien la cuisine. Lui et Marcel évitent soigneusement de se trouver en tête-à-tête. Jehan-Bernard, toujours aussi survolté, voudrait voir tout le monde à poil. Il y sera le premier, et s'excitera tout seul à la vue de son cul rebondi dans la glace. Heureusement, la tentation de la partouze demeurera dans le registre du fantasme, et tout le monde ira sagement se coucher : Marcel chez Denis-Jean-François, dans le divan du salon. Un somnifère l'aidera à dormir en douceur et sans heurts.
Le dimanche se passe bien. Marcel se balade dans la baraque et prend son petit-déjeuner en chemise de nuit bleu-ciel, avec rien en dessous. De quoi exciter le pauvre Jean-François et énerver ce cher Denis, qui lui fait écouter, pour calmer le physique et émoustiller l'esprit, le concert donné à Pleyel de la "Maria Stuarda" de Donizetti, avec La Caballé. Marcel frissonne de plaisir, mais Jean-François veut aller faire un tour après manger. Bizarrement, il demande à Marcel de l'accompagner. Denis a du mal à se contenir et leur donne "une demi-heure, pas plus". Dans la voiture, puis dans la forêt, Jean-François a du mal à freiner ses envies et finit par se laisser aller, sans cesser de conduire. "Tu es fou!" lui dit Marcel. "Dans ce cas, lui répond l'autre, toi aussi!". Il faut pourtant rentrer. Faut voir la tête de Denis quand ils arrivent : "Vous avez mis plus d'une demi-heure!". Et puis il se met à tâter le visage de son ami : "Tu n'as même pas froid!". Marcel fait celui qui ne comprend pas. Ils finissent l'après-midi chez Jehan-Bernard et, à 19h30, c'est Denis qui préfère reconduire Marcel en voiture à la gare.

lundi 27 juillet 2009

La (petite) vie de Marcel -57

Marcel se transporte à Epernon.
Vendredi soir (le 5 janvier) Marcel va au cinéma, à Rouen, avec Rolande : "Harold et Maude". Il trouve le film plaisant, original, bien joué. Ensuite, ils vont prendre un chocolat au Café de la Poste.
Samedi matin, il prend le train pour Paris à 10h, puis le métro pour débarquer à Montparnasse, qu'il ne connaissait pas. Mais l'intérêt réside justement dans la dévouverte de lieux et de gens inconnus. Le train le conduit jusqu'à Rambouillet, à travers une banlieue triste et monotone. Il est 12h52. Pas de voiture verte à l'horizon. Il s'installe dans le café que Phil lui a signalé, avec une sorte de véranda. Il n'a pas l'air très malin. Cinq minutes après, il voit une voiture pistache faire le tour, il sourit, Phil lui fait un signe de la main. Ils se sont reconnus! Les premiers instants sont banals. Puis Phil le conduit à Epernon. C'est une HLM toute neuve, moderne et simple. Cuisine, chambre, salon, salle à manger, salle de bain. Ils déjeunent vers 14h. Ensuite, ils discutent. Tout de suite, la franchise de Phil met Marcel à l'aise.
Phil : J'ai rencontré Jehan-Bernard dans une tasse, à Caen. Nous avons passé la nuit ensemble.
Marcel : C'est drôle, je ne vous vois pas du tout faire l'amour ensemble!
Et pourtant, se dit-il, comme ils se ressemblent: de la même taille, même éducation, royalistes, vicieux (pas le même vice cependant : Jehan-Bernard est vicieux moralement, Phil physiquement) avec une désinvolture dans le langage qui dénote l'intelligence et le sens des réalités.
Le soir tombe, ils sont assis sur le divan, ça fait 10 fois que Chopin répéte ses valses, Marcel fait exprès de se tenir à distance.
Marcel : Il y a bien une chose que tu as envie de faire, dans la vie?
Phil : Ca fait une heure que j'ai envie de t'embrasser, ça m'excite terriblement.
Ils font l'amour sur les coussins du divan.
Phil : C'est la première fois que je fais l'amour sur le divan sans l'avoir déplié.
Ils dînent, tard. Marcel lui dit alors qu'il n'a pas l'intention de coucher dans le même lit que lui. Phil est étonné, évidemment, et lui demande s'il parle sérieusement. Marcel est très sérieux. Il couche donc dans la chambre, et Phil va coucher dans le salon.
Dimanche 7.
A 8h30, réveillé, Marcel va le rejoindre sur le divan du salon. Ils font l'amour dans la chaleur du lit. Toilette, petit déjeuner. Il est déjà plus de 10 heures. Une grande discussion, très animée, sur les faux et les vrais homosexuels, les absorbe pendant près d'une heure. Quand ils arrivent à Chartres, il est près de midi. Il fait froid, le soleil est mort, mais l'évêque (ou l'archevêque?) est là, à la grande joie de Phil, bien entendu. Mais Marcel n'est pas insensible à cette sombre cathédrale, aux vitraux luxueux et à l'atmosphère ouatée qui excite et pousse à l'intrigue. Ils rentrent, déjeunent. Phil veut le reconduire à Rouen. Il est déjà 16h. Ils ne repartiront qu'une heure plus tard, après avoir fait l'amour sur le lit. Brume, froid, fatigue. A Rouen, ils prennent un pot au Drugstore, parmi des gens assez vulgaires. Puis ils se séparent et Marcel finit la soirée chez Rolande, devant la télé.
Mardi 9.
Visite de Claudine. Elle lui annonce que Bernard est venu la voir pour lui demander 300F afin de payer son loyer. Elle a refusé.
Durant le week-end, elle est allée voir "Zizi je t'aime". Zizi y chantait en play-back, souriait et serrait la main uniquement aux femmes de l'assistance, et tous les minets qui dansaient avec elle étaient pédés. C'est du moins ce qu'elle a vu.
13-14.
Deuxième voyage à Epernon. Le samedi midi, à Rambouillet, Phil n'est pas là. Marcel n'est pas inquiet mais tout de même, il en a marre de faire le poireau sous la véranda. Il arrive, et il sait d'avance ce qu'il va lui annoncer :
Phil : Je ne pourrai pas te reconduire à Rouen, dimanche soir.
A cause du verglas. C'est vrai, il gèle. Mais manque de pot, dans la nuit la température va se radoucir, et le lendemain le temps sera plus clément, malgré la brume. Mais c'est ainsi, Marcel rentrera par le train. Il se vengera -mesquinement, il l'avoue- en lui piquant une bouteille de scotch. "Mais on se venge comme on peut, pas vrai?" se justifie-t-il. Alors, ces mises au point étant faites, le week-end ne sera pas terrible. En fait, Marcel voulait aller au Havre, mais le 21 Phil doit aller à Paris pour une messe en l'honneur de la mort de Louis XVI, aussi ils avaient cru bon d'avancer leurs retrouvailles. Ils ont eu tort. Une fois le désir assouvi, il ne leur reste que l'ennui. Et l'ennui, Marcel, il en a assez durant la semain. Alors il s'emmerde, ça le fait chier, il tire la langue aux portraits de Louis XVI, de Marie-Antoinette, et il a tout envie d'envoyer en l'air : Epernon, l'appartement et le propriétaire. Phil lui parle de fouets, de perversion, mais le coeur n'y est pas. Le reste non plus. Ils se séparent, mécontents, de l'un, de l'autre, d'eux-deux.
Lundi 15.
Marcel envoie à Phil une de ses plus belles lettres. Il lui explique qu'il ne peut y avoir de perversions sexuelles sans mépris. Au fond, il est content, parce que Jehan-Bernard n'a jamais fait venir Phil au château de M. et ça fait plusieurs années qu'ils se connaissent... tandis que lui...
Tralalère.
Jeudi 18.
Bonne journée. Phil n'a pas répondu à sa lettre, mais il s'en fout. Il y a en ce moment une ambiance du tonnerre au bureau. Sylvie boit et rote toutes les cinq minutes, au grand dam de Rolande qui n'arrive pas à en faire autant. Ses démélés sentimentaux avec Poiret sont plutôt au stade orageux, depuis leur week-end hivernal à Bellevue pour les fêtes de fin d'année. Vers 17h, Michel téléphone. Il donne rdv à Marcel à 21h, à la gare. Celui-ci le prévient : "Je n'attendrai pas". A 21h, Michel l'attend déjà dans sa voiture. Celui que Marcel appelle au bureau "Monsieur 25 cm" possède une fougue qui réussit à lui faire oublier David et Canteleu. "Je voudrais te faire du mal pour que tu ne m'oublies pas" répéte-t-il en s'excitant sur lui. Ah, ces hommes mariés!Manque de bol, une fois qu'il a passé la porte, Marcel l'a déjà oublié.
Lundi 22.
Dimanche, au Havre avec Rolande, calme relatif. Poiret est venu en coup de vent (à 17h) avec la voiture de son père. Il en a été pour ses frais : Rolande n'a pas voulu rentrer au Havre avec lui.
Ce lundi soir, Marcel va draguer. Le jeune blond, qui avait une 2CV et qui a maintenant une 4L, est toujours là. Il est avec un minet. Marcel se fait aborder par 4 voyous en voiture. Parmi eux, un jeune qu'il connaît bien. Ils plaisantent, et les voyous s'en vont. La 4L s'arrête près de Marcel, le minet l'appelle. Il s'approche. D'une voix efféminée, le minet le prévient que les mecs à qui il a parlé sont des voyous : "Ils m'ont pris un briquet en or!" lui dit-il. Marcel se marre : "Vous draguez le soir avec un briquet en or?". Il regarde le blond en souriant, les remercie du renseignement et les laisse.

dimanche 26 juillet 2009

La (petite) vie de Marcel -56

Marcel fête le nouvel an avec Claudine (et quelques autres...).
Fin d'année.
C'était la première fois que Claudine organisait chez elle une "sauterie" à l'occasion de la nouvelle année. Ce fut, pour une première, pas mal réussi. Ils étaient 5 en tout, et ce fut suffisant. Marcel aurait voulu que ce fut une soirée calme et lyrique, mais Jehan-Bernard n'étant toujours pas décidé à venir (pour lui, Le Havre est nettement moins intéressant que le château de M. mais, comme dit Léontine : "Une annulation, ça va, mais deux, c'est foutu") ce fut une soirée très animée.
Mais revenons légèrement en arrière.
Vendredi 29 décembre, Marcel est on ne peut plus énervé au bureau. Il n'arrive pas à joindre Phil L., et Jehan-Bernard, qui avait promis la veille de se manifester, ne le fait pas. Quant enfin, vers 17h, il arrive à joindre Phil, son chef a l'impolitesse de lui chercher querelle à propos d'un dossier. Il ne lui répond pas, car il est au téléphone, mais il ira ensuite dans son bureau et, très calmement, il le renverra balader. Avec Phil il convient du week-end prochain. Ce dernier viendra le chercher, le samedi midi, à la gare de Rambouillet.
Quand Marcel arrive le soir au Havre, il est de meilleure humeur, bien entendu. Avec Claudine tout se passe bien, comme au bon vieux temps des connivences partagées. Couchés à 23h. Réveillés à 1h du matin par Bernard, qui se ramène avec un nouveau venu, Jacky. Un habitant du Mans, en instance de mariage avec une fille qu'il a la ferme intention de continuer à tromper avec le plus de garçons possible. Ils vont rester jusqu'à 5h, à boire, causer et écouter quelques disques en fond sonore. Une fois qu'ils sont partis, Marcel et Claudine se recouchent. Le samedi passe à faire des courses. A 19h, c'est Ivan qui arrive. 39 ans, grand, précieux et solitaire. Mal foutu, tout d'une pièce, sans taille et sans fesses, et amateur de lyrique français (surtout des opérettes). Une fois assis, il a du mal à se décoller du divan. Claudine voudrait le garder à dîner, mais Marcel lui fait comprendre qu'il ne veut pas se coucher à minuit. Ils l'invitent pour le dimanche midi. A peine arrivé, ils déjeunent et le collent sur le divan. Disques et diapositives jusqu'à 19h, heure où se ramènent Bernard et le troisième nouveau venu : Patrick. La table est mise, bougies et lumières douces. Patrick est d'une étonnante assurance, Ivan ne décolle pas ses yeux du visage de Marcel. Ils mangent. Marcel se demande avec curiosité lequel ou laquelle va s'écrouler le premier. Le repas terminé, la table débarrassée, place à la musique. Ce soir, c'est jazzy : Count Basie, Aretha Franklin, Louis Armstrong, Fats Domino. La classe, quoi, jusqu'à 2h du matin. Le lustre pète, Bernard se retrouve en slip (très belles cuisses). Patrick, s'apercevant enfin que Marcel lui est hostile à cause de son incroyable baratin, capitule et cherche à flirter avec lui. Vers 2h15 ils vont chez Dominique, la lesbienne, et son mari. Claudine admire cette femme qui embrasse tout le monde sur la bouche sans rien perdre de son mystère. Disques et champagne. Marcel laisse tomber Patrick pour s'occuper un peu des autres. La fatigue commence à se faire sentir. A 5h ils retournent chez Claudine. Ivan se renferme dans un mutisme digne et lointain. Bernard est claqué. Claudine tient le coup, mais son coeur beaucoup moins. Le plus en forme, c'est encore Patrick qui recommence son numéro de baratin épuisant. Ivan part le premier, suivi de Bernard. Marcel prend son petit déjeuner. Le jour se lève. Patrick, sur le divan, ne parle plus et reste hébété, comme vidé de toute substance. A 11h, Claudine va manger chez sa mère. Resté seul avec Patrick, Marcel fait l'amour avec lui, puis ils déjeunent et Patrick s'en va. L'après-midi se termine doucement. Claudine revenue, ils sommeillent. Le soir tombe, la musique glisse, ils glissent de sommeil en sommeil. Quand Marcel se réveille il est trop tard pour prendre le train de 19h30. Il prendra celui de 21h, après s'être attablé devant une dinde froide à la sauce tartare, arrosée de fonds de bouteilles.
Mardi 2 janvier.
Rolande et Poiret sont à Bellevue depuis jeudi dernier. Ils rentreront jeudi prochain. Marcel envoie une carte de voeux à Phil : "Comme vous regrettez qu'une rose se fane, je regrette que vous n'ayez pas été la première personne qu'il m'eut plu d'embrasser à la première seconde de la nouvelle année".
Jeudi 4.
Hier soir, 3ème lettre de Phil. L'entrevue approche. Lui, il connaît Marcel physiquement, puisque celui-ci lui a tout de suite envoyé sa photo... Mais Marcel? Il ne sait rien, ne voit rien, à part les quelques commérages de Jehan-Bernard. Alors?
Ce matin, rêve érotique. Il débarque, hilare, avec Claudine, dans les couloirs d'un théâtre. Ils sont en débardeur, ils rient comme des dingues. Parmi les gens qui attendent, une grande fille blonde vue hier matin aux vaccinations, très chic et belle. Marcel, très fier, passse devant tout le monde et gagne les coulisses rejoindre le couple qui s'apprête à jouer La Traviata. Il se glisse entre leurs lits jumeaux et commence à bouffer le cul et le sexe du type qui est couché nu. Drôle de Traviata!
Coup de fil de Jehan-Bernard, vers 11h, pour lui souhaiter la bonne année et lui dire qu'il n'a pas pu venir au Havre, ne connaissant pas l'adresse de Claudine!
Marcel : A d'autres!
Et puis :
Marcel : De quel signe es-tu?
Jehan-Bernard : Gémeaux.
Marcel : Ah! Tu sais que, côté coeur, les Géneaux et le Lion peuvent s'entendre très bien.
Jehan-Bernard : Vraiment?
Marcel (froidement) : Mais tu sais, il y a d'autres Gémeaux sur terre!
Jehan-Bernard : Garce!
A 17h, c'est Michel qui se manifeste. Il rapplique le soir, vers 18h45. Marcel le reçoit en peignoir et mini-slip noir. Impressionnante scène de rut. Marcel dirait bien : "Encore!" mais il a hâte d'aller manger.

vendredi 24 juillet 2009

La (petite) vie de Marcel -55

Marcel est-il insensible?
Du 2 au 17 décembre - 15 jours de vacances au Havre.
Les jours vont passer vite, à enregistrer de la musique, à en écouter, à faire les magasins pour meubler la chambre et le salon. Claudine, bien sûr, est en vacances elle aussi. Ils auront des visites, car ils adorent recevoir. C'est d'abord, le premier week-end, Didier, le jeune minet que Claudine aime bien parce qu'il a un sommeil de plomb et que ladite Claudine peut lui caresser la bite pendant qu'il dort ("Je ne voudrais pas me faire sodomiser par lui, il en a une trop grosse" a-t-elle assuré à Marcel, qui lui a répondu : "Pourquoi voudrais-tu te faire sodomiser par lui?"). Ils l'emmènent au cinéma voir "Les contes de Canterbury", vaste fête paillarde en ligne directe avec les oeuvres d'un Rabelais-made-in-Italie. C'est ensuite les Poiret qui se radinent, les 9 et 10. Si Didier se conduit pas trop mal, Poiret a des faiblesses. Il sera malade ou dormira pendant presque tout le w.e. Claudine résumera son attitude par un définitif : "C'est une lavette". Rolande, plus habituée, résistera mieux à l'ambiance et aux boissons havraises. Enfin Bernard, qui vient les voir un soir, radieux parce qu'il a foutu dehors l'amie avec qui il vivait : "Je suis libre, et me voilà de nouveau pédé!" clame-t-il, et toute la soirée il va leur raconter ses anciennes aventures (notamment la seule fois où il s'est fait prendre, dans un hôtel à Rouen, par un type dont il était dingue : "Je recommencerai jamais! Je gueulais! Je gueulais!") et un chapelet d'histoires plus ou moins obscènes qui les laissent pantois, avant de les inviter à une soirée chez lui, le 24 prochain, avec "rien que des homosexuels!". Claudine, qui va voir Noureev le 17 et qui exulte, n'arrête pas de faire du rentre-dedans à Marcel en lui criant : "Dis : c'est quoi, des homosexuels?".
Les journées passent, sans accroc. Un jour, au marché, un jeune vendeur, blond et barbu, le buste moulé dans un pull, les hypnoptise par ses fesses rondes et pleines, bien prises dans un pantalon de toile. Ils le suivent et Claudine, s'attardant à son stand, y trouve le pull bleu-marine qu'elle cherchait en vain depuis trois mois. Ils rentrent, hilares.
Le 17, il faut pourtant que Marcel regagne Rouen. Il est de mauvais poil, mais sa propriétaire a rouvert le radiateur -fermé durant son absence- et il a sur sa table la lettre d'un inconnu, un certain Phil L. qui l'attend : "Bonne future année, Marcel". Sa mauvaise humeur disparaît. Il prend sa plume des jours de gloire : "Que voulez-vous de moi, Phil? Que nous allions cueillir des roses ensemble? Que nous les regardions se faner, main dans la main? Je les aime très rouges... Si c'est le cas, dépêchez-vous de me répondre, nous avons des chances de nous entendre". Il a pourtant du mal à s'habituer au bruit de son réveil.
Jeudi 21.
Cet après-midi, grande partie de rigolade au bureau. Une vieille femme assez tarte vient leur signaler qu'elle a des fissures chez elle, et qu'elle voudrait être relogée ailleurs. Comme Marcel va chercher la liste des administrateurs de biens chez Léontine, celle-ci s'écrie tout haut : "Pourquoi faire? Elle va se torcher le cul avec!" Il se radine quand même avec la liste, la vieille lui fait : "Je voudrais un appartement avec une cour". Il réplique : "Vous savez, un appartement avec une cour, ça ne court pas les rues!". Sylvie, pliée en deux, doit aller se réfugier chez Léontine.
L'intermède des Poiret au Havre aura porté ses fruits : Rolande traite son mec de "fasciste" et de "dindon stupide et vaniteux" mais, comme le truc de Pascal, il plie mais ne rompt pas.
Hier soir, Marcel a reçu Michel dans sa chambre. Il lui avait téléphoné dans l'après-midi. "Qu'as-tu fait pendant ces 15 jours de stage? (Marcel lui avait dit qu'il allait faire un stage au Havre) Moi, j'ai tiré mon coup avec ma femme. J'en avais pas du tout envie, alors j'ai pensé à toi!" - "Ben voyons, répond Marcel, et tu lui as fait un enfant qui me ressemblera!". Michel se jette sur lui, mauvais : "Je voudrais te faire du mal, te laisser des traces sur tout le corps pour que tu te souviennes de moi!".
Vendredi 22.
Avant de partir pour passer Noël au Havre, il trouve une deuxième lettre de Phil. Prendrait-il le jeu au sérieux? Il la fait lire à Rolande. Elle lui dit : "J'aimerais bien le connaître". Marcel lui écrit très rapidement et lui propose d'aller le retrouver à Epernon à la fin de la première semaine de janvier (les 6-8) mais ne lui cache pas qu'il a "peur" : "Si nous nous emballons tous les deux, que va-t-il nous tomber sur le coin de la figure?". A 16h, coup de fil de Jehan-Bernard, qui commence par l'engueuler parce qu'il n'est pas allé le voir pendant ses vacances (Marcel : "Ah bon? C'était prévu?") et qui lui parle de Phil. "Oui, dit-il, c'est moi qui lui ai dit de prendre contact avec toi. C'est un mec très bien : il est royaliste et il a passé sa licence de droit".
Marcel : Tu serais pas un peu maquerelle, par hasard?
Jehan-Bernard : Entremetteuse, chéri, pas maquerelle! Ne mélangeons pas les dindes et les pintades!
Entremetteuse, royaliste et antiquaire, tout un programme...
Noël au Havre.
Samedi matin, à 2h, Marcel se rend compte soudain de son insensibilité. Un coup de sonnette, puis des appels étouffés les réveillent : c'est Didier. Claudine ne veut pas répondre. Marcel se glisse hors du lit, coupe l'électricité. Mais le minet insiste. Marcel entrouvre la porte : "Qu'est-ce que tu veux?".
Didier : Laisse-moi entrer, je caille.
Marcel : Impossible. Pas question. Ya du monde.
Didier : Dans la cuisine. Laisse-moi entrer dans la cuisine, que je me réchauffe. Je reprends le travail à 6h.
Marcel : Non. Va à l'hôtel. Va chez Bernard.
Il referme la porte et il va à la fenêtre le voir partir. Le sol est gelé. Didier traverse la rue, les mains dans les poches de son veston. Marcel se recouche et sourit. "Il est parti?" demande Claudine. "Oui. J'ai honte!" - "Menteur!" réplique-t-elle.
Le dimanche soir, ils sont invités chez Bernard. Ils y seront à 19h, ils en repartiront à 4h du matin. Il y a un couple de tantes sans intérêt qui, après avoir bu et mangé, s'endort sur le lit, et un autre couple plus singulier : lui est polyvalent, elle est lesbienne. Elle s'appelle Dominique et saute sur Marcel. Toute jeune, menue, mais avec une résistance assez singulière. Elle boit, fume, et danse toute la nuit. Elle lui apprend la valse, entre quelques baisers appuyés qui ne le font pas bander. A 4h, profitant du bordel ambiant, Bernard le pousse dans sa chambre et le renverse sur le lit. Marcel n'étant pas disposé à céder, traîne Claudine dehors qui voudrait bien rester parce que d'autres minets arrivent.

jeudi 23 juillet 2009

La (petite) vie de Marcel -54

Marcel autopsie César et Rosalie.
Dimanche 19 novembre.
Excellente fin de semaine. Il n'avait décidé de remonter dans la voiture de David que lorsqu'il serait totalement décontracté vis-à-vis de lui. Il semblerait que ce soit désormais chose faite : vendredi soir, lorsque la voiture arrive rue du Baillage, qu'il passe, et qu'il suffise que Marcel lui adresse un sourire pour que l'homme s'arrête aussitôt. Inoubliable heure d'amour. Force et tendresse. Libération de puissances et de sentiments qui étaient en attente, qui s'étaient mis entre parenthèses pour pouvoir mieux se déchaîner... Aussi, lorsque samedi soir, Philippe le rencontre et lui paye un pot, c'est calmement qu'il l'accueille, sans lui reprocher de ne plus vouloir faire l'amour avec lui, mais dans l'expectative d'un nouveau rendez-vous qui lui permettra d'apprécier à nouveau la beauté de son corps musclé de loubard des Halles.
Dimanche, Claudine vient le voir. Elle est dans une forme superbe. Depuis son aventure ratée avec Guy elle s'est considérablement décontractée. Ils passent la journée à se marrer comme des petites fous (folles). Comme ils montent à pied la côte pour aller à l'Ariel, elle lui dit : "Il fut un temps où j'avais un chauffeur (Guy), mais monsieur n'a pas été content de mes services, et il m'a donné congé". Puis, à l'Ariel, au bout d'une demi-heure de film (César et Rosalie) : "Dis donc, tu trouves pas que la fille qui joue ressemble drôlement à Romy Schneider?". Marcel, quant à lui, trouve que le film aurait dû s'arrêter au moment où Romy (Rosalie) écrit à Sami Frey (David) alors qu'elle est partie en Vendée. Tout le reste, à partir de ce moment-là, lui a paru constamment faux.
Autopsie de César et Rosalie, par Marcel (sans l'approbation de Claudine).
Ah c'est formidable! ça démarre sur des chapeaux de roue. Montand est formidable -il en fait juste un tout petit peu trop au début, mais ça ne se voit pas; Schneider est formidable -ça fait dix ans en France qu'elle joue le même rôle, mais quelle importance du moment qu'elle a réussi à s'échapper du rôle de Sissi, n'est-ce pas?; quant à Sami Frey, il a trouvé de l'épaisseur, de la maturité virile -c'est important, car il n'a pratiquement rien à dire. Tout est parfait. Pendant une heure on s'emballe pour César, on reconnaît l'intelligence de Rosalie, on voudrait coucher avec David. Tout ce petit monde s'aime, se quitte, se rattrape, se requitte... ("Au fait, lui dit le mec de l'Instruction Civique, le lundi matin au bureau, alors si j'ai bien compris : César couche avec Rosalie, Rosalie couche avec David, et David couche avec César?") - on croirait entendre "Le Toubillon" avec la voix ironique de Jeanne Moreau. Et puis crac! tout s'écroule. Pourquoi? Parce que le réalisateur n'a pas eu la présence d'esprit, l'intelligence ou l'intuition, d'arrêter son film au moment où Rosalie, installée avec César en Vendée, écrit à David, resté à Paris, cette lettre géniale qui est un véritable point final. Mais non! il restait une demi-heure, alors on brode, on fait revenir David, on fait repartir Rosalie, on continue et on s'essouffle. Le spectateur commence à se demander si on ne se fout pas de lui, la vraisemblance vacille et le film se termine en catastrophe par le retour de Rosalie. Le plaisir de la première heure s'est estompé, a disparu.
24-25-26. Week-end au Havre.
Vendredi matin (le 24) Marcel fait un rêve érotique, vers 6h30. Est-ce le fait de n'avoir pas revu Georges? Il rêve qu'il est dans un couloir et qu'un type le serre dans ses bras. Celà pourrait être chez ses parents, à Tours. Marcel lui met la main à la braguette, mais son sexe ne bande pas. Alors il baisse sa culotte et lui offre ses fesses. "Tu veux la fessée?" lui dit l'homme. Il répond : "Oui, mais pas ici. Montons dans ma chambre". Manque de pot, au moment où ils montent, son rêve le quitte.
Le soir, à Rouen, le train a une heure de retard. Il débarque au Havre à 20h30 au lieu de 19h30. Pense-t-il que Claudine se serait inquiétée? Pas du tout, elle est installée dans le salon avec Didier, un jeune mec pas trop con. Marcel s'en fout, il est dans une forme sensass. Il prépare une omelette et ils passent tous les trois à table. Après le dîner, ils boivent en écoutant des disques. De whisky en whisky, Marcel prend une cuite mémorable. A 1h30 du matin, il les laisse pour aller prendre l'air, et quand il revient, Didier s'étant volatilisé, il a juste la force de s'écrouler sur le plumard.
Samedi 25, il se lève de bonne heure pour ranger et faire sa toilette pendant que Claudine est partie travailler. A 9h30, Didier rapplique. Marcel l'installe dans le salon et va faire des courses. Il le retrouve une heure plus tard plongé dans l'écoute de l'Adagio d'Albinoni. L'après-midi, il retourne faire des courses avec Claudine. Ils se couchent à 20h30, crevés. Le dimanche, pendant que Claudine va manger chez sa mère, Marcel fait du crochet.
Lundi 27.
Le chef n'est pas là pendant une semaine. Cette nuit, il a de nouveau rêvé. Le propriétaire venait le voir et se déculottait devant lui (ventre, sexe et cuisses nus) pour lui donner un bouton à recoudre. Et puis il se mettait tranquillement à causer avec Claudine, qui était là, elle aussi, et leur bavardage l'énervait tellement qu'il finissait par les foutre dehors à coups de pied dans le derrière.
Mardi 28. Tard le soir.
Un autre homme au corps tout en muscles, un autre visage à oublier, une autre voix qui insiste pour avoir son numéro de téléphone, avant de repartir... Alain? Michel? Une tête de mâle, marié, père de trois enfants... La routine.

mercredi 22 juillet 2009

La (petite) vie de Marcel -53

Marcel se retrouve seul (enfin presque).
Lundi 16 octobre.
C'est la première fois que Marcel passe un week-end absolument seul. D'habitude, Rolande vient au moins manger avec lui le midi, à la Maison des Jeunes. Cette fois-ci, elle est trop occupée par Poiret pour venir. Mais il est habitué à la solitude, et ça ne peut pas le gêner. Mais tout de même, en arrivant ce matin au bureau, il était un peu triste. "Qu'importe! s'est-il dit, c'est sur soi-même qu'il faut compter, pas sur les autres". Heureusement que Claudine n'habite pas Rouen, ce serait le comble de la voir avec son mec. Mais il ne reproche rien à personne, il a toujours essayé de rester libre, et il comprend que les autres veuillent en faire autant.
Vendredi 13, il a fêté l'anniversaire de sa rencontre avec Francesco en faisant l'amour avec un habitant d'Yvetot. Comme c'était l'homme qui le draguait, et qu'il s'avérait être intelligent, il n'a pas hésité à l'emmener chez lui.
Le samedi, il a travaillé à son roman, qui commence à prendre corps, et il a fait du crochet ("Merci, ma soeur, de m'avoir appris à faire du crochet quand j'étais petit!").
Le dimanche, il est allé voir "La Vallée". Le seul moment où il est resté scotché devant l'écran, c'est en voyant la bande-annonce du "Parrain" avec un Brando incroyable!
Le soir, il s'est amusé avec un type. On l'appellera GZ puisqu'il a une petite voiture immatriculée ainsi. Marcel a commencé par le draguer, puis par le suivre. GZ s'est pris au jeu et l'a suivi à son tour. Mais chaque fois que Marcel s'arrêtait, GZ le dépassait sans vouloir lui parler. Méfiance réciproque? Il l'a semé rue du Renard et il est allé se coucher. Le chauffage était mis, ce qui fait que, n'étant pas encore habitué, il a mal dormi. Et il a fait un nouveau rêve érotique. Il arrivait dans un grand magasin, genre Printemps à Paris, et il s'étendait sur un lit pour qu'on lui fasse un massage, dans une cabine de verre. Le décor changeait et il se retrouvait dans une pièce à demi-obscure. On lui parlait, on lui demandait s'il était bien, on lui massait le visage. Mais ça n'avait pas l'air de plaire aux types qui étaient là, quelque chose ne collait pas, les résultats n'étaient pas satisfaisants. Ce qu'il a trouvé génial, c'est la réflexion de l'expérimentateur, à la fin : "Ce qui ne va pas, c'est la région entre les yeux et les pommettes". Pour le punir peut-être, un type à la méchante gueule de mâle, le renversait sur un autre lit et se vautrait sur lui. Marcel protestait, clamant sa bonne foi : "Je n'étais pas préparé à ce massage! C'est comme un enfant qu'on mettrait pour la première fois sous la douche : il faut le préparer!". Le type n'arrêtait pas de le malaxer et promenait sa bouche sur son visage. Il s'est senti en état d'érection, et au moment où le type se déculottait, sans doute pour le violer, il s'est réveillé en sursaut.
Jeudi 19.
Un parisien, vu jeudi dernier, était au rendez-vous ce soir, à 19h. Il s'appelle André, et il est polonais. Marcel a commencé par le refroidir en lui signifiant qu'il allait manger, et qu'il repasserait vers 19h30. A l'heure-dite, le polonais était sur place, en train de faire les tasses. Marcel l'emmène chez lui et dialogue avec lui après avoir fait l'amour (fort mal. A 46 ans, c'est foutu, mon vieux!). Comme le mec pose des tas de questions, Marcel répond par des tas de mensonges. Puis ils se quittent. Marcel redescend, et le revoit en train de faire les tasses. Peter arrive tout d'un coup et entraîne Marcel boire un coup au Pub. Pauvre Peter! Il sort de chez Rolande, et elle lui a annoncé qu'elle comptait épouser Poiret. "Tu te rends compte! s'écrie-t-il, ça m'a foutu un coup! Je connais bien Poiret, il est bourgeois, très vieille France! Alors avec elle... Et puis maintenant je vais avoir l'air de quoi? On était copains, lui et moi! Après tout ce qu'elle a dû lui dire sur moi, quelle tête y va me faire?...". Il continue sur sa lancée, lui raconte sa vie à Bonsecours, ses espoirs de prendre la tête de la 2ème Direction, et sa contrariété de ce que Léontine soit la seule, dans toute la mairie, à refuser de lui serrer la main. Comme il saoule Marcel, celui-ci le plaque à 22h. "Mais, s'écrie Peter, qu'est-ce que je vais faire, maintenant?" - "Mais tu vas tout simplement rentrer chez toi!" - "Ah non! fait-il, je vais aller me bourrer la gueule quelque part!".....
Dimanche 29.
La bande-annonce du "Parrain" l'ayant fortement perturbé, il court voir le film au cinéma. Putain, mon pauvre Brando, ils t'ont drôlement abîmé la gueule!
Hier soir, Philippe (le mec des Halles aux superbes fesses) est venu carrément à lui, place du Vieux Marché, et s'est mis à lui parler pendant une demi-heure, comme s'ils s'étaient quittés la veille les meilleurs amis du monde. Comme Marcel commençait à sérieusement se cailler les miches, il l'a traîné au Café de la Poste et lui a payé un chocolat. Mais l'autre ne lui a pas proposé de venir chez lui pour se laisser palper les fesses.
Mardi 14 novembre.
Le temps passe. André, le parisien de l'autre jeudi est toujours là. Ils se voient, mais comme il ne sait pas baiser, Marcel refuse de l'emmener chez lui. Jeudi dernier, André l'a embrassé à pleine bouche dans sa voiture, en pleine rue, avant de le quitter pour repartir à Paris.
Fin de la liaison Claudine-Guy. La route du Havre est de nouveau ouverte. L'interlude aura duré un mois-et-demi. Il y est retourné le week-end dernier. Il a passé son temps calmement : musique et crochet. Ils sont allés voir "Délivrance". Le film leur a plu, mais pas le doublage : "Atroce" a dit Claudine.

dimanche 19 juillet 2009

La (petite) vie de Marcel -52

Marcel apprend que Claudine a un mec.
Samedi 16 septembre.
Semaine calme. Couché tous les soirs à 21h. Aujourd'hui, il est à 20h à la gare, pour voir si le type a tenu promesse. Ce dernier, qu'il appellera B. (initiale sur sa taie d'oreiller. "B. ça veut dire Bernadette?". Lui : "Non. Baron" - "Baron de Mes-Deux!") arrive et l'emmène directement chez lui. Déception! Et le dîner chez des amis? Pas question. Alors, mon vieux, baron ou pas, pas question de faire l'amour. Même s'il l'emmerde toute la nuit, il n'aura rien.
Le lendemain matin, pendant que B. va chercher du pain, Marcel prend un bain moussant avec un verre de scotch à portée de la main, et attend la suite de événements. A 11h, comprenant qu'il n'obtiendra pas satisfaction, B. capitule : "Bon, j'ai compris. Je te ramène à Rouen". Il le dépose devant chez Rolande et s'en va.
L'après-midi, après avoir mangé ensemble, Marcel et Rolande vont au cinéma, voir "Jeremiah Johnson" avec Robert Redford. Jeux de physionomie étonnants : la barbe pousse = le regard se bonifie; la barbe tombe = la mort frappe ; le regard se durcit = la barbe repousse.
Lundi 18.
Rêve érotique, à 5h du matin. Marcel embrasse et lèche les parties intimes de quelqu'un, et s'aperçoit qu'il s'agit des siennes. Il se rendort et refait le même rêve. Le réveil l'arrache hors du lit, très irrité : "Bon, ça suffit comme ça!".
Dimanche 24.
Il pensait aller au Havre, mais Claudine recevait Bernard vendredi soir, sa cousine samedi, et devait aller à Paris ce dimanche (pour prendre des places à l'Opéra : Norma, avec La Caballé).
Rien de sensationnel cette semaine. Hier soir, un 92 le drague, va d'une tasse à l'autre en le reluquant. Marcel, fatigué, reste imperturbable, et se laisse ramener par un Daniel de connaissance. Il a beau lui dire qu'il n'a pas envie de faire l'amour, l'autre s'acharne sur lui, accumulant les baisers et les caresses jusqu'à l'épuisement. Daniel s'en va, Marcel n'arrive pas à dormir, redescend rue du Baillage : le 92 est encore là. Au moment où il va l'aborder, un travesti interpelle le 92 qui fait l'indigné et remonte rapidement dans sa voiture. "Va te faire enculer!" lui crie le travesti. Le 92 démarre en trombe et disparaît, sous les rires de Marcel qui remonte chez lui à pied, plié en deux.
Aujourd'hui, il va déjeuner chez Rolande. Poiret, le rédacteur, est déjà là. Depuis une semaine, ils ne se quittent plus. En fait, ce n'est pas si mal : même si Rolande ne semble pas très emballée, ça l'occupe. Quant à Poiret, il donne tous les signes du mec sérieusement épris.
Après le repas, arrive Sandrine, la soeur de Rolande, seize ans, maquillée, nouvellement chaussée. Elle attend un copain qui doit venir la chercher pour l'emmener au Plazza.
Rolande : Comment il s'appelle?
Sandrine : Yann.
Rolande : C'est ton petit ami?
Sandrine : Non.
Rolande : Il est bien?
Sandrine : Grand! (elle lève les yeux au ciel). Je le croche. Pour pas perdre l'équilibre.
Quelque temps après :
Sandrine : Tiens, hier, j'ai vu des prostituées.
Rolande : Des quoi?
Sandrine : Des putes, quoi!
Marcel rentre chez lui. Un nouveau récit lui trotte dans la tête, mais d'une façon laborieuse. Très baroque. Il en a eu l'idée en voyant les gravures d'Aubrey Beardsley, au château de M. (la toilette d'Hélène, pense-t-il se rappeller - The Yellow Book).
Lundi 25.
Temps troubles. Tandis que Poiret et Rolande filent le parfait amour, l'un défendant l'autre (et vice-versa) il téléphone à Claudine, dans la soirée, pour savoir ce qu'elle fabrique. Et elle lui annonce qu'elle a un "ami". Et bien entendu, cet ami ne veut pas entendre parler de lui. Pressentiment? Marcel avait écrit récemment à la dame qui s'occupe de loger les employés municipaux, afin de savoir s'il pouvait prétendre à un vrai appartement, vide et non meublé, afin de pouvoir s'installer définitivement à Rouen...
Jeudi 5 octobre. Routine : Rolande et Poiret, main dans la main, et le copain de Claudine ne veut pas entendre parler de la venue de Marcel au Havre.
Dimanche dernier, pendant que Poiret était occupé dans sa famille, il est allé au cinéma avec Rolande voir "Le charme discret..." le nouveau Bunuel. Uniquement pour Delphine Seyrig, parce que le film l'a emmerdé. A moins que ce ne soit sa nouvelle situation qui l'emmerde.
Coup de fil ce matin de Jehan-Bernard, suite à un échange de lettres, qui lui annonce que M.C. a pris un appartement à Paris, qu'il n'a toujours pas repris le violon mais qu'il se sert toujours de son archet, que Tim est allé à Florence et en est revenu et qu'il désire toujours le revoir, et que lui -Jehan-Bernard- sera ravi de venir passer la nuit avec lui lorsqu'il aura son nouveau logement...
Lundi et mardi soirs, deux parisiens. Celui de lundi avait un corps splendide mais n'arrêtait pas de raconter sa vie. Celui de mardi...? Non, rien à signaler.
Samedi 7.
Soirée exceptionnelle à Paris : La Norma. Reprise somptueuse, dans les fameux décors et costumes de Zeffirelli. Marcel est avec Rolande, qui apprécie le spectacle. Au-dessus d'eux, Claudine et Guy, son nouvel ami. Marcel est en costume de velours noir, chemise blanche, noeud papillon grenat. Rolande a mis sa robe Cacharel noire à dessins d'or. Marcel se souvient de ce que lui avait dit Jehan-Bernard, le premier jour de leur rencontre : "J'ai eu un ami, X. Il m'a quitté. Je ne suis pas beau, mais le type pour qui il m'a laissé tomber est encore plus laid que moi". Sacré Jehan-Bernard! Mais ce soir, la beauté rayonne sur scène. Le duo Caballé-Cossotto fonctionne à merveille. Le ténor se fait siffler, mais qu'importe! Les parisiens sont capricieux. A côté de lui, un homme souffle à Marcel : "En 65, quand je suis allé voir La Tosca, plus la Callas criait, plus le public applaudissait!".

samedi 18 juillet 2009

La (petite) vie de Marcel -51

Marcel n'est pas "inabordable".
Jeudi 24 août.
Marcel feuillette son journal : comment s'appelle donc cet homme, marié, père de famille, avec qui il a pratiqué l'empoignade sexuelle? Alain-le-Nantais? Oui, c'est celà.
Ce soir, à la gare, il dort sur son volant. Marcel le réveille, histoire de s'amuser. Le mec repart à l'attaque : il voudrait être libre, ne plus avoir de femme, etc...
Marcel : Tu es fatigué ou bien déprimé?
Alain : Déprimé.
Il le fait monter chez lui, la lutte commence.
Marcel : Dépêche-toi! Je ne veux pas me coucher tard.
Alain : Tu me feras crever!
Marcel : Mais non! C'est ta double-vie qui te fera crever. Pas moi.
25-26-27.
Week-end calme, dans l'ensemble. Il prend son après-midi de vendredi, et débarque au Havre à 13h. Le temps de manger, et il est à 14h15 à la plage. Un bouquin assez dément : "Le requiem des blondes" de Chase, où l'on sait, arrivé au milieu, que c'est Esslinger qui a fait le coup puisque l'auteur parle de tous les autres sauf de lui, mais où les derniers chapitres sont bougrement palpitants. Le soleil est là, et le bronzage italien ne tarde pas à refaire surface.
Samedi 26, beaucoup de dragueurs sur la place. Serge, un barbu déjà consommé, le redrague et l'invite à monter. Mais à la place de sa voiture de sport, il a une vulgaire 4L. Marcel a un pressentiment, mais il monte quand même. En pleine cambrousse, Serge l'avertit : seul son siège fait couchette. "Ca va être chié!" s'exclame Marcel tandis que l'autre se débarrasse de son pantalon et de son slip. Prudemment, il commence avec la bouche...et s'arrête en chemin : "Y a une vache qui nous regarde!" - "T'occupe pas de la vache!" fait Serge qui s'excite brusquement et veut lui monter dessus.
Marcel : Non, pas ici. J'ai peur.
Serge : De quoi as-tu peur?
Marcel : Je ne sais pas. Raccompagne-moi, je veux rentrer. On finira ça chez moi...
Et au moment où il se redresse, il voit par le rétroviseur deux gendarmes qui se radinent, torche à la main.
Marcel : Magne-toi! les flics!
Serge ne réalise pas. Il est allongé, les couilles à l'air. Les autres se rapprochent et les regardent, étonnés : "Mais c'est deux mecs!". Serge n'arrive pas à remettre son slip. Marcel a remis le sien n'importe comment. Heureusement, la voiture n'a pas de poignées extérieures. Tandis que les gendarmes leur ordonnent d'ouvrir, ils remontent leur froc. Les flics prennent leurs papiers, s'en vont rejoindre leur véhicule. Ils les entendent rire.
Marcel : Qu'est-ce qu'ils vont faire?
Serge : Ils vont se marrer, et puis nous laisser partir.
C'est ce qu'ils font. Serge est un peu accablé.
Marcel, en éclatant de rire : "Au moins, tu te souviendras de moi!".
Vendredi 1er septembre.
Semaine nulle. Il sort tous les soirs, sans succès, sans envie, morose, terne, obsédé par une rencontre inattendue qui le transporterait au-delà de la routine. Il voit souvent Gladys, ami de Michou, et qui l'amuse par sa conversation, mais que de changements depuis Chez Germaine!
Samedi 2.
Il passe la journée à Paris, avec Rolande. Et c'est à 21h, au moment de partir, qu'un beau garçon le drague dans la gare Saint-Lazare. "Je peux rentrer toute seule" lui dit Rolande. Non, il rentre avec elle.
Dimanche 3.
Il se lève, de très mauvais poil : il a fait un rêve érotique qui l'a laissé humide, mais dont il ne se souvient pas. Il n'aime pas perdre son sperme inutilement. L'après-midi, il se couche, seul, de 13h à 16h, tandis qu'une idée de roman lui trotte dans la tête.
Lundi 4.
Affaire David - et Canteleu- terminée. Il passe, repasse, au volant de sa chiotte, et ne s'arrête pas. A classer, malgré le dépit (amoureux).
Décidément, l'ambiance est à chier. A la gare, il commence par se faire engueuler par un type parce que, soi-disant, il n'arrête pas de le regarder. Or, il se trouve que si Marcel le regarde c'est parce que, justement, l'autre le regarde aussi! Il faudrait savoir!
Place du Vieux-Marché où il a atterri, un type en arrêt, grand, baraqué, le dévisage. Ah non! ça va pas recommencer! Il va faire un tour. A 23h, ne voyant plus rien à l'horizon, il s'apprête à remonter chez lui lorsque le mec baraqué se radine en voiture. Croisements d'yeux. Il lui fait signe de monter. Direction rue Jean Revel.
Le baraqué : Je vous ai vu pendant un an. Vous passiez près du lycée Corneille...
Marcel : Rue Bourg-l'Abbé. J'y travaille.
Le baraqué : A chaque fois, vous détourniez la tête.
Marcel (incrédule) : Je ne vous ai jamais remarqué.
Le baraqué : Je vous ai vu plusieurs fois au Café de la Poste, avec une femme.
Marcel (haussant le ton) : Une jeune fille blonde!
Le baraqué : Je ne sais pas si elle est blonde. Pour moi, elle est informe. Vous étiez le type même de l'homosexuel, mais quand je vous regardais, quelque chose fuyait, m'échappait. Vos yeux vous barrent le visage. On y lit une angoisse, un tourment...
Marcel n'en croit pas ses oreilles. Le type continue, longuement. Marcel regarde sa montre : il est 1 heure du matin.
Marcel (envoyant balader ses chaussures et ses chaussettes) : Vous allez me laisser dormir, maintenant.
L'homme se lève, déçu, regarde ses pieds nus : "Nous reverrons-nous?".
Marcel : Je ne crois pas.
Le baraqué : Je ne vous serre pas la main, j'ai horreur de ça.
Marcel (excédé, énervé) : Eh bien, embrassez-moi!
Le baraqué : Si je le fais, vous n'irez pas vous coucher.
Il ouvre la porte, Marcel se lève d'un bond, referme la porte, se jette sur lui, le fait tomber sur le lit : "Merde à la fin! Tirons un bon coup et n'en parlons plus!".
Mardi 5.
Claudine vient lui apporter The Gramophone. Rue Jeanne d'Arc, ils rencontrent Patrice qui leur paye un pot au Donjon. Ils boivent, et comme Patrice commence à les pomper avec ses histoires de job, de fric et d'amourettes, ils prétextent un rdv pour s'éclipser.
Marcel se couche, à 21h, crevé. Le baraqué de la veille était chiant, mais il avait un sacré membre!
Mercredi 6.
Eh bien, ça y est : la forme est revenue! Pourquoi? Mystère! Le nouveau rédacteur, Poiret, s'est mis à déconner. Au lieu de dire "Petit-Quevilly" il dit "Petite-Couille-Vieillie" ce qui a le don de le plier en deux. Quand l'affreux Machin-man, de l'Instruction Publique, se radine en demandant un bonbon et qu'il dit : "Il n'y a donc rien à sucer, ici?" Marcel ne se tient plus. Et pourtant, il devrait être triste : Gallimard et Julliard lui ont refusé sa nouvelle. Mais non : il s'amuse comme un petit fou. Il a profité que le chef n'était pas là pour se raser les poils de la poitrine dans les chiottes. Rolande est en vacances, et elle refuse de le voir pendant une semaine parce qu'elle aime bien "les retrouvailles"! Il se marre. Quant à Sylvie, au bout de deux mois de présence, faut voir comment elle parle : "Merde! Vous me faites chier! Il est chié, celui-là! etc, etc...). Quand Léontine proclame : "C'est moi qui commande, ici. C'est moi la plus vieille!" Poiret réplique : "Very funny : un bureau de débiles commandé par une sénile!".
Vendredi 8.
Marcel est au Havre. Son horoscope lui annonce un changement pour 22h. A 22h05 il monte dans la voiture d'un homme qui s'étonne de le voir au Havre. C'est le deuxième en une semaine (le premier était le baraqué) à lui dire qu'il l'a déjà vu et qu'il le trouve "inabordable"! Marcel n'en revient pas! Et les voilà à plus de 20 kms du Havre, dans une ancienne ferme-étable que l'homme a aménagée.
Marcel (vexé) : Si je suis si "inabordable" qu'est-ce que je fous avec vous? Ramenez-moi donc au Havre et laissez-moi tranquille!
Le mec (à poil dans le lit) : Si tu as envie de faire du stop....
Marcel (brutal) : La marche à pied, ça ne me fait pas peur!
L'homme se lève, furieux : "Bois un coup, ça te donnera des forces!
Ils boivent, mais c'est lui qui est saoul. Dehors, il titube.
Marcel : Vous croyez que vous allez pouvoir conduire?
Il n'en sait rien. Il roule doucement, presque toujours à gauche. Heureusement, il n'y a pas d'autres voitures. Il le laisse devant chez Claudine et lui dit qu'il le prendra samedi prochain à 20h devant la gare de Rouen, pour aller bouffer chez des amis à lui. Marcel n'en croit rien et le laisse filer. "Mensonges! marmonne-t-il. Et ils disent que c'est moi qui suis compliqué!...".
Samedi 9.
Après l'incident des gendarmes, il a décidé de ne plus faire l'amour en voiture. C'était bon avec David, parce qu'ils s'aimaient, mais les autres....
Il voit Bernard et Willy, avec leurs minets. Ambiance gentiment folle.
Dimanche 10.
Paisible. Il fait des essais au magnéto. L'amitié continue entre Claudine et lui, mais sans le secours du lit. Il lui dit : "Tu es mon vieux pote!". Elle rit : "Et toi, ma vieille tantouse!".
Carte de Christophe, l'ami de Burt, des USA.

jeudi 16 juillet 2009

La (petite) vie de Marcel -50

Marcel retrouve la routine Rouen-Le Havre.
Lundi 31 juillet.
Coup de téléphone, vers 11h, de Jehan-Bernard. Rendez-vous pris pour le soir, 19h. Il se radine avec Christophe, ainsi qu'un vieux que Marcel connaissait déjà (doux et bon-enfant) et une vieille tante rouennaise assez énervante. Soirée sans intérêt, mais où il apprend quelques nouvelles assez étonnantes. D'abord que Burt, depuis le 14 juillet, n'a pas donné signe de vie à Christophe. Départ pour New-York compromis, donc? Ensuite que Tim, lorsqu'il est saoul, n'est pas drôle : Christophe, la première fois qu'il est venu au château, en aurait fait l'expérience. Tim lui aurait demandé de descendre avec lui à la cave et là, saisissant une bouteille de vin d'une main et ouvrant sa braguette de l'autre, l'aurait menacé de lui fracasser la tête s'il ne lui faisait pas une petite gâterie. Marcel n'en reste pas moins sur sa position initiale : Tim lui est apparu comme un homme intelligent, cultivé, et en tout point remarquable.
Mardi 8 août.
Marcel a fêté son anniversaire (28 ans) avec un nouvel amant, Philippe, et une lettre de Tim (qui lui exprime son amitié).
Il a dragué Philippe hier soir. Il y avait longtemps qu'il n'avait pas couru après un mec : 21 ans, des fesses de cheval, un membre superbe. Ils ont fait l'amour rue Jean Revel.
Au bureau, il y a deux nouveaux arrivants : le rédacteur, Poiret, qui est là depuis le 1er juin en remplacement de Peter, parti à Bonsecours, et Sylvie, arrivée le 1er juillet, stenodactylo. Poiret est jeune, fade physiquement (par rapport à Peter), intellectuel et argumenteur. Sylvie est sympathique, directe, très vive et très enjouée.
Jeudi 10.
Hier soir, rendez-vous à 20h30 avec Philippe. Ils vont prendre un pot, puis ils vont faire l'amour chez Marcel.
Marcel : Monte sur moi.
Philippe s'exécute.
Marcel : Qu'est-ce que t'es lourd!
Philippe : Dis tout de suite que je suis gros!
Marcel : Non, pas gros : lourd.
Philippe : Tu te fous de ma gueule?
Marcel : Mais non!
Philippe pèse sur lui de tout son poids : "Je voudrais que tu ais des marques partout, demain, quand tu iras travailler" et puis : "Je ne te fais pas mal?" et, dans un sanglot : "Dis-le moi si je te fais mal! Je ne veux pas te faire de mal!".
Après l'amour ils restent allongés, puis ils vont prendre un pot. Marcel le raccompagne jusque chez ses parents. En passant dans une rue sombre, déserte, il lui palpe les fesses. Du deuxième étage, un type leur lance : "Hé, là-bas, vous voulez que j'appelle la police?". Ils éclatent de rire. Après avoir quitté Philippe, Marcel rentre par le boulevard des Belges. Un type, saoul sans doute, tape contre une porte obstinément fermée. Une fenêtre s'ouvre. Un homme, en chemise, fait : "Chut!". Le type l'apostrophe : "Va te faire enculer!". La chaleur ne rend pas les gens aimables.
Aujourd'hui, ne sachant toujours pas ce que fait cette andoulle de Jehan-Bernard durant le week-end, Marcel lui téléphone. Aussitôt, l'autre éclate violemment : "Dis-donc, qu'est-ce que c'est que ce mec que tu as présenté à M.C.? C'est un gigolo, une pute!". Marcel réplique : "Ce n'est pas moi qui l'ai fait venir au château, c'est M.C. qui est venu nous chercher". Paraît-il que la châtelaine se serait entichée de Patrice au point que celui-ci voudrait s'y installer, et que M.C. ne saurait plus quoi faire pour se débarrasser d'un garçon devenu trop envahissant.
Marcel éclate à son tour : "Après tout, c'est de la faute à M.C. Il lui a tout promis dès le premier jour : le secrétariat, les voyages autour du monde et les vacances à Rome! Pas étonnant que Patrice se soit monté la tête!".
Jehan-Bernard se calme un peu et, d'une voix gémissante : "Mais il fallait prévenir M.C. Tu comprends, quand je lui présente quelqu'un de louche, je lui dis : "Attention, M.C.!" et alors il est seulement question de se l'envoyer....et rien d'autre!".
Mercredi 16.
Le week-end s'est déroulé au Havre, sans Jehan-Bernard qui avait envisagé de venir mais qui s'est désisté. Rolande était en forme. Ils ont beaucoup bu mais ils n'ont jamais été ivres. Claudine a été insupportable, querelleuse, de mauvaise foi, aigrie... Willy est venu leur rendre visite, avec un nouvel ami, Bernard. Marcel remarque tout de suite sa mauvaise dentition, son col roulé troué, et son extraordinaire vitalité. D'emblée, il sait qu'il ne couchera jamais avec lui mais qu'il s'en fera un formidable ami, si tout se passe bien.
Ce soir, il attend Philippe, qui ne vient pas. Enervé, il va draguer, un Nantais (Alain), bronzé. Il l'emmène chez lui et, dans le lit, il le bouscule. Il veut se venger de Philippe, et la lutte les déchaîne. Les coups succèdent au délire érotique. Avant de partir, épuisé, Alain lui balance : "Dans les lieux de drague, on ne rencontre que des voyous, des dégénérés ou des folles!". Marcel préfère ne pas répondre.
Jeudi 17.
A 13h, il va crânement trouver Philippe sur son lieu de travail, sous les Halles. A voir son oeil, il comprend tout de suite que le mec n'a plus envie de coucher avec lui.
Marcel : Tu veux me revoir?
Philippe : Oui. Quand? Ce soir?
Marcel : Si tu veux.
A 18h, il va retrouver Rolande, et ils vont à la clinique Sainte-Anne, où Réjane a accouché hier soir d'une petite fille, Béatrice.
Philippe se radine rue Jean Revel, vers 21h. Il nargue Marcel : "Tu ne peux pas te passer de moi?". Marcel accuse le coup et, le déculottant, se dit : "Ok. Puisque c'est la dernière fois, profitons des appâts qu'on nous offre".
Jehan-Bernard a téléphoné pour lui annoncer que Christophe est finalement parti retrouver Burt à New-York.
Fin de semaine calme, à Rouen, seul. Samedi soir (19) il bavarde pendant une heure avec un copain, et lui demande s'il connaît Philippe. Oui, il le connaît de vue. Il l'a même vu faire les tasses de la place du Vieux-Marché, après avoir quitté Marcel, le jeudi soir, et repartir avec un mec.
Dimanche soir, il retrouve Patrice et va prendre un pot avec lui : il a trouvé du travail et c'est fini avec M.C. Marcel envoie une lettre à Jehan-Bernard : "Tu vois, c'était pas la peine de m'engueuler... et de faire tout ce tapage!". Et sa nouvelle "Le Couple d'Hommes" à trois éditeurs.

mardi 14 juillet 2009

La (petite) vie de Marcel -49

Marcel joue les entremetteurs.
Lundi 24 juillet.
De retour au bureau après avoir écouté hier soir, chez Rolande, un assez décevant Trovatore, retransmis d'Orange avec La Caballé, Marcel téléphone en début d'après-midi à M.C., devant Rolande qu'il a mise au courant. A la perspective d'avoir un nouveau secrétaire, jeune, beau et actif, M.C. est tout de suite intéressé. Il rappelle Marcel dans l'après-midi pour l'inviter, ainsi que Patrice, à passer le week-end au château de M. "Vous savez, ajoute-t-il, Tim sera là et il a beaucoup insisté pour faire votre connaissance". Enfin!....
Dans l'après-midi, Rolande téléphone à Martin et lui réclame 150F pour les lunettes que sa chienne a abîmées la dernière fois qu'elle est allée chez lui. Monsieur devient grossier : "Tes lunettes, tu peux te les foutre au cul!". Elle réplique, remontée : "Ca, mon vieux, c'est beaucoup plus de ton ressort, puisque c'est ton gagne-pain!". Marcel écrit une lettre à Patrice, pour lui donner rendez-vous vendredi soir, M.C. devant les récupérer à 18h15 au Café de la Poste. Rolande y sera, incognito, pour assister aux présentations. Elle se mettra le plus près possible de leur table pour bien entendre leur conversation. Et bien entendu elle fera semblant de ne pas les connaître.
Mardi 25.
Nouveau coup de fil de M.C. Il demande des précisions au sujet de Patrice : "Je voyage beaucoup, j'ai besoin de quelqu'un de fiable et de présentable". Marcel ne lui ment pas en lui parlant de ses yeux bleu-vert et de son corps magnifique, mince et musclé. Il lui vante aussi sa disponibilité, ce dernier point étant confirmé par Patrice lui-même, dans une première lettre répondant à la sienne.
Mercredi 26.
Marcel contacte Jehan-Bernard, qui a dû voir M.C. la veille. La lettre que Marcel lui a envoyée ne lui a pas plu ("Je ne t'aime pas...je ne t'aimerai jamais...") et il devient brusquement méchant, traitant Patrice (qu'il ne connaît pas) de "bestiole" et de "chose", puis carrément cynique : "Tim sera là, tu vas pouvoir t'envoyer en l'air!".
Deuxième lettre de Patrice, avec photo (belle) à l'appui.
28-29-30.
Deuxième week-end au château de M.
Marcel n'a été ni déçu, ni surpris. Patrice et M.C. se sont très vite mis d'accord, et Tim s'est montré pertinent.
Vendredi soir (le 28) M.C. est arrivé avec presque une heure de retard au Café de la Poste. L'ayant mis en face de Patrice, Marcel n'avait plus qu'à s'effacer, les laissant établir leurs plans d'entente et de collaboration. Rolande assistait à la rencontre, imperturbable.
Arrivés vers 21h au château. La châtelaine est venue les accueillir, vieille dame très digne et très sympathique. Tim n'était pas là. Ils ont mangé, puis ils sont passés au salon, où la brave dame les a laissés tous les trois. M.C. s'est chargé de la conversation. Comme le temps passait, il n'a pas pu s'empêcher d'insinuer : "J'ai peur que Tim ne rentre ivre". Tim n'est pas rentré ivre, vers 23h, mais avec une crise d'arthrite. M.C. s'est cru obligé de rajouter : "Et encore, ce n'est rien! Si vous l'aviez vu en rentrant de Venise!..." et il imite quelqu'un qui marcherait plié en deux. Après leur avoir dit bonjour, Tim regagne aussitôt sa chambre. Marcel en fait autant, laissant les autres seuls.
Samedi 29.
Levé à 8h, Marcel écoute les bruits. Il se lave et descend rejoindre la propriétaire. Ils bavardent dans la cuisine. Tim vient les rejoindre et commence à parler avec lui. L'homme lui apparait d'un tact remarquable. Marcel va cueillir des haricots verts dans le jardin avec la vieille dame, et Tim l'aide à les éplucher. L'arrivée de Patrice met fin à une intimité calme et sans désir. Tim se retire, et Patrice raconte sa soirée à Marcel, ce dont il se passerait volontiers. M.C. a tout promis : le secrétariat, l'appartement à Paris, et même des vacances à Rome. Heureusement, la vieille dame revient : il faut préparer le pique-nique. Ensuite, ils partent pour la plage. Déception : Tim ne partagera pas un seul repas avec eux. Avant d'arriver à la plage, ils passent voir les N., au cimetière américain. Ils les rejoindront sur la plage. Marcel évite le plus possible de rester seul avec Patrice. Ses confidences l'ennuient, et aussi son aplomb : il s'agite, crie après les chiens, s'occupe de la châtelaine, et parle à M.C. comme s'il faisait partie de la famille depuis des années. Heureusement, les N. arrivent, les invitent à prendre le thé chez eux, où Patrice ne peut s'empêcher de tourner autour de leur fils, Stephen, 17 ans, blond et musclé. Retour au château. Comme la veille, Marcel va se coucher de bonne heure, vers 23h.
Dimanche 30.
La meilleure journée. Marcel passe presque toute la matinée avec Tim, dans le jardin. Il a acheté une villa près de Florence, il doit la restaurer et s'y installer définitivement. Il lui fait voir des livres, ce qui leur permet de se rapprocher. Patrice intervenant, Marcel préfère aller s'amuser avec Socrate, le teckel. De nouveau, le midi, la plage. Cette fois, les N. sont déjà là. Ils ont fait un feu de bois dans la dune. Les enfants sont avec eux. Patrice n'arrête pas de regarder Stephen. Comme le plus jeune des fils N., blond aux yeux bleu-sombre, n'arrête pas de lui sourire, Marcel l'invite à faire la course sur la plage, avec Socrate. Puis ils vont tous les deux se baigner, tandis que Socrate les regarde et pleurniche, car l'eau ne semble pas beaucoup l'attirer. Monsieur N. et un ami viennent les rejoindre pour une partie de boules. Puis, tous ensemble, avec Stephen et les filles, ils entament une partie de base-ball. Ils rentrent, vers 17h30. Tim est là, et accapare aussitôt Marcel, l'entraînant dans la bibliothèque où ils regardent ensemble, allongés sur le sol, des photos de la villa que Tim veut restaurer à Florence. M.C., fatigué sans doute par la journée passée à la plage, s'est endormi sur le divan du salon. Tim emmène Marcel dehors avec des livres, et lui parle de toutes ces villas, palais, qui lui tiennent tant à coeur. La châtelaine paraît, interrompant le rêve. Il est l'heure que Marcel parte. "Je le regrette" lui dit simplement Tim. Pas de mots, pas de gestes inutiles. M.C. les raccompagne, Patrice et lui, à la gare. Dans le train, Marcel se referme, refusant le dialogue. L'image de Tim le hante. Le reverra-t-il un jour? Le bruit du train lui répond, monotone "Peut-être...peut-être...peut-être...".

lundi 13 juillet 2009

La (petite) vie de Marcel -48

Marcel fréquente l'Aristocratie.
Lundi 26 juin.
Les événements se précipitent, dès son retour à Rouen. Jehan-Bernard, qui lui a envoyé lettres et télégramme, rapplique le soir (Café de la Poste) et se hâte de lui présenter un violoniste, M.C., qui sort paraît-il de dépression. L'accompagnent : Burt, américain, et son ami Christophe. M.C. parle déjà de travail et de coopération. Sceptique, Marcel observe Jehan-Bernard et se demande à quel jeu il joue...
Mardi 27.
Il déménage de la rue des Sapins pour atterrir rue Jean Revel.
Mercredi 28.
Il dine, le soir, avec M.C. à l'Ecu de France. M.C. parle beaucoup de lui et de la dépression qu'il a eue après son aventure (sa liaison, plutôt) avec un garçon qui l'a quitté. M.C. lui apparaît comme un mélange mal dilué de couardise, de snobisme et de sincérité.
Jeudi 29.
Claudine vient le voir à 18h, refuse d'entendre parler de Jehan-Bernard. Ils se font la gueule avec un ensemble parfait.
Vendredi 30.
Il prend le train pour Caen. M.C. l'attend à la gare et le conduit au château de M. où il est invité pour le week-end. Burt est là, très séduisant. M.C. que le sexe, paraît-il, ennuie, n'arrête pas de draguer Marcel. Celui-ci ferme la porte de sa chambre à clé. Jehan-Bernard et Christophe arrivent le lendemain. "Bon sang! se demande Marcel, qu'est-ce que Jehan-Bernard manigance? Veut-il que je tombe dans les bras de M.C.? Que je plaque tout pour le suivre?". Il erre dans le château, soudain seul, parmi les oeuvres d'art. Les livres de Tim, le fils de la propriétaire (absent) sont morbides à souhait : sodomies et meurtres (Gilles de Raie), homosexualité et camps de concentration (Piepel).
Lundi 3 juillet.
Marcel écrit à Jehan-Bernard pour qu'il lui ménage un rendez-vous avec Tim. Cet homme, qu'il ne connaît pas, l'attire. Et lui seul pourra lui donner des précisions sur la vie professionnelle de M.C.
Coup de téléphone, l'après-midi, de M.C. Il veut le voir cette semaine. Marcel refuse.
Il rentre chez lui, écrit une carte pour Francesco. Il va la poster à la gare. Il est 21h. Il remarque la Jaguar de Georges. Il est dans sa voiture. Marcel fait celui qui ne l'a pas vu mais il sort et va au-devant de lui. Ils parlent. Georges lui demande de monter. Il va refuser, mais il y a une telle intensité dans son regard qu'il accepte. Au moins, avec lui, il sait ce qui va lui arriver. Dans la campagne, l'homme lui frappe les fesses "Allons! Continue! Je sais que tu peux faire mieux que ça!". Sur le retour, satisfaits, ils parlent de l'Italie, le plus tranquillement du monde.
Mardi 4.
Il envoie une lettre à M.C. pour lui faire part de ses exigences : "J'accepte de travailler pour vous, mais je refuse de partager votre lit. Réfléchissez, et décidez".
Lundi 10.
Plus rien. Passé le week-end au Havre, soleil samedi, pluie dimanche. Rolande doit être partie ce matin pour passer une semaine avec Claudine. Jehan-Bernard, qui lui téléphonait tous les jours, ne le fait plus. Marcel lui a écrit jeudi soir. Cet après-midi, n'y tenant plus, il lui téléphone. Jehan-Bernard le remercie pour sa lettre et lui promet de lui répondre. Dimanche, lors du week-end au château de M. il a fait un voeu en entrant dans une église. Marcel lui demande de lui faire part de la nature de ce voeu. "Je te le dirai dans ma lettre" répond-il.
Elle arrive jeudi midi, le 13. Jehan-Bernard écrit que Marcel "l'aime". Celui-ci répond aussitôt : "Je ne t'aime pas et ne t'aimerai sans doute jamais... Je pense à toi avec tendresse, avec émotion, avec amertume aussi... Je n'ai pas l'habitude de perdre mon temps à soupirer pour quelqu'un qui habite à plus de 100kms de chez moi... Je voudrais te voir tous les jours, te parler... Celà n'est pas possible. Point à la ligne".
La veille, mercredi soir, il avait revu David, qui était resté une demi-heure à le serrer dans ses bras. Très détendus, ils avaient plaisanté tout le long du parcours du retour.
Week-end du 14 juillet au Havre. Durant trois jours, Marcel ne fait que boire : punch, scotch, vermouth, gin, cognac. Il s'engueule samedi soir avec Claudine. Ils vont draguer chacun de leur côté, et Marcel fait l'amour dans une voiture avec un barbu prénommé Serge d'une grande tendresse.
Après-midi sur la plage, courses avec Rolande. Retour à Rouen.
Lundi 17.
Coup de fil, d'abord de M.C., qui veut l'inviter au château de M. pour le week-end. Sachant que Tim sera là, il accepte. Puis de Jehan-Bernard, qui a passé une semaine effroyable et qui n'a pas encore reçu sa lettre. Orage.
Les événements, de nouveau, se déchaînent. Il apprend, par Jehan-Bernard, que M.C. a essayé de mettre la main sur un mec (Joel) qui est actuellement à Caen et que, n'ayant pas obtenu ce qu'il voulait, il s'est rabattu sur lui. Marcel rappelle M.C. pour lui dire qu'il n'ira pas au château samedi.
Samedi 22.
Il est au Havre, chez Claudine, où il emmène deux hommes : Willy et Patrice. Ce dernier est un jeune, présentant beau et disponible, dont il compte bien se servir pour assumer sa vengeance. En attendant, il leur passe des diapos, leur offre à boire, et flirte avec Patrice. Claudine, qui n'était pas là, les rejoint à 2h du matin. Ils écoutent de la musique.
Le lendemain (dimanche 23) Marcel élabore son plan. Willy vient prendre l'apéritif et repart. Marcel l'invite à venir prendre le thé à 17h avec son chien. Patrice arrive vers 14h, déjeune avec eux. L'après-midi, Marcel fait l'amour avec lui pendant que Claudine va chercher Willy. Après s'être assuré que Patrice est un bon amant, il lui parle de M.C. et lui met l'eau à la bouche. Willy et Claudine les rejoignent. A 18h Marcel mange en vitesse et quitte Claudine après lui avoir vaguement expliqué son plan.

dimanche 12 juillet 2009

La (petite) vie de Marcel -47

Marcel s'envoie en l'air à Venise.
Marcel devait tenir un journal, au jour le jour, concernant ses vacances à Venise. Il l'a fait, mais en se relisant il n'était plus d'accord, un jour après. Alors comment faire? Celà se terminait le dimanche 18 juin, avec : "Je suis définitivement réconcilié avec Venise et les Vénitiens". Ah oui! Quelle journée, ce dimanche! Dans le train du retour, jeudi 22, il s'est mis à chialer comme ça ne lui était pas arrivé depuis belle lurette! Oh, ça n'a pas duré bien longtemps, mais quelle crise! Claudine a préféré s'eclipser du compartiment. La veille, mercredi soir, il avait revu Franco, son amant vénitien, et ils avaient fait l'amour dans l'herbe et les orties, près d'une église avec cloître qu'il ne connaissait pas (Santa Elena) et Franco lui avait redit les mots qu'il avait le plus entendu dans sa bouche : "Aaaah! Maaarcel! Maaarcel! Merveilleux!".
Pourtant, Marcel ne souhaitait pas avoir d'amant italien, mais Jehan-Bernard lui ayant fait d'absurdes recommandations sur lettre avant de partir, et le destin s'en étant mêlé, il avait décidé de céder à la tentation qu'on lui offrait.
D'abord, il faut dire, pour être franc, qu'il avait trouvé les mâles vénitiens très orgueilleux, très fiers de leurs fesses et de leur queue. Le courant de sympathie ne s'est pas fait tout de suite. En fait, il n'était pas très à son aise. Plairait-il ou ne plairait-il pas à ces mecs qui semblaient... Plus tard, ce fameux dimanche 18, place Saint Marc, lorsqu'il s'ouvrit à son deuxième amant italien, Francesco, et que devant son ami un peu "pazza", il avait eu l'incronguité de s'écrier : "J'ai l'impression que les italiens aiment beaucoup trop les femmes!". Regards et fou-rires des deux autres. Francesco se tourna vers lui et lui dit : "Ecoute. Une fois je voulais faire l'amour avec un garçon. D'accord, me dit-il, je vais d'abord conduire ma fiancée à la casa, ensuite je vais revenir faire l'amour avec toi". Et son copain d'ajouter : "A minuit tous les vénitiens reviennent place Saint Marc, sans leur fiancée, et ils font alors ce qui leur plaît". Et il entraîna Marcel voir un escalier, du côté du Rialto, et en profita pour lui peloter les fesses dans les ruelles obscures.
C'est lundi 5 que Franco le regarda pour la première fois. Et quel regard! Cheveux châtains, yeux bleus. Dans son kiosque à journaux, Fondamente Nuove. Regard franc, direct, rempli de désir. Marcel était avec Claudine. Ils revenaient des iles. Mais une bonne semaine passera avant que Marcel se décide à aller lui parler. Le samedi 17, sous la Torre dell'Orlogio, un autre regard bleu le croisa, soutint le sien, revint à la charge. Avec une franche naïveté qui le séduisit. Entre temps, il avait fait l'amour avec Franco. Claudine n'était pas là le jour de cette seconde rencontre, elle faisait les magasins. L'homme était grand, front dégarni, cheveux gris-blancs légèrement dans le cou, veste de daim, jean's. Une chaleur humaine considérable. Ils allèrent se promener jusqu'à La Fenice, virent les gens sortir (concert symphonique) et puis ils errèrent dans les rues. Il lut dans les yeux de Francesco un désir plus calme que celui de Franco. Etreintes sous les ponts. Muscles des cuisses tendus. Regards comme éblouis.
Lundi 12, premier jour de pluie. Marrant de voir les vénitiens en chemisette avec leurs pépins de couleur. Première lettre de Jehan-Bernard. Marcel et Claudine vont à Murano. En revenant, l'homme du kiosque à journaux le fixe de nouveau. Il va le voir le lendemin, vers 18h, et met un bon quart d'heure avant de se décider à lui adresser la parole. Pourquoi? Il n'y a aucune ambiguité dans l'attitude de l'homme : il feuillette distraitement un illustré en essayant de cacher la boursouflure de sa braguette. Il voudrait le voir le soir-même, mais Marcel remet leur rendez-vous au lendemain. "Aaaah! Maaarcel! Maaarcel! Merveilleux!". Un coin désert, sur l'herbe. Quelques passants égarés. Franco insiste pour le revoir.
Dimanche 18. Défilé et journée historique. Le défilé n'est pas terrible, mais il y a beaucoup de monde. Marcel est en forme. Francesco arrive, lui demande de venir faire l'amour tout de suite chez lui. Il refuse car il a promis à Claudine d'aller la retrouver place Saint Marc pour visiter la basilique. Un ami de Francesco, Pietro, arrive, puis un autre, assez déluré, qui lui donne sa glace à sucer. Un ami de Pietro, poilu, s'arrête et lui dit qu'il est "bello". Marcel s'amuse, va retrouver Claudine. Dans le vaporetto, en revenant le soir de chez Francesco avec qui il a fait l'amour, il surprend le regard du conducteur qui le fixe longuement. Il pense se tromper, mais chaque fois qu'il pose les yeux sur lui, son regard n'en finit pas, et Marcel doit baisser les yeux le premier. Une fois à l'hôtel, Claudine se fout de lui lorsqu'il lui fait part de ses impressions.
Lundi 19. Un américain lui demande de venir coucher avec lui au Danieli. Mais Marcel refuse : il n'a pas envie de parler anglais, il est en Italie pour parler italien. Comme le mec est vexé, Marcel se paye le luxe de lui offrir un pot au Florian. L'autre jour, Franco lui a dit, en français : "Il pleut!" et il lui a répondu : "Non e vero. E un sogno di te". Franco a éclaté de rire, a répété sa phrase et l'a entraîné dans un coin pour l'embrasser à pleine bouche.
Thomas Schippers dirige "La Traviata" à La Fenice. Fougue et passion. Mais, comme dirait Jacques Bourgeois, La Traviata n'est pas un opéra de chef d'orchestre. Beverly Sills rayonne. Son intelligence scénique et musicale font oublier, d'après Claudine, une voix un peu trop légère pour le rôle. Une autre américaine, Beverly Wolf, se fait remarquer dans le "Requiem", dirigé à nouveau par Schippers. Derrière Marcel, soudain, un italien le regarde fixement. Yeux bleus. C'est Franco! Il est avec sa femme. Claudine n'arrête pas de faire des signes bizarres.
"Andiam" dit Franco. Ils vont au cinéma de l'Arsenal. Un cinéma affreux. Du porno et des sièges abîmés. "On ne peut pas se taper tous les jours La Fenice" se dit Marcel, alors que son amant a ouvert sa braguette et sorti son engin. Le dernier rendez-vous sera la veille de son départ. Ils n'arriveront pas à trouver un coin tranquille. A chaque fois Franco se redressera, le pantalon baissé, et criera, dans la nuit chaude "Assassino!" à quelque passant isolé qui reluque leurs ébats.
Le train arrive à Milan, dans la chaleur étouffante de l'après-midi. C'est fini. Marcel est calme, vide, déjà bouffé par les souvenirs. Pendant que Claudine achète des magazines, il va dans les toilettes de la gare. Un italien se met tranquillement à côté de lui et branle sa queue dressée en le regardant. Obsédés, les italiens?

samedi 11 juillet 2009

La (petite) vie de Marcel -46

Marcel se prépare à partir en vacances.
Mardi 23 mai.
Comme Marcel s'ennuie à la gare, qu'il faut y aller trop tard, et que les flics et les voyous commencent à bien l'y repérer, il sort plus tôt, à 21h, et retourne à la rue du Baillage.
Ce soir, il est accosté par un 27. Comme le mec marche devant lui, il a le temps d'apprécier le volume de ses fesses. Rue des Sapins, il révèle une poitrine velue et beaucoup d'affection. Leur jouissance étant partagée, ils décident de se revoir un jour. Il s'appelle Robert, et il travaille au Centre Hospitalier d'Elbeuf.
Vendredi 26.
Marcel est énervé. Robert lui a téléphoné pour lui annoncer qu'il ne pourrait pas venir le voir le lendemain, samedi soir. Il est sûr qu'il y met de la mauvaise volonté. Hier soir, il a rencontré un Grenoblois, et depuis il a mal au ventre. De plus, ses voisins ont fait une "omelette partie" qui a tourné à la foire. Rolande se fout de sa gueule après le coup de fil de Robert, et ensuite sur le fait que ça lui "passera sous le nez" samedi soir. Il hésite : aller au Havre? aller à Paris samedi matin? Mais c'est pas mal de fric pour pas grand-chose! Plus que le fric et le temps, son horoscope est incertain jusqu'à demain 15h. Il décide de téléphoner à Claudine, s'y prend trop tard : la Poste est fermée, et il n'y met pas assez de conviction. Rolande part au Havre, avec sa valise et ses règles. Elle aussi, ça lui passera sous le nez! Ce matin, Martin lui a téléphoné. Paraît-il qu'il aurait invité Marcel à prendre l'apéritif s'il était venu avec elle!
Mais s'il ne va pas à Paris, du moins Paris viendra-t-il à lui, et malgré les dires de Rolande, il ne fera pas ceinture. Le parisien du samedi 4 mars se radine à la gare. Il part sans qu'ils aient pu échanger un seul mot. Méfiance? Marcel se dit que l'homme n'a plus envie de lui. C'est faux puisqu'à 23h il vient à lui et lui demande de monter dans sa voiture. Dans le lit il tient absolument, comme la fois précédente, à lui faire partager les bienfaits d'une sexualité complice. C'est bien gentil de sa part. Comme Marcel se lève ensuite pour faire un brin de toilette, il surveille du coin de l'oeil ce que l'homme va faire : se rhabiller en vitesse? baîller et compter les mouches au plafond (il n'y en a qu'une)? Non : il s'enfonce dans le lit et l'attend. Marcel se couche dans ses bras et éteint la lumière.
Il ne se réveillera le lendemain qu'à 8h15. Pendant qu'il dort, Marcel l'observe, tôt le matin : il a un menton volontaire, des muscles longs et fins. Il a de la classe. Bien entendu, il ne s'appelle pas comme tout le monde : Walter. Il le quitte pour aller à Dieppe, chez ses parents.
Samedi 27.
Insatisfaction. Passagère, espère-t-il. Due à Walter, en tout cas. Voilà un homme qui ne se pose pas de questions : il arrive, il drague, il couche, il s'endort et il repart le lendemain chez ses parents, frais et dispos. Marcel se console avec un autre habitant d'Elbeuf, un certain Jean-Claude. Mais hélas, il n'a pas les belles fesses de Robert, et ne possède pas l'art et la manière de Walter. Alors, après avoir supporté son baratin sentimental pendant une heure, il l'expédie rapidement car il a envie de dormir seul, pour peut-être rêver à ses deux amants qui lui avaient procuré tant de plaisir!
Lundi 29.
Les vacances approchent, et Marcel veut se déchaîner avant de partir.
Tandis qu'un 22, cheveux grisonnants, voiture jaune, cherche, il se fait suivre par un petit type qui est un ami d'une folle qu'il rencontrait souvent rue du Baillage. Présentations. Le petit type, Jehan-Bernard, lui parle de coup de foudre. Il parle aussi -trop peu- de Walter, qu'il connaît, qui a 33 ans et une liaison. Marcel voudrait en savoir davantage mais préfère rester discret. En tout cas, Jehan-Bernard connaît beaucoup de monde. Les voilà arrivés dans la chambre de Joel -la folle- dans un hôtel-restaurant de la rue de Joyeuse (patron "comme ça" précise Jehan-Bernard) Marcel échange avec ce dernier une partie de fausses confidences, alors que les autres -Joel et un autre homme- les croient au lit. Mais si Marcel est tenté par le physique de Jehan-Bernard (trop petit mais super-musclé) il préfère garder ses distances car le mec est très intelligent, et connaît parfaitement le monde interlope des invertis et des bisexuels bourgeoisement établis. Faire l'amour avec lui trop vite serait peut-être le perdre et ne plus bénéficier de ses savants conseils. Les chers petits le raccompagnent donc jusque devant chez lui après un échange d'adresses, de numéros de téléphone et de savants baisers. Marcel reste toutefois sur sa faim car il aurait bien aimé finir sa nuit avec l'homme qui se trouvait avec la folle, un 14 (Calvados), que Jehan-Bernard appelle "le forain" et qui a, paraît-il, des "fesses de jument". Peut-être un autre soir?
Mardi 30.
Déjeuner au Café de la Poste, tous les trois : Rolande, Claudine et Marcel. Claudine va à la banque faire le change de l'argent français et achète l'eau de Cologne Monsieur de Chanel pendant que Marcel cherche une valise. Rolande a passé avec Martin un triste week-end au Havre. Elle lui a écrit hier et, aujourd'hui, elle a attendue, nerveuse et lassée mais folle d'un espoir destructeur, son coup de fil. Silence. Le téléphone a sonné, mais pour Marcel, de la part de Jehan-Bernard. Il lui envoie une carte postale de Caen, et sa photo. "Attendons, se dit Marcel. Rien ne presse de ce côté-là".
Dialogue avec un petit bourgeois. Il est 22h passées. Une 204 coupée tourne autour de lui, rue du Baillage, et va se garer dans un coin sombre. Monsieur ne descend pas. Marcel l'aborde.
Marcel : Vous faites toujours comme ça, lorsque vous draguez?
Pas de réponse. Il ouvre la portière pour le faire monter.
Lui : Peut-on aller chez vous?
Marcel : Oui, mais pas tout de suite.
Lui : A quelle heure?
Marcel : 23 h. Vous êtes pressé?
Il dit non, puis il se gratte la tête.
Lui : C'est-à-dire...Il faut que je me lève de bonne heure pour aller travailler...
Marcel : Moi aussi.
Lui : Mais...je ne travaille pas à Rouen.
Marcel : Où travaillez-vous?
Lui : au Havre.
Marcel (sourire ironique) : Le Havre? Ce n'est pas loin! Mais si vous êtes pressé, moi j'ai tout mon temps. Alors bonsoir.
Il sort de la voiture, le mec ne le retient pas. Deux superbes italiens, la trentaine passée, virils, grands et bien bâtis, moulés dans des pantalons seyants, roulent leurs fesses en marchant. Ils passent. Marcel rentre à pied.
Mercredi 31.
Coup de fil de Jacques.
Marcel : Tiens! Un revenant!
Jacques : Un revenant? (il ne comprend pas) Que fais-tu ce soir?
Marcel : Je vais au cinéma.
Jacques : On peut se voir après?
Marcel : Non.
Jacques : Non?
Marcel : Non. En général, je ne reste pas un mois sans téléphoner à mes amis.
Jacques : Ca ne fait pas un mois!
Marcel : Si! Je pars en vacances demain soir. Je n'ai pas l'intention de me disputer avec toi au téléphone. Je te dis adieu. C'est tout.
Il raccroche. Rolande jubile.
Le soir, cinéma : "Macbeth" de Polanski. Beaucoup de sang. Une salle hilare. Aucune fascination, mais quelques bons moments. Pas de sauvetage possible. Dommage.
En rentrant, véhiculé par un autre parisien en Mercedes que Marcel laisse à la grille, il trouve une longue lettre très amoureuse de Jehan-Bernard, avec sa photo.
Pourquoi, dans la scène de somnambulisme, avoir montré Lady Macbeth à poil? Elle a des fesses horribles.
Vacances. VENEZIA.

vendredi 10 juillet 2009

La (petite) vie de Marcel -45

Marcel envisage de déménager.
Mardi 25 avril.
Marcel commence à chahuter avec la nouvelle dactylo, JoJo, dix-huit ans, qui vient taper le courrier l'après-midi. Elle est au bureau depuis 15 jours, elle en a déjà entendues des vertes et des pas-mûres, Rolande et lui ne mâchant pas leurs mots, mais elle n'est pas bégueule. Elle s'y est faite très vite et maintenant elle réplique et devient insupportable avec lui, ce qui ne plaît pas à Rolande qui l'avait pourtant "gentiment avertie" : "Il ne s'intéresse pas aux filles, c'est un homosexuel!". Résultat : elle est tout le temps en train de le taquiner.
Du vendredi 28 au lundi 1er mai.
Week-end passé au Havre, à se reposer et à bouffer. La rupture avec Rolande semble définitive, et celà à cause de Martin. Celui-ci, en effet, ne peut plus accepter Marcel. Voulant revenir à une vie "normale", le Guadeloupéen ne veut plus entendre parler de son passé, et maintenant qu'il est l'amant -et le futur mari- de Rolande, il va tout faire pour se débarrasser de ses anciennes amours. De plus, son orgueil a terriblement souffert à la lecture de la lettre de Marcel lui précisant qu'il n'avait été pour lui qu'une aventure, un "amant de passage" parmi tant d'autres...
Heureusement, Claudine ne peut pas sentir Martin, c'est une chance car celui-ci aurait pu tenter de l'influencer et de la mettre de son côté.
Bien entendu, Rolande était au Havre durant ces trois jours. Mais elle s'est retranchée chez Martin. Les Sammy sont venus, et ils ont fait la navette entre les deux couples, un peu amusés par ces divergences qui ne pouvaient guère les perturber.
Vendredi 5.
Hier soir, en sortant du bureau, Marcel rencontre Michel, de la Grand-Mare, puis, en arrivant rue des Sapins, Jacques. Ce soir, c'est Michou, qui a retrouvé du travail et qui est redevenu aussi dingue qu'avant.
Ce midi, Rolande lui avoue, au Donjon, que ce n'est pas elle qui cherche la rupture, et qu'elle avait voulu venir prendre l'apéritif, le 1er mai, chez Claudine, mais que Martin l'en avait empêchée.
Marcel va voir rue Saint-Patrice, pour un autre meublé. Il doit emménager lundi soir. Il en a marre de la rue des Sapins : ses voisins font du bruit, il dort mal, il a froid et il paye trop cher.
Hier soir, il a fait un rêve érotique, très court mais libérateur. Il était avec un type, ils étaient en pleine phase amoureuse, et il a ressenti les deux jouissances : d'abord celle du mec, et puis la sienne. Il s'est vraiment donné à fond. Tous ses nerfs et ses muscles se sont détendus. Il s'est retrouvé avec un pyjama et des draps pleins de sperme. Ca faisait comme une sorte de pléxiglas. Il n'arrivait pas à s'en débarrasser. L'inspecteur Lerméchant est entré dans la chambre, il a regardé tout ça et il s'est écrié : "Mais c'est du conin!". Il s'est réveillé, mouillé. Il n'était que minuit trente.
Lorsqu'il commence à se demander à quelle date il a revu David pour la dernière fois, il peut être sûr de le revoir dans le courant de la semaine. Ca ne rate pas. Il se radine, à plus de minuit, et lui fait un beau sourire. Puis il va se garer juste devant les tasses de la rue du Baillage, et attend qu'il vienne le rejoindre. Ils sont heureux d'être dans les bras l'un de l'autre. Et quels bras! Ils sont plus amoureux que d'habitude : ils n'arrêtent pas de se bécoter! Sur le retour, Mme Soleil débite ses conneries, et ils se foutent copieusement de sa gueule.
"J'ai vu - ou revu- tellement de personnes en 2 jours, se dit Marcel, que je peux rester un mois sans voir ou parler à personne!".
Dimanche 7.
Avec Claudine il va voir "Carnal Knowledge". "Pour tous ceux qui parlent d'éducation sexuelle, proclame Claudine, voilà le film qu'il faut aller voir! C'est complet, sans guimauve, c'est à déguster, à savourer, et ça donne à réfléchir". "Oui, renchérit Marcel, et ce qui ne gâche rien, c'est que Jack Nicholson est un sacré putain d'acteur!".
Lundi 8.
Marcel devait emménager. Claudine lui téléphone pour savoir si, en dernier ressort, il va voir La Caballé avec elle, à Paris. Il est obligé de dire non puisqu'il a promis à la logeuse de la rue Saint Patrice de venir vers 19h. Et voilà que cette dernière lui annonce qu'elle a loué la chambre à quelqu'un d'autre. "Mais, lui dit-il, je vous avais téléphoné vendredi. C'était d'accord!". Le plus bête c'est qu'il ne doit s'en prendre qu'à lui-même : il n'avait pas laissé son nom et pas laissé d'acompte. "Le comble, ajoute-t-il à la femme, c'est que je connais Jaime, le propriétaire!". Un de ses premiers amants Rouennais. Et le voilà justement qui se radine. "Merde! dit-il en voyant Marcel, si j'avais su!". Enfin, ils conviennent que si une autre chambre se libére, à la fin du mois....
Il retourne donc rue des Sapins.
Mardi 9.
Claudine est superbe, en robe Cacharel beige clair. Elle lui annonce que La Caballé s'est trouvée mal dans la deuxième partie de son récital, en plein "Addio del passato" alors qu'elle venait d'avoir une ovation monstre dans l'air du saule, de l'Otello de Verdi ("comme jamais personne ne l'avait chanté auparavant" rajoute-t-elle, toute émue) . Marcel a la chair de poule en l'écoutant.
Le soir, il va draguer. A la gare, il retrouve un ancien copain, qui l'emmène en voiture place du Vieux Marché. Resté seul, il drague un parisien qui le dédaigne. Arrive Jacques, en voiture, qui le ramène à la gare. Il y retrouve un autre copain, et le parisien de tout à l'heure, en train de parlementer ensemble.. Celà lui fout un tel fou-rire ("le copain est bien gentil, commente-t-il, mais sans me vanter, je suis tout de même bien mieux foutu que lui!") qu'il accepte de se faire raccompagner par Jacques. Une fois arrivés devant la grille il lui lance "Bon alors, tu viens?". Jacques est tout heureux. Il est 23h. Marcel le déshabille et lui dit : "Je te signale qu'à 23h je veux être couché!". L'autre lui fait l'amour en vitesse et repart sans se faire prier.
Mercredi 10.
Au bureau, il lance à Rolande : "Tu seras mariée, heureuse peut-être, tu auras des enfants, et puis, dans 10 ans, peut-être plus, tu ouvriras la radio, et tu entendras une certaine musique...tu comprends ce que je veux dire? On ne peut rien contre ça, RIEN!".
Au Gros-Horloge, où ils sont allés prendre un chocolat, elle se laisse enfin aller : "Martin et moi, nous nous aimons. Mais j'ai l'impression qu'en me mariant avec lui, je vais me caser. Or, je ne veux pas me marier pour me caser. Si je m'étais mariée avec toi, je ne me serais pas casée. C'est drôle, je t'ai toujours imaginé avec une femme et un gosse, et tu étais heureux!".
Son mariage avec Martin est prévu pour décembre.
Vendredi 19 - Samedi, dimanche, lundi - Week-end de Pentecôte au Havre.
Samedi après-midi, les Sammy arrivent pour l'apéritif. Ils mangent (omelette aux fines herbes et champignons) puis ils vont à l'Hôtel de Ville pour la soirée cinéma. Hélas, les "chefs d'oeuvre" qu'on leur sert, dont un interminable Griffith, ne leur apparaissent pas les bienvenus. Dommage. Ils rentrent boire la sangria.
Dimanche. La matinée passe vite. Ils déjeunent (pâté, saumon, thon, paupiettes de veau, jardinière, cerises à la crème) puis ils vont faire un tour à Tancarville. Il fait beau. Les Sammy les quittent vers 18h.
Lundi, ils vont à la plage, l'après-midi. Le soleil arrive à percer et à les faire rougir. Marcel rentre tranquillement à Rouen, à 21h.