dimanche 18 octobre 2009

Le chef d'oeuvre d'un peintre

HUNGER est un triptyque, à la manière de Brugel ou de Francis Bacon :
1°) les corps frappés
2°) le dialogue de sourds
3°) la décomposition métaphysique.
Steve Mc Queen, le réalisateur, s'approprie la prison où croupit Bobby Sands, pour en faire son musée personnel. Rien ne lui échappe dans cet enfermement : ni les murs des cellules tachés de merde, ni les longs couloirs aux reflets métalliques, ni les coups de matraques, ni l'engencement des lumières, tout est millimétré à la mesure de son message : fasciner le spectateur plutôt que de l'instruire.
Parce que, pour ce qui est de la lutte qui oppose les prisonniers à l'inébranlable entêtement de Mme Thatcher, on ne saura que des bribes, des bouts de messages au sujet de la révolte, ou encore ce jeu de ping-pong verbal entre Bobby et le prêtre, dans la seconde partie du triptyque, qui n'est qu'une espèce de pause, un entracte entre les deux actes du drame.
La brutalité est calibrée, les déjections sont à la limite de l'abstraction -à tel point que lorsque l'on voit ces hommes presque nus avachis dans leurs cellules aux murs marron, on se demande s'il s'agit vraiment de la merde, jusqu'à ce que les nettoyeurs arrivent avec leurs masques et leurs lances pour effectuer l'assainissement des lieux.
Dans la troisième partie, quand la résolution (grève de la faim) est prise, annoncée, assumée, les couleurs s'éclaircissent. Le corps nu de Bobby est devenu un terrain de souffrance muette, avec ses plaies doucement ouvertes que le médecin couvre lentement d'une crème qui se voudrait apaisante, alors que l'esprit de Bobby s'échappe, s'envole vers un extérieur quasiment idyllique où l'enfance, la nature et le ciel se confondent :
la cause est entendue, le martyre ne sera pas inutile.
PS. Pour ceux qui ne connaissent pas vraiment ce qui se passa en cette année 1981, dans cette prison de Maze, mieux vaut se renseigner sur Internet avant de visionner ce film.

jeudi 20 août 2009

La (petite) vie de Marcel -69

Marcel termine l'année en beauté.
Lundi 12 novembre.
Claudine est allée à Londres le week-end dernier. Elle a vu Noureev dans "La belle au bois dormant" ("Il ne se cassait pas le cul" a-t-elle commenté) et elle a pris des places pour "Don Giovanni" et "La Forza del Destino" (14 et 15 décembre). Aujourd'hui, elle doit être à Paris pour la location de "Caterina Cornaro" avec La Caballé. Elle n'arrête pas, la chérie.
Hier, dimanche, ils ont reçu les trois Grâces : Bernard, Joel et Philippe. Ils voulaient aller voir Régine, à Criquetot, mais ils avaient oublié que c'était le 11 novembre et ils sont tombés sur un os : c'était fermé. Ils sont rentrés et ils ont bouffé comme des goinfres jusqu'à 20h30. Les deux jeunes picolaient et jactaient à qui mieux-mieux. Bernard y a été de sa petite histoire et leur a raconté le jour où il a annoncé à sa famille qu'il couchait avec des hommes. Son père s'est mis à chialer, son frère lui a dit : "J'aime mieux ça que si tu te droguais". Et puis un mec, qui avait été élevé avec lui, comme son frère en quelque sorte, bien foutu et tout, mais "pas du tout comme ça", un jour que Bernard était seul, plus tard évidemment, l'avait ramené, déshabillé, etc. Bernard était trop schlass pour se rendre compte de ce qui s'était passé exactement, mais il se souvient que le mec était à poil avec lui dans le plumard. Après, le mec s'est marié et a continué de fréquenter les filles. Il avait voulu avoir sa "petite émotion" avant de retrouver "le droit chemin".
Reçu lettre de Michel-Daniel, le petit militaire adoré. Marcel lui a répondu illico-presto-andiamo.
Lundi 26.
Hier soir, salle Pleyel, La Caballé était telle que sa légende l'a faite : sublime. Dès son premier grand air, la salle entière retenait son souffle, alors que la diva déployait le sien -presque sans limite. Ensuite, en coulisse, elle souriait, affable, signant les autographes avec une patience incroyable -tout le contraire de La Callas.
Le week-end précédent, ils l'avaient passé en partie chez CriCri, au "Bienvenue". "Pas mal, à condition de ne pas y être fourré tous les jours" avait commenté Claudine. Mais CriCri est plus cool que Germaine, plus féminine, plus mielleuse aussi et super-commerciale à sa façon. Elle préside, avec ses chiens, son chat blanc, et lance, de temps en temps, son fameux "Ah, la chaleur!" qui est repris en choeur par toutes les folles de l'établissement (surtout si un marin ou un docker vient s'égarer au comptoir).
Lundi 17 décembre.
Le temps passe vite, très vite.
Voyage à Londres, la semaine dernière. Covent Garden. Le public anglais est beaucoup moins bruyant que celui de Paris. Très belle prestation de Sherrill Milnes dans "La Forza del Destino". Beauté physique, prestance, et aigu magnifique. Acheté quelques disques chez Templar. Londres est une ville propre, avec de grandes places et de fort beaux jardins.
Reçu une nouvelle lettre de Michel-Daniel, maintenant à Paris, et un coup de fil de lui. Marcel était content.
Bilan de fin d'année.
Un garçon de 19 ans est décédé au mois de novembre. Claudine et Marcel le connaissaient peu. Il s'appelait P. et il est mort au volant de sa voiture, écrasé par un poids lourd au Havre. Bernard a prétendu qu'il avait trouvé là l'occasion de résoudre ses problèmes, et qu'il aurait volontairement jeté sa bagnole sous le camion. Depuis un mois seulement il fréquentait leur appartement et les accompagnait quelquefois le soir quand ils sortaient. La semaine d'avant sa mort, il les avait emmené prendre un pot à "La Marine" à Tancarville (où il avait travaillé). C'était un garçon de grandeur moyenne, très mince et très nerveux. Il parlait beaucoup, s'agitait énormément, et paraissait débordé, incapable peut-être de se contrôler.
Lundi 31 décembre.
Le midi, ils étaient invités par Bernard-Joel dans l'appartement que leur a prêté un ami à eux (un rugbyman). Joel faisait la gueule et Philippe (qui faisait la cuisine) avait plutôt envie de faire l'andouille que de faire à bouffer. Après le déjeuner, ils ont pris le café chez CriCri, au Bienvenue, et ils se sont séparés. Claudine et Marcel sont rentrés pour regarder La Traviata à la télé. Marcel s'est brusquement mis à chialer à la fin du second acte, lorsqu'Alfredo jette une bourse aux pieds de Violetta, alors ils sont sortis prendre l'air, et ils ont ramené Yvon, un étudiant de Rouen, venu au Havre pour souhaiter la bonne année à ses parents. Ils ont bavardé et écouté des disques jusqu'à minuit, heure à laquelle ils se sont séparés. La Traviata était terminée, Marcel ne pleurait plus et ils étaient heureux.

lundi 17 août 2009

La (petite) vie de Marcel -68

Marcel va beaucoup au spectacle.
Lundi 1er octobre.
Claudine est allée voir La Traviata de Béjart, poussée par l'enthousiasme de Marcel, et Les Noces de Figaro, à l'Opéra. Les deux spectacles lui ont plu.
Ils ont vu, au cinéma, le dernier Bergman "Cris et chuchotements". Durant tout le film, la salle n'a pas cessé de ricaner. La majorité des spectateurs était composée de jeunes.
Claudine a beaucoup apprécié le jeu d'Ingrid Thulin, qu'elle avait déjà aimée dans "Le Silence" et "Les Damnés".
Mardi 2.
Marcel a rdv avec Jean-Pierre (la Grèce et l'Angleterre...). Ils se voient peu souvent et c'est tout aussi bien. Par contre il voit M.C. de l'Auberge, à peu près une fois par semaine depuis un mois, mais les exigences du bonhomme deviennent insupportables. Après la main nue, il manie la ceinture et parle déjà du fouet. Question "culture" il ne sait pas ce que c'est que La Traviata (il dit "La Bacarat") et il prononce Salomé comme "Slalome". Comme quoi le fric et l'art ne font pas toujours bon ménage.
Lundi 15 octobre.
Claudine dit : "Heureusement que la musique ne nous a jamais déçus".
Ils ont passé le week-end à Paris. "Des bâtons dans les roues" mentionnait l'horoscope de Marcel. Il n'a pas voulu y croire, samedi matin en partant, et puis il a bien fallu qu'il s'incline. Le film "underground" du Studio Christine était un monument d'ennui ("Dyn-amo") deux heures de connerie imbuvable. Et puis le soir ils rencontrent des voyous de Rouen qu'ils renvoient chier sans ménagement. La soirée est définitivement gâchée par une Fagoterie fermée et un Flore dégueulasse où les tasses du 1er étage subissent le va-et-vient ininterrompu de mecs à la recherche de clients éventuels.
Mais ils sont surtout allés à Paris pour écouter le Requiem de Verdi. Après la version de Karajan, à Rouen, et celle de Schippers, à Venise, ils voulaient voir Giulini à l'oeuvre. Orchestre de Paris, choeurs du New Philharmonia, et quatuor irréprochable : Bergonzi, Scotto, Cossotto, Arié. Superbe ambiance et triomphe final.
Mardi 16.
Marcel a terminé "La Mort du Paysage". Il est content.
Lundi 22.
Dans le film de Billy Wilder (Avanti), le personnage joué par Jack Lemmon est assez étonnant : chauvin et xénophobe, égoïste et grossier, odieux et vulgaire.
Reçu "Ovide" le bel album photographique de Cadinot.
Rêve érotique dimanche matin, vers 6h. Après de longues péripéties, toujours riches en couleurs, Marcel se rend dans une maison porter quelque chose (une valise). Un jeune homme en costume le guide à travers les couloirs. Il est un peu guindé (blond) mais ne rechigne pas à lui laisser passer sa main le long du pantalon. Ils entrent dans une pièce où ils surprennent un grand type genre italien, occupé à se branler, accroupi. Marcel ne demande qu'à l'aider et lui propose de faire l'amour avec lui. Mais le garçon blond-guindé le devance et se déshabille avant lui, et les voilà tous les deux qui se roulent par terre l'un sur l'autre, laissant Marcel en plan qui se contente de les regarder.
Lundi 29.
Vous connaissez Germaine? Oui, bien sûr, vous la connaissez! Elle tenait un petit bistrot dans une rue dont les extrémités donnaient, l'une sur la rue des Bons Enfants, l'autre sur la place du Vieux-Marché. Tant que le café ne lui appartenait pas (il était à son mari) elle fit recette. Elle avait l'art et la manière d'attirer tout le monde. Alors que les clubs privés recrutent souvent la même catégorie de personnes, elle savait réunir entre ses murs un éventail de personnalités marquantes qui faisait de son bar un lieu unique. Ici, les homos cotoyaient les couples hétéros, et les lesbiennes fréquentaient les travailleurs et les femmes en quête d'aventures. Michou, Peter, Rolande y sont passés, et tout le monde s'y sentait à l'aise. C'était merveilleux, sans discrémination. Marcel se souvenait de son étonnement, la première fois, lorsqu'un fort bel homme, à côté de lui, se faisait traiter d'enculé par un habitué et qu'il lui répondit simplement : "Mais oui, de temps en temps". Et Germaine régnait sur tout son monde avec humour, amour, sensibilité et quelques coups de gueule, histoire d'asseoir son autorité. Et puis elle acheta le commerce.... Et maintenant sa boite est plus souvent fermée qu'ouverte..
Mais si vous connaissez Germaine, vous ne connaissez peut-être pas Régine. Elle tient un bar-restaurant, perché sur une place, à Criquetot. Ils y sont allés dimanche, tous les 5 : Bernard, Joel, Philippe, Claudine et Marcel. Misère, qu'est-ce que c'était pourri! Et la Régine, quel engin! Un mari qui ne l'ouvre que pour se faire engueuler, une flopée de gosses, et des clients "very-exciting". Ils y ont bu de la bière et du Berger. Foutre! Marcel était complétement bourré en rentrant au Havre. Et puis les prix, incroyables! trois double-Berger : 5,10F. Ils ont dit : "Doit y avoir un truc!" mais ils n''ont pas pigé.. Ils ont même décidé d'aller y fêter Noël. Parce que la Régine, elle est vraiment démente. Elle attrape le briquet de Claudine : "Il a déjà été à Paris?". Claudine, étonnée : "Non" - "Ben ça y est, il y est parti!" et la Régine balance le briquet à travers la pièce. Quand ils sont entrés elle a gueulé : "Bonjour les Travestis!". Elle a même fait une partie de baby-foot avec Bernard : "Attends un peu, qu'elle lui a dit, tu vas t'en prendre plein le cul!". Quand elle trinque, elle donne un coup dans ton verre, elle dit : "Tchin" et puis elle donne un autre coup et elle ajoute "Toc". Elle a beau être de la campagne, elle a de l'esprit. En tout cas, ils se sont fendus la gueule toute l'après-midi.

dimanche 16 août 2009

La (petite) vie de Marcel -67

Marcel se demande s'il n'est pas déjà "vieux jeu".
Lundi 3 septembre.
A 17 ans Marcel n'était pas un ange, mais il ne faisait pas encore l'amour. Il se branlait, il rêvait, et ça s'arrêtait là. Rien de comparable avec les deux minets que Bernard leur radine vendredi soir. L'un, Joel, blond à force de se faire des shampoings au thé, l'autre, Philippe, un mélange étonnant de hardiesse et de naïveté. Pas encore de poils sur le menton, mais un appêtit féroce pour la vodka et pour les slows. Tous les deux ont 17 ans. Le samedi midi ils viennent manger, et Bernard emmène tout le monde à la campagne. Philippe, qui a sifflé allégrement vermouth, vin blanc, vin rouge, champagne et whisky, a le coup de pompe et s'étale momentanément par terre (une heure après, il sera de nouveau en forme) tandis que Bernard et Joel tirent leur coup dans le maïs ("Dommage qu'on n'ait pas emporté l'appareil photo" fait remarquer Claudine). Dans le sous-bois, Philippe crêpe les cheveux de Joel. Celui-ci raconte : "Une fois je me suis pointé à la maison, les cheveux tout crêpés. Mon père a failli avoir une attaque. Il m'a dit : "Maintenant, tu n'as plus qu'à aller montrer ton cul sur le cours". J'ai failli lui répondre : "Mais c'est fait, papa!".
Le dimanche soir, ils reviennent bouffer, sans Philippe, parti à Rouen. Bernard, qui est tenté d'ouvrir une boîte, en pleine campagne, fait preuve de son réalisme habituel en décrétant :
"Moi, je serai le patron, Claudine sera à la caisse, Philippe et Joel feront les entraîneuses, et Marcel sera là pour faire payer le champagne aux vieux pleins de fric".
Tout le monde bat des mains, ravi pour son bon sens.
Jeudi 6.
Bien entendu, pas de nouvelles du faux-flic. Par contre Marcel a eu un coup de fil de son petit militaire, Michel-Daniel, et une lettre de Jean-Pierre. Celui-ci était en Angleterre depuis le 1er août.
Sur la place du Vieux-Marché, il se fait draguer par un type d'une trentaine d'année, M.B., qui l'emmène à l'Auberge, ouverte depuis peu. Dans la nuit, les tables mises, dans ce vieux décor luxueux, ont un aspect presque irréel. M.B. le fait monter dans une chambre abandonnée : "Tu es vicieux!" lui dit-il en le jetant sur un vieux matelas, posé à même le sol. Et il ajoute, après s'être défoulé : "La prochaine fois, je te fesserai et je te baiserai après!".
Vendredi 7.
En arrivant au bureau, il raconte son aventure à Léontine et à Sylvie (les Poiré sont en vacances depuis le 3). Elles se marrent. Il leur dit : "Ce soir, je me couche de bonne heure, je suis crevé" mais, à 15h30, coup de téléphone de M.B. Il repose le téléphone, vaincu, et leur dit : "Eh bien non, mes chéries, je vais encore être obligé de me coucher à minuit!". "Il en re-veut!" commente Léontine.
Lundi 10.
Le faux-flic, le mythomane, continue ses bourdes. Samedi soir, à Franklin, il prétend ne pas avoir reçu la deuxième lettre que Marcel lui a envoyée. Puis il lui dit : "C'est vrai que ton coiffeur ne t'a pas loupé!" en constatant combien ses cheveux sont courts. Or, c'était justement dans sa deuxième lettre qu'il lui signalait : "Tu vas avoir une surprise : je me suis fait couper les cheveux très courts".
Le week-end fut plutôt calme dans l'ensemble. Le meilleur souvenir qu'il en a gardé c'est dimanche, en fin d'après-midi, alors qu'ils revenaient en voiture de la plage, tous les quatre (Bernard, Joel, Claudine et lui). Pour sortir du parking, ils passent devant une rangée de types (5 ou 6) qui, assis sur un petit mur, regardent défiler les bagnoles. Beaux mâles, souriants, sans arrogance, ils répondent au grand sourire que Marcel leur fait par des signes amicaux. Celà le met dans une telle forme que, une fois rentré à la maison, il ne peut s'empêcher de faire une démonstration de strip-tease qui laisse Bernard pantelant. Il s'écrie : "Si jamais j'ouvre une boîte, je t'engage!" et Joel le regarde, bouche-bée.
Il a revu M.B. à l'Auberge jeudi soir, qui lui a présenté sa femme, Annette, jeune, blonde et obèse. L'espace d'un instant, il s'est cru dans l'univers de James Hadley Chase, cotoyant le fric et le vice.
Samedi 22.
Il est allé voir "La Traviata" version Béjart. Seul, hélas, Claudine travaillant. C'était d'ailleurs elle qui s'était rendue à Paris pour lui chercher une place. Sans se soucier des critiques qui prétendaient que Béjart ne respectait pas Verdi, et que ses solistes n'étaient pas de vrais chanteurs d'opéra, Marcel a beaucoup aimé la mise en scène. Vivante, fourmillante d'inventions. Il ne les a pas toutes comprises, mais il ne devait pas être le seul. La fameuse scène de la réception chez Flora, où Violetta est l'enjeu des turpitudes bourgeoises de ses admirateurs, déchaina un enthousiasme indescriptible de la part du public. Derrière lui, une spectatrice se plaignait du prix des places (50F). L'homme qui l'accompagnait s'est alors écrié : "Cher? Pas si cher que ça! Cet après-midi, tu as bien dépensé pour plus de 50F de conneries!".
Lundi 24.
Tandis que Claudine, qui devait être à Londres, est restée bloquée à Dieppe, Marcel téléphone à Jean-François de Caen, pour avoir de ses nouvelles. Intuition ou coup de pot? Ce qu'il attendait est arrivé : il s'est séparé de Denis. Prudemment, il lui demande : "As-tu un nouvel ami?". Non, il n'en a pas. Et il l'invite à venir un week-end. Le téléphone reposé, Marcel sourit. Il ne retournera peut-être pas à Caen, mais il est content tout de même.

jeudi 13 août 2009

La (petite) vie de Marcel -66

Marcel fête ses 29 ans.
Lundi 6 août.
Claudine, le 24 juillet, était à Londres pour voir la Carmen ironique et sinueuse de Shirley Verrett : "Des décors de patronage, mais un superbe quintette". Marcel, de son côté, s'aperçoit qu'il plait de plus en plus aux minets! Mais il est vrai qu'il va avoir 29 ans dans deux jours, alors, évidemment, il n'est plus un minet lui-même.. Ce soir, il y en a deux qui lui courent après (littéralement!). Un maigre, avec pantalon blanc, pas très beau, qui le suit pas à pas. . A un tournant débouche une voiture rouge conduite par un jeune mec qu'il avait déjà vu sur la place la semaine dernière. Le mec le regarde et refait le tour, essaye de le rattraper en haut de la rue, mais Marcel va plus vite que lui, il redouble et le rattrape au carrefour. Il le fait monter, ils bavardent et Marcel lui donne rencart pour jeudi prochain, le 16. Il s'appelle Jean-Marie.
Vendredi 10.
L'intermède Jean-Marie suit son cours. Ils se sont revus ce soir et Jean-Marie l'a emmené chez lui, à Oissel. Sa famille a l'air sympa, pas bégueule pour deux sous. Lui est bien foutu, mais il est vraiment trop jeune. Par contre, il a un excellent bourbon. Ils ont flirté sans faire l'amour, histoire de s'étirer les flûtes.
Jeudi 16.
La ronde continue.
Marcel est au Havre pour quatre jours. Mais avant, samedi 11, il va faire une tour à Paris avec Claudine. Il fait beau, très beau. Aux Tuileries, à 14h, ils s'installent sur une chaise, à l'ombre, pour causer gentiment. Un type passe, jeune, en pull jaune très collant sur ses épaules et ses pectoraux. Il a un regard très pénétrant.
A 15h les deux tourtereaux se lèvent de leur chaise, prêts à repartir pour Saint-Lazare, et voilà que se radine Michel-Daniel. Jusque-là, ils ne l'avaient vu qu'en militaire, et ils le retrouvent en civil. Quel choc! Petit polo bleu sans manche, pantalon blanc. Ils comprennent pourquoi ça le faisait tant chier de porter des habits militaires! Il sourit, gentiment, devant leur regard admiratif.Ils vont prendre un pot près de la Madeleine. Marcel ne veut pas trop lui faire de compliments, il serait trop content, mais il se rend bien compte que tout le monde le suit des yeux. Ils se rincent la dalle et se promettent de s'envoyer quelques mots doux en attendant de se revoir.
Retour au Havre. Lundi soir, Bernard vient les chercher pour aller faire un tour. Il les emmène à la plage, puis à Franklin. Là, une Ford est arrêtée. Bernard dit : "Je l'ai vu l'autre soir. Il est pas mal. Il me plairait assez". "Et moi donc!" pense Marcel qui, pour se faire remarquer, s'assoit sur le capot de la chiotte à Bernard. Il ne sait pas si ça plaît à la Ford, mais en tout cas elle se barre illico. Le lendemain soir, il sort avec Claudine, à pied cette fois. La Ford est là. Marcel vient de boire un punch qu'il a préparé lui-même -c'est dire si il carbure! Il passe tout près de la voiture. Le mec lui dit de monter. Ils causent, Claudine attend, patiemment. Marcel invite l'homme à venir les rejoindre, at home, mercredi. Il est d'accord. Ce jour-là, il passe l'après-midi avec eux, et lorsqu'il leur annonce qu'il est flic, Marcel s'enthousiasme : "Mon premier flic!" et Claudine ouvre une bouteille de champagne pour fêter l'événement. Pendant qu'elle va chercher la bouteille, Marcel susurre au flic de revenir le voir samedi, quand elle sera partie travailler.
Lundi 20.
Le flic n'était pas un vrai flic! Dommage. Mais il a bien passé un examen pour être flic. Et il a réussi. Mais ses parents ne veulent pas qu'il soit flic. Et comme il ne veut pas se brouiller avec ses parents, il hésite. Pourquoi ne veut-il pas, soi-disant, se brouiller avec ses parents? Par intérêt, certainement. Sa tante lui a promis de lui acheter un studio au Havre. Sa tante? Possible, mais Marcel a des doutes. Et pourquoi au Havre puisqu'il travaille à Paris? Mais justement, il ne travaille pas à Paris, contrairement à ce qu'il avait dit. Il y a travaillé. Mais maintenant il vit au Havre.. Bon. Pourquoi tous ces mensonges? Parce qu'il se méfiait, au début, ce qui l'avait incité à raconter toutes ces salades. Mais qu'est-ce qu'il a de belles cuisses!
Samedi, donc, il s'est pointé à 14h, comme convenu. Décontracté. Marcel, avide d'être dans ses bras. Ce fut un charmant après-midi, vraiment. Il a prétendu ne pas vouloir faire l'amour, car il avait peur d'être dérangé, n'étant pas chez lui. Marcel l'a approuvé et, d'une main délicate, s'est assuré qu'il n'était pas insensible. L'homme n'a pas beaucoup hésité avant de réfuter ses arguments, d'ailleurs inconsidérés, et lui montrer qu'il avait plus d'appêtit que de frayeur. En partant, il lui a dit qu'il viendrait le chercher dimanche et qu'il l'emménerait chez ses parents, en vacances jusqu'à mercredi.
Dimanche, ça s'est gâté. Il s'est pointé, à pied. "J'ai laissé ma voiture à mon frère". "Et ta soeur?" a pensé Marcel, qui s'en foutait. Ils ont pris le bus pour monter à Bléville. Là, le mec lui sort : "Je ne sais pas si on va pouvoir entrer, j'ai laissé les clés aux voisins. Ils ne seront peut-être pas là". Marcel commence à fulminer (Faux-flic, fausse-voiture, fausses-clés) : "Tu savais pourtant que nous devions y aller aujourd'hui!" - "Mais non! Pourquoi dis-tu ça?" - "Mais putain! Tu me l'as dit hier après-midi!" - "Excuse-moi mais ça m'était complétement sorti de l'esprit!". "Il se fout de ma gueule!" pense Marcel. Une fois chez ses parents, après la comédie avec ses cons de voisins qui lui font des tas de manières (des "mon lapin" par-ci, des "mon chéri" par-là) mais qui reluquent à travers la porte pour voir qui-c'était-i- qu'il amène, il allume la télé et se tient à distance. Marcel est vexé, piqué au vif dans son amour-propre et son amour-tout court. "Je suis pas venu pour voir la télé!" qu'il fait en se jetant sur lui. L'autre assume. Au bout d'une demi-heure de combat genre interrogatoire musclé dans les locaux de la police, Monsieur le Flic-qui-se-la-pète, doit redescendre en ville pour retrouver son frère!
Un vrai gugusse, ce mec-là! Tandis que Marcel rentre à pied, il s'aperçoit que la rage qu'il éprouve était habilement prévue par son amant. "Remarquable, mon petit gars! Tu m'as fait languir, tu m'as raconté plein de conneries, tu as fabriqué tout un scénario pour te mettre en valeur et je suis tombé dedans à pieds joints".
De retour à Rouen, il lui envoie une lettre pleine de charme, où il vante les proportions idéales de son corps, sa musculature de maître-nageur, et autres bricoles pas négligeables dont il est "tombé amoureux". Après tout, pouquoi ne pas jouer le jeu, puisque le mec vaut le coup de se mettre en quatre!

mardi 11 août 2009

La (petite) vie de Marcel -65

Marcel se coupe la barbe.
Bonne semaine.
Lundi 25 juin.
Marcel sort avec J.P. (un nouveau). Balade en voiture, beaucoup causé. Chaste idylle.
Mardi 26.
Marcel sort avec Michel-Daniel. Café de la Poste. Ils causent (Michel-Daniel surtout). Il est marrant, très naïf, au demeurant très attachant. Ils fixent le fameux week-end au Havre pour le 28 juillet.
Mercredi 27.
Marcel sort avec deux coiffeurs. Ils vont au Milord. Il n'y avait pas mis les pieds depuis deux ans. Ambiance atroce. Ils ressortent vite au grand air.
Jeudi 28.
Coup de fil de J.P. Il attend Marcel, à 11h45, devant son bureau, l'emmène rive gauche où ils mangent (la Maison de Jeunes, rive droite, est fermée pour 3 mois). A 20h30 Marcel retrouve Michel-Daniel. Ils vont voir "L'Epouvantail". Si Gene Hackman est parfait, comme d'habitude, Al Pacino ne peut s'empêcher d'en faire trop vers la fin, comme d'habitude.
Vendredi 29.
A 18h, J.P. le conduit à la gare, où il prend son train pour Le Havre. Les photos de vacances sont arrivées. Un progrès par rapport à l'année passée : délaissement des monuments au profit des personnages. Beaucoup d'animation, de couleur, de vie.
Samedi 30.
Claudine reçoit une lettre d'un de ses minets, Serge, de Dijon. Elle lui envoie un télégramme pour lui annoncer son arrivée demain dimanche. Plage toute l'après-midi. Chaleur. Réhabilitation de Joan Sutherland à propos des Contes d'Hoffmann. C'est la première fois que tous les critiques réunis (même Goléa!) sont d'accord pour lui trouver du talent.
Dimanche 1er juillet.
De plus en plus chaud. Claudine part à 9h pour Dijon. Marcel va seul à la plage.
Lundi 2.
A 20h30 J.P. se pointe chez lui, bien décidé cette fois à faire l'amour. Trop tard, Marcel ne bande pas. J.P. se fout de lui : "Où c'est que t'as acheté ça? dit-il en lui tripotant la zézette. Au marché aux puces?". Finalement, à 23h30, ils arrivent à se mettre d'accord.
Mardi 3.
Claudine est à Rouen, à midi. "Qu'est-ce qui t'arrive? lui fait Marcel. Ton minet t'a foutue dehors?" - "Non, c'est moi qui suis partie. J'en avais marre" - "Sans blague?". Ils pouffent de rire. A 20h, ils retrouvent Michel-Daniel, au Café de la Poste. Il leur parle de ses aventures. Intarissable, le chéri. Après avoir raccompagnés Claudine à la gare, il dit à Marcel : "Elle ne fait pas ses 35 ans, ton amie!" (Claudine en a 45).
Les filles de l'Instruction Publique sont folles de lui depuis qu'il a la barbe. "Puisque c'est ça, il a dit, je vais la couper!". Tollé général. "Oh non! s'est exclamée Claudette, moi qui la trouve plus douce de jour en jour!". Elles veulent toutes toucher, elles tirent sur les poils. "Qu'est-ce que je vais devenir si les filles se mettent à me sauter dessus?" s'écrie-t-il. Rolande ne dit rien, elle, car ils ne se parlent plus depuis deux mois. Tout ça parce qu'il a soutenu Marie-Christine, une fille de l'Instruction Publique, qui avait traité Poiret de "petit trou du cul" et qui avait eu le courage d'aller le lui dire en face.
Lundi 16.
Voilà, c'est fait : il s'est coupé la barbe.
Claudine raconte :
"A l'école, il y avait un garçon qui s'appelait Brandala. On l'avait surnommé "Branle-la-moi".
Et puis :
"J'ai fait un rêve, dimanche matin. J'étais avec toi, bien entendu. On était à Londres et on faisait la queue devant le Covent Garden, qui était devenu un grand bistrot (Marcel : "Un bordel, quoi!") et puis tout d'un coup, je mets la main aux fesses du gars à côté de moi, croyant que c'était toi. "Oh, pardon!" je fais. Tu t'étais débiné en douce avec un grand type baraqué. Je vous retrouve tous les deux sur un banc et j'embrasse le type qui me dit "Merci!". Tu te débines de nouveau et je me lance à ta poursuite. Je te retiens par tes bretelles, mais comme elles sont élastiques, j'ai tes bretelles dans les mains, et toi tu es à 5 mètres. On réintégre la foule, devant le Covent Garden, et il n'y a plus que des garçons. L'un d'eux s'approche de moi et me dit : "Je suis sexuel" - "Moi aussi" je lui réponds".
Dimanche après-midi, au Havre, ils vont voir "Blow up" d'Antonioni. Marcel n'a rien compris. "Faudra que je le revoie" dit-il à Claudine. "C'est ça, répond-elle, quand tu ne te seras pas endormi au bout d'une demi-heure".
Dimanche 22.
Tous ses amants sont en vacances. J.P. est en Grèce (reçu très belle carte, hier). Michel, qui lui a téléphoné fin juin pour lui dire au-revoir, et Michel-Daniel qui est à Paris en ce moment (reçu une carte avant-hier). Quant à Claudine, il l'a expédiée ce soir à Londres pour qu'elle aille au Covent Garden (qui n'est plus un café ni un bordel!) voir Shirley Verrett dans "Carmen". Elle doit rentrer mercredi soir. J.C.V., propriétaire du "Vieux Colombier" lui téléphone pour qu'il aille le voir. Il y passe jeudi soir, avec un amant de passage. J.C.V. le drague mais Marcel rigole. Un parisien l'a accosté mardi dernier place du Vieux Marché, après avoir tourné derrière lui durant un bon quart d'heure. Le mec lui a lancé : "Vous allez me fuir encore longtemps?" ce qui l'a fait éclater de rire. Le pire (ou le meilleur) c'est qu'après s'être baladés en voiture, arrêtés, fait l'amour, le parisien s'endort sur le retour, la tête dans le volant, et qu'ils se paument à 60kms de Rouen...
Samedi, il va à Paris avec Claudine acheter des disques. Un choix très baroque allant de Fischer-Dieskau à Dionne Warwick.

dimanche 9 août 2009

La (petite) vie de Marcel -64

Marcel se laisse pousser la barbe.
Lundi 18 juin. Rouen.
Comme en décembre dernier, lors de son retour de vacances, une lettre l'attendait. Mais cette fois-ci, Marcel comptait sur elle. Michel-Daniel, son militaire, n'avait pas oublié leurs promesses.
Bien. Ceci dit, il est allé en vacances. Pas de quoi s'emballer. Deux semaines à Venise : une semaine de beau temps, une semaine de ciel couvert-vent et flotte. Après, ce fut Milan, Paris et Le Havre. Des bons souvenirs, il y en eut, certes : le restaurant de Paolino sur la plage, où l'on bouffait à deux pour 3.000 lires; le self-service à Padoue où ils se sont jetés sur la charcuterie avec des mines de goinfres; la librairie -toujours à Padoue- où ils ont acheté un splendide bouquin sur Michelangelo à 8.000 lires au lieu de 16.000; les photos de culs et de bites qu'ils prenaient en douce sur la plage de tous les beaux mâles (il y en eut!) qui passaient près d'eux; l'amant allemand de Marcel qui l'emmena dans sa cabine de plage pour le sidérer par la longueur (incroyable) de son membre viril; et la crise de rire qu'ils eurent, Claudine et lui, le soir-même au "Chat qui rit" lorsqu'il lui raconta cette aventure....
Mais il y eut aussi de vagues déceptions : sa rencontre sur la plage avec Martial, le Niçois avec lequel il entretint une longue correspondance il y a presque 10 ans, et qui ne le reconnut pas. Et puis, question spectacles : le seul opéra visible était le 30 juin, donc trop tard; plus de places pour le Casse-Noisette. Et encore : le temps pluvieux; les infects touristes français qui, au restaurant, ne trouvaient jamais rien de bon....
Claudine fut de bonne humeur durant toute la période des vacances. Elle eut la chance de rencontrer, dès les premiers jours, un jeune italien, Wilmer, avec qui elle sortit tous les soirs. Ils ne firent l'amour qu'une seule fois, avant de partir de Venise, et Claudine, sur la fin, en avait ras-le-bol, ce qui était assez drôle. Marcel, lui, n'eut pas d'amant italien, mais un merveilleux souvenir : le 11 ils étaient à Milan, le 12 à Paris -et là, en attendant Claudine partie chercher les valises, il rencontra gare Saint-Lazare un Grec, formidablement bien bâti, avec un regard bleu à vous faire dégringoler de votre piédestal. Ils prirent le même train, et l'homme vint s'installer dans leur compartiment. Quelques mots en anglais, des regards appuyés, Marcel (pas rasé, fatigué de sa nuit passée sans sommeil) se demandant ce qu'un aussi beau mec pouvait bien lui trouver... Au Havre, après quelques mots amicaux et une séparation douloureuse, ils retrouvèrent Sergio, le coiffeur, qui les amena aux Baladins le samedi soir, et Bernard, de retour après son escapade à Louviers, qui avait grossi de partout, ce qui lui allait fort bien.
Mardi 19.
Ah, la vache! Quel accueil au bureau, lorsque Marcel s'est radiné avec son collier de barbe et sa moustache! Léontine lui a dit : "Je ne t'embrasse plus!" et plus tard : "Ca fait mâle! Quelle déception quand on connaît le bonhomme!" Ce matin, il s'est pointé en douce derrière Marie-Jo, Léontine et Sylvie. Marie-Jo a cru en tomber à la renverse. "N'aie pas peur, lui a soufflé Léontine sans se retourner, surtout n'aie pas peur!" et après : "C'est pour faire plus viril!". Alors, Marie-Jo : "Oui, ça ne peut pas lui faire de mal!".
Les seules à le trouver bien, ce furent Sylvie et la Chef des infirmières. Et puis...
Hier soir, lundi, première sortie depuis son retour de vacances. Et quel succès, avec la barbe! Un coiffeur, ami de Sergio, veut l'emmener aux Baladins après lui avoir payé un pot au Robertys, mais Marcel n'a pas envie d'aller danser. Une voiture clinquante, contenant trois folles, s'arrête à ses pieds. Stoïque, il les laisse déconner jusqu'à ce que le conducteur lui offre enfin une cigarette ("Mais le Monsieur, là, il veut peut-être fumer?..."). Oui, le Monsieur veut bien fumer, mais il ne veut pas jouer un quatuor avec le trio des folles...
Mercredi 20.
Le petit cadeau qu'il voulait faire à Claudine le week-end prochain, ce sera pour plus tard : Michel-Daniel a trouvé un prétexte pour ne pas venir au Havre : l'anniversaire de mariage de ses cousins parisiens. "La prochaine fois, lui a dit Marcel hier soir, trouve autre chose, et ment un peu mieux". Le joli militaire a promis de faire tout son possible pour trouver une excuse valable.
Cinéma : "La grande bouffe" de Ferreri. Après le Bunuel, les repas bourgeois virent à l'indigestion.

jeudi 6 août 2009

La (petite) vie de Marcel -63

Marcel retourne à l'Opéra de Paris.
Mardi 8 mai.
Marcel téléphone à Denis, de Caen, parce qu'il l'a vu aux Baladins samedi dernier, où il s'emmerdait copieusement, et avec qui il aurait bien aimé s'entretenir de bel canto, mais la musique gueulait trop fort. Beaucoup de monde, d'ailleurs, ce soir-là. C'étaient Willy et Sergio qui les avaient emmenés, Christian étant trop occupé avec son mecton pour daigner s'intéresser à eux. Il téléphone donc à Denis et Jean-François. Ils ont reçu deux disques-pirates de La Caballé : "Roberto Devereux" et "Caterina Cornaro". Pour "Roberto Devereux" Denis s'exclame "A côté, Sills c'est de la merde!". Voilà qui est catégorique, limite pas très objectif. Ils bavardent à bâtons- rompus et ils se donnent peut-être rendez-vous pour "Il Trovatore" à Paris.
Le soir, il se fait draguer par un mec, Dominique, représentant, qui n'a pas une belle gueule mais de grosses fesses. Il s'occupe donc de ses fesses et laisse de côté sa binette. Dominique veut d'abord se satisfaire une première fois avant de passer aux choses sérieuses. Les "choses sérieuses" se passant fort bien, ils ne sont pas mécontents l'un de l'autre.
Il est dit que "quand tout va bien", "tout va de mieux en mieux"! Après Dominique (le 8) c'est Michel (Monsieur 25 cms) qui lui téléphone et qui se radine chez lui (jeudi 10) pour lui montrer qu'il a toujours la forme. Puis, le 14, c'est de nouveau Dominique qui recommence son "il faut que je procède à une entrée en matière avant d'attaquer le plat principal", à la suite de quoi, le 17, un autre Michel, grand et gros, l'emmène chez lui en attendant que, le lendemain soir, Daniel, le parisien, s'occupe de lui de 22h à minuit.
Mais il n'y a pas que le sexe, dans la vie, bordel! Il est allé voir "Quoi?" le dernier Polanski. Depuis "Rosemary's Baby" il ne rate guère les films de ce réalisateur de talent, et il a beaucoup aimé "What?". Il était sans doute le seul dans toute la salle, mais il s'en foutait, bien entendu. C'est qu'il y a vu bien autre chose que la gentille bluette dont parle Vadim dans Pariscope. Il y a vu la dénonciation du clan. Comme dans "Macbeth" où le château est le repaire, le lieu isolé où peut s'accomplir les crimes, la luxueuse maison de "Quoi?", d'une beauté inouïe, est le vase-clos où les êtres qui y sont ancrés peuvent sans tricher satisfaire leur soif de mesquinerie, de paresse et de vice. A noter que, comme dans "Macbeth" où c'est le roi qui se rend au château pour y être tué, c'est ici la jeune fille qui, bien involontairement, débarque dans la demeure. Alors que les gens présents y ont leurs habitudes, elle ne sera jamais considérée comme un être humain mais comme une proie inférieure que l'on peut humilier à son gré. Quoi de plus humiliant en effet que de dérober les derniers vêtements d'une fille qui a déjà perdu ses valises? Elle errera, entre un obsédé sexuel dont la jouissance n'est plus qu'un tic (comme d'autres ont le hoquet en permanence) et un impuissant avide de sado-masochisme, sans que personne n'ait envie de lui manifester la moindre solidarité humaine.
Dimanche 20. Opéra de Paris. Il Trovatore.
"Il publico stupido" dixit Mignon Dunn.
Après avoir fait une ovation constante à Gwyneth Jones, le public lui réserva un accueil houleux lorsqu'elle vint saluer, seule, après le rideau final. Vraiment déroutant, le public parisien! Mais peut-être était-ce dû à son manque de passion scénique? Dans "Opera" dernièrement, un critique notait que dans le rôle d'Aida, à Vienne, elle restait de glace malgré son engagement vocal. Mignon Dunn elle-même semblait un peu dépassée par le rôle d'Azucena. A la sortie, Denis déclarera, toujours aussi péremptoire : "Verrett, c'était autre chose! Aucune comparaison!". Heureusement, il y avait les hommes : Domingo, terriblement ému par le triomphe reçu après "Ah si, ben mio" et Cappuccilli, égal à lui-même, c'est-à-dire excellent. Claudine déclara : "Je trouve abominable l'obligation donnée aux chanteurs de se tourner sans cesse face au public!". Elle gardait en mémoire le souvenir de Beverly Sills chantant à La Fenice la première partie de son grand air, dans La Traviata, assise à la grande table, le front baissé, une bougie inclinée à la main. Elle chantait pour elle-même, et non pas pour le public. Il est vrai qu'elle était dirigée par Menotti, et celà faisait sans doute la différence.
Marcel est rentré par le train de 0h15, alors que Claudine prenait celui de 0h17, mais pour Cherbourg! Qu'allait-elle faire à Cherbourg? Mystère... Peut-être était-elle attirée par tous ces marins aux culs rebondis qui prenaient également cette direction-là. Marins, et militaires! Car le sien, son militaire - celui qui vint s'asseoir dans son compartiment- avait une tête sympathique et surtout une étonnante discrétion. Ils ont bavardé, et Marcel lui a donné rencart pour mardi soir au Donjon. C'était bien la première fois qu'il draguait dans un train. Son assurance lui venait peut-être de son noeud papillon mauve!
Mardi 22.
Son militaire était au rendez-vous, ce soir. Il s'appelle Michel-Daniel. C'est un Poissons, comme Claudine, avec la même sensibilité et vulnérabilité. Comme Marcel part en vacances vendredi, il lui promet de lui écrire d'Itale, et l'invite à un week-end au Havre, car il est sûr que Claudine en sera dingue...
VACANCES. ITALIA. 3 semaines.

mardi 4 août 2009

La (petite) vie de Marcel -62

Marcel découvre Les Baladins.
Marcel commente les élucubrations d'Union, la revue sexuelle à la mode, où l'on fait des choses formidablement belles, et où l'on voudrait nous faire croire que faire des pipes est aussi bon que de se les faire faire, et il est plutôt intrigué par certaines lettres de femmes proclamant les plaisirs voluptueux de la fessée... "Mais les marques, Mesdames, vous aimez ça? Les boursouflures, les brûlures que laisse le fouet, vous trouvez ça plaisant?". Il se plonge alors dans la lecture du "Musée des Supplices" et il médite : Georges, qui le fessait dans sa Jaguar, Philippe, à Epernon, qui avait une petite collection de fouets et qui bandait fort, autrefois, durant son service militaire, lorsqu' à l'infirmerie, il faisait des piqûres dans les fesses des Noirs. Et puis Gillou, bien sûr. L'homme rêvé pour ce genre d'expérience : grand et fort, tout en béton, jaloux, têtu et obstiné.
Justement, ce week-end, Claudine n'était pas libre, recevant de la famille. L'occasion était alléchante. Il envoya un mot à sa proie. Réponse rapide, comme il s'y attendait.
Samedi 14 avril.
16h. Gillou était au rendez-vous, devant la gare de Rouen. Petite balade jusqu'à Honfleur. A peine arrivés là-bas, Marcel se fait remarquer par deux hommes mariés : l'un, avec sa bourgeoise, a un regard interminable; l'autre sort de sa voiture où s'ébat une ribambelle de gosses : grand, mince, musclé, parisien, il le fixe intensément. Mais ce n'est pas l'heure de la drague. Promenade et restaurant, puis direction Le Havre, dans l'appartement de Gillou. Au lit, le conflit habituel : étreintes dures et envolées lyriques sur l'amitié sans faille et la relation privilégiée. Le dimanche matin est calme. Des amis à lui, un couple de garçons, doit passer à 18h. Marcel a le temps. Et, à 14h, après avoir bouffé, il lui propose innocemment de jouer au Maître et à l'Elève. Gillou, qui regardait mollement la télé, est d'accord. Marcel ferme les persiennes du salon, allume une lampe discrète et lui demande de lui trouver un chapitre de livre qu'il devra lire : au bout de 10 fautes de prononciation, il aura droit à une fessée. Il se prépare : un simple chemisier et, autour de la taille, un tablier qui lui cache le sexe mais lui laisse les fesses à l'air. Gillou a choisi un chapitre sur l'Ecologie, avec plein de jolis mots à la con. Marcel se met debout à côté de lui et commence. Pas besoin de faire un gros effort pour buter sur les mots, et les claques se mettent à tomber. Gillou a la main aussi lourde que son esprit intransigeant, et comme celà lui procure une certaine excitation, il n'attend pas la tombée des 10 fautes pour continuer à frapper. Marcel finit le chapitre en catastrophe, le cul brûlant. Mais Gillou veut continuer, et comme il a mal aux mains il propose... sa ceinture. Merci beaucoup, ça suffit pour aujourd'hui, on verra ça une autre fois.... Marcel se rhabille, Gillou hésite, mais il n'ose pas aller plus loin. Ils vont prendre l'air sur la plage et ils rentrent pour recevoir les amis attendus. Puis, à 19h, Gillou le conduit à la gare, pour qu'il puisse prendre son train. "Je voudrais être ton bourreau" lui dit-il dans l'auto. Et : "Tes fesses te font encore mal?" - "Non, c'est déjà du passé" - "Si j'avais su, j'aurais tapé plus fort, pour que ton cul te fasse mal dans le train".
Week-end de Pâques au Havre.
Dimanche 22 avril.
Retransmission, à 14h, d'un concert de la BBC : "Tamerlano" de Handel, avec Janet Baker et Alexander Young.
Marcel était sorti, vendredi soir, pour voir si Willy était libre pour les emmener aux Baladins, à Honfleur, la boite dont on leur râbache les oreilles depuis le début de l'année. Il avait bien pensé à y aller samedi soir avec Gillou mais, aïe aïe aïe, bonjour l'angoisse! Aller dans une boite pareille où l'on boit, danse et drague avec un mec aussi jaloux et taciturne, merci pour la prise de tête! Mais Willy n'est pas libre, il a un mec ("Pour 15 jours!" affirme-t-il). Il lui faudra donc chercher quelqu'un d'autre. Ils le trouveront ce dimanche-soir. C'est un ami de Claudine, Christian. Jeune (20 ans) et barbu. Il est grand (1m80), il a de belles fesses et il a bon caractère. Chez Claudine ils lui servent l'apéritif et lui demandent s'il voudra bien les emmener aux Baladins samedi prochain. Il est d'accord. Il passe la nuit sur le divan, comme un grand garçon bien sage et, le lundi, ils profitent du soleil et de sa chiotte pour aller se balader tous les trois : Valmont (très beau château) et Les Petites Dalles. Le vent est frais aux pieds de la falaise. Les premières photos de l'année. Orage soudain, et bonne humeur. Ils rentrent sous la flotte, hilares, flirtent pour entretenir la forme et se donnent rendez-vous pour samedi prochain.
Enregistrements divers : 3e acte d'"Attila", airs du "Roi Pasteur" et intégrale du "Barbier von Bagdad" de Cornelius.
Encore une fin de semaine au Havre.
Mauvaise retransmission du "Don Giovanni" en direct du Covent Garden.
Samedi 28 avril.
Ils vont aux Baladins, à Honfleur. Dans la voiture de Christian, qui conduit, ils retrouvent Dany et Richard. "Celle-ci" est folle, et elle n'arrête pas de débloquer. Quant à Dany, il est marié depuis 5 ans et il a deux filles, mais il veut divorcer pour vivre avec Christian. "Le cirque, quoi!" commente Claudine. La boite est agréable, spacieuse, mais "Il y a trop de minets" s'exclame Marcel, habitué aux "vrais mecs". La soirée commence bien mais l'arrivée de Martin-le-Guadeloupéen, vers minuit, ranime des souvenirs désagréables. Et, de minuit à 2 heures du matin, Marcel fait la gueule. Il veut rentrer, alors que Christian a jeté son dévolu sur un petit mec que La Goudoue a amené avec elle.
Lundi soir, ils retrouvent toute la bande : Willy, Christian, Sergio, Dominique... Ils vont draguer, de Franklin à Gambetta. Dialogue de sourd avec un mec que Marcel a reconnu mais dont il fait semblant de ne pas se souvenir:
Le mec : Il me semble que nous nous sommes déjà vus....
Marcel : Non, je ne crois pas.
Le mec : Vous n'habitez pas Le Havre?
Marcel : Non, j'habite Rouen.
Le mec : Mais vous n'avez pas habité Le Havre?
Marcel : Non.
Le mec : Pourtant je suis sûr que nous avons fait l'amour ensemble.
Marcel : Même si c'était vrai, pourquoi devrai-je m'en souvenir?
Il le plaque et achève la soirée au Welcome, avec toute la bande.
Mardi 1er mai.
Christian vient les chercher pour aller faire un tour à Bolbec. Il est accompagné d'un petit mec qui rigole tout le temps. L'ambiance est au beau fixe. Marcel et Claudine ne s'ennuient pas.

lundi 3 août 2009

La (petite) vie de Marcel -61

Marcel fait des rêves merveilleux.
6-7-8 avril. Week-end au Havre.
Excellente interview de Rita Renoir, ce mois-ci, dans "Lui". Mais, question revue, Marcel pencherait plutôt pour "In", qu'il trouve plus imaginative.
Claudine, cette semaine, travaillait de nuit. C'est dommage car, vendredi soir, ils avaient de la visite. Après Bernard, tout le temps fourré chez eux depuis trois mois, et maintenant parti à Louviers (pour combien de temps?) c'est Willy qui rapplique, avec Sergio, un jeune coiffeur qu'ils ne connaissaient que de vue. Sergio est ébloui par l'appartement (qui n'a pourtant rien de luxueux) : par les posters de Noureev, les lampes basses, le lit à ras-du-sol. Après son verre de scotch, il se regarde le nombril. "Tu te sens bien?" lui fait Willy, de son air inimitable, tandis qu'Aretha Franklin déroule ses "most beautiful songs". Tous les trois ils repartent à Franklin (la place, évidemment) où Marcel s'amuse du manége de Willy draguant un jeune mec (marié). Comme ça dure plus d'une demi-heure et qu'il se caille les miches, il préfère rentrer.
Le samedi soir, il retrouve Willy sur la place, mais il le laisse tomber à 22h pour monter dans la voiture d'un type qui, trop flemmard pour sortir de sa chiotte, lui faisait des appels de phare.
1er épisode : "l'enthousiaste".
Monsieur est en pleine forme, "sublimé". Il tutoie Marcel, il lui tripote les mains, il s'enflamme pour cette "rencontre passagère qui s'annonce si pleine d'intérêt". Sarcastique, Marcel lui pose quelques petites questions rapides pour le situer : marié? Oui. Des enfants? Deux. "J'en ai marre des hommes mariés, mais si vous voulez on peut aller prendre un verre chez mon amie". L'autre acquiesce, souriant, empressé.
2ème épisode : "le refroidi".
A peine arrivé, il cherche à avoir Marcel, mais celui-ci reste impassible. Il a une belle gueule, mais il a un côté efféminé qui contraste avec son satut d'homme marié et de père de famille. Ils flirtent, entre vermouth, scotch et Ray Charles.
Lui : Pourquoi ne veux-tu pas faire l'amour avec moi?
Marcel : Je ne sais pas... Je ne me sens pas à l'aise avec vous...
Finalement, il lui demande de le ramener à Franklin.
3ème épisode : "le déçu".
Dans la voiture, l'homme ouvre les digues : "Quand je vais rentrer chez moi, la première chose que je vais faire, c'est de me regarder longuement dans la glace... Je dois avoir beaucoup vieilli... Je ne savais pas que je pouvais ne plus plaire".
Puis il devient méchant : "Tu veux retourner là-bas pour faire marcher un autre type comme tu me fais marcher!". Et finalement il retombe dans l'abattement : "Je suis toujours déçu avec les garçons... Je recherche une présence, une communication, j'ai besoin de compréhension...".
Marcel l'écoute parler, lui prend la main et puis, arrivés à Franklin, descendant de voiture : "Mon pauvre petit chou, la prochaine fois sera la bonne, peut-être....".
Mardi 10.
Cette nuit, il a fait un rêve merveilleux.
Il se trouvait dans une sorte de dortoir d'internat, très propre, très bien, avec une seule rangée de lits, et des fenêtres. Ils devaient, dans la première partie du rêve, sauter du haut des fenêtres sur des chevaux qui attendaient, en bas, dans une cour dénudée. Dans la deuxième partie, ils étaient étendus sur leurs lits -après-midi calme et chaude, stores baissés. La cour s'était transformée en un merveilleux jardin avec des allées ombragées de rosiers. Et tout d'un coup une voix monta du jardin, chantant un air d'opéra. "C'est La Callas!" dit Marcel extasié tandis que les internes se levaient pour se mettre aux fenêtres. C'était La Callas, en effet, et elle chantait un air tout en marchant dans le jardin. "Ce doit être Les Puritains!" dit-il. Mais son voisin de fenêtre lui dit que ce n'était pas ça : "C'est un air que nous n'avons jamais entendu auparavant". Callas chantait fort bien et un homme, descendu du dortoir, allait la courtiser. Elle le rabrouait, tout en chantant, cueillant une rose rouge et lui en frappant le visage, ou en lui pinçant fortement la taille.
Les paroles, italiennes, de son chant, s'envolèrent hélas à son réveil.
Mercredi soir (le 11 avril) il y avait un nouveau venu sur la place. Le genre Philippe, jeune et costaud. Tout d'abord, Marcel l'a pris pour un casseur, mais dans le coin où il l'observait, le mec s'est rapproché de lui et a déballé ses outils. Marcel s'écarte, prudent, méfiant. Un autre type, jeune, grand et moche, les ayant remarqués, se radine rapidement et déballe ses outils devant le mec. Marcel s'éloigne et les voit partir tous les deux. Il les suit à distance, intrigué. Ils entrent un peu plus loin dans un immeuble de la rue Thiers. Ce soir (vendredi 13) comme il arrive sur la place, qu'est-ce qu'il voit? Le jeune gars baraqué, genre-Philippe, genre-loubard, genre-pas-mal-du-tout-merci-beaucoup. Ils se reconnaissent. Comme un copain, Dominique, vient dire bonjour à Marcel, celui-ci lui demande s'il le connaît. Il lui répond que non et, soudain intéressé, il va carrément lui parler. Et il l'embarque dans sa voiture, sous le nez de Marcel, complétement dépité! Qui rentre chez lui, en colère, et se tire une carte. Et, médusé, il lit : "Vous ferez une affaire à laquelle vous associerez deux personnes dont l'une vous trompera". Il n'en croit pas ses yeux et regrette de ne pas l'avoir assez longue pour se la mettre dans la bouche et se la mordre avec vigueur.

samedi 1 août 2009

La (petite) vie de Marcel -60

Marcel retrouve Gillou.
3-4-5 mars. Le Havre.
Ecoute de l'enregistrement officiel de La Norma, avec le couple Caballé-Cossotto.
Visite de Bernard, qui a semble-t-il l'intention de s'installer définitivement (?) à Louviers, chez une de ses nouvelles copines.
Samedi 10. Le Havre.
Il y a des proverbes qui mettent en valeur les vertus de la patience. Steinbeck prétend ("East of Eden") que le mieux, quand on s'est fixé un but, c'est de l'oublier. Mais ce n'est pas toujours évident (Peut-on oublier qu'on va mourir un jour?). Il y a deux ans, Marcel rencontrait Gillou, et se prenait pour lui d'une passion physique irraisonnée. Le flamboiement dura peu, la guerre civile se déclara, puis la rupture. Ils avaient eu des torts. Peut-être, plus tard, ils pourraient se revoir, remettre sur le tapis (de catch?) leurs différences...Marcel perdit son adresse, oublia son numéro de téléphone. On lui parla de lui, il en parla à Rolande (l'année dernière, alors qu'elle sortait avec Martin, le Guadeloupéen). De temps en temps, il repensait à ses fesses en béton, à ses cuisses de footballeur, à son étreinte maladroite et brutale.
Ce soir, sorti pour prendre l'air, Gillou l'interpelle. Il monte dans sa nouvelle voiture , et ils vont dans sa nouvelle piaule. Très bien aménagée. Marcel s'assoit sur le divan, Gillou sur le fauteuil.
Marcel : Tu peux venir t'asseoir près de moi, je ne te boufferai pas!
Il obéit et ils causent. Marcel regarde son corps et se dit qu'il n'a pas changé : la masse des reins et des cuisses est la même. Ses mains l'attirent. Il remet en place une mèche de ses cheveux, et ils se retrouvent l'un sur l'autre. Deux ans! Qui aurait pu lui faire oublier la force de son corps? Ils restent une demi-heure sans presque bouger, enlacés étroitement. A minuit, Marcel lui demande de le raccompagner.
Dimanche calme avec Claudine : musique et gastronomie peinardes.
Mardi 13.
Le soir, il téléphone à Gillou. Comme il y a deux ans, celui-ci lui parle de sa soif d'avoir un ami. Il a cette étrange manie, comme Claudine, de s'emmerder tout seul chez lui. Il lui dit qu'il va acheter un appartement pour la fin de l'année et qu'il voudrait qu'il vienne habiter avec lui. Marcel se sent étrangement déçu. Se retrouver au Havre, entre quatre murs, avec un type costaud, certes, mais jaloux, pantouflard et renfermé? "Ah non! Plutôt crever!". A 22h, il sort pour retrouver le mec de Grand-Couronne, qui le pelote dans la rue, l'embrasse dans sa bagnole.
Marcel : Tu n'es pas un peu fou?
Le mec : Oui, je suis fou de toi!
Chez lui, Marcel se laisse faire. Ensuite, ils bavardent un peu, allongés, et le mec veut remettre ça.
Marcel : Non, je suis fatigué.
Le mec (insistant) : Je t'en prie, mon chou!
Mais le chou n'a pas envie de se faire défoncer une seconde fois, le repousse hors du lit et le renvoie à sa femme.
Lundi 26.
La mère de Claudine est décédée (samedi 17). Bien entendu, Marcel était au Havre, près d'elle, et l'a aidée de son mieux. Quant à l'affaire Gillou, elle ne lui apporte rien de nouveau. Le vigoureux footballeur du dimanche, aux cuisses d'enfer, s'obstine dans la voie du conformisme radical. Jeudi soir, au téléphone, il avait dit à Marcel qu'il devait prendre une décision importante : à la Transat, où il travaille, on l'avait pressenti pour passer 3 ans aux Antilles. Il devait donner sa réponse le lendemain matin. Marcel l'avait pressé de dire oui. Mais il avait dit non.
Marcel : Dommage, ça m'aurait plu d'avoir un amant très loin, à qui j'aurais écrit de grandes lettres romantiques sans jamais le voir.
Mais Gillou préfère ses pantoufles à une aventure qui convenait pourtant à sa jeunesse et à sa force physique.
Aujourd'hui, grand jour de froid entre M.Poiret et Mlle Rolande. Le w.e. se serait-il mal passé? Marcel s'en fout, il travaille assidument à son roman "La Mort du Paysage".

jeudi 30 juillet 2009

La (petite) vie de Marcel -59

Marcel a des problèmes avec son oeil gauche.
Mercredi 9 février.
Michel téléphone vers 17h. Tiens! d'habitude, c'est le jeudi...Il attend Marcel à 21h près de chez lui. Il le fait marrer quand il lui demande s'il a fait l'amour avec un garçon pendant les trois semaines où il ne l'a pas vu. Lui, paraît-il, n'a pas fait l'amour. Il tripote durement Marcel en lui disant : "Est-ce que tu m'aimes?". Puis il se défoule brutalement.
Jeudi 8.
Concours de dessins pornos au bureau. Rolande a des vues sur une sorte d'extra-terrestre avec un houpet, des palmes et des testicules pendantes. Poiret s'applique : son mec est émacié avec une petite bite qui bande. Marcel préfère un mec rondouillard qui sourit bêtement, et remue son gros cul et son gros sexe. Tout le monde est content.
Carte de Bretagne, provenant de Dany. Il a passé le w.e. chez ses parents et il n'a pas oublié leur rencontre.
Mardi 13.
Rolande se fait faire des cadeaux (briquet Dupont, ceinture en croco, sac en chevreau...) par Poiret.
Marcel : Tu sais qu'elle est la différence entre une putain et une bourgeoise?
Rolande : Non, mais je vais le savoir.
Marcel : Une putain se donne quand on la paye, tandis qu'une bourgeoise se fait entretenir en se donnant le moins possible.
Le midi, Marcel téléphone à Denis et Jean-François. C'est Denis qui lui répond. Ils rentrent leurs griffes de chattes jalouses pour parler Opéra, et surtout disques-pirates. Denis doit aller à Paris pour rapporter une Norma-Callas. Il a reçu une liste des derniers enregistrements parus en Amérique. Des Caballé surtout, dans des inédits (Maria Stuarda, et Adriana Lecouvreur). Et puis ils bavardent -mondainement- de l'appartement de Jehan-Bernard et des travaux de tapisserie qui avancent.
Le soir, il va au cinéma voir "L'Autre" avec Claudine. Un inspecteur, la veille, lui disait que d'après lui il fallait donner à un enfant l'idée du Beau. Et Marcel pensait que c'était aussi dangereux que de lui donner l'idée du Mal. Dans le film, Nice est élevé par sa grand-mère dans un univers mythique. Il ne pouvait pas concevoir qu'il portait en lui quelque chose du Mal. C'est pourquoi, toutes les fois qu'il faisait du mal, il imputait ses mauvaises actions à son frère décédé, avec qui il n'avait jamais rompu le dialogue. Lorsque sa grand-mère s'apercevra qu'elle est allée trop loin, elle voudra à la fois se tuer et détruire son oeuvre. Guidé une fois de plus par l'instinct protecteur de son frère mort, Nice échappera à elle, qui lui avait mis dans le crane des idées fausses parce qu'elle avait pitié de son chagrin, et évitera la mort.
Mercredi 14.
Il passe la soirée avec David, dans la forêt de Canteleu. Comme il ne prend pas la route habituelle, ils vont se fourrer dans un drôle de bourbier. David s'énerve en constatant que Marcel ne bande pas, et il monte sur lui de tout son poids. Son dos est tout en muscles épais. Dommage qu'il soit toujours blanc comme un cachet d'aspirine.
16-17-18. Fin de semaine au Havre.
La mère de Claudine ne s'est pas remise de sa dernière opération. Elle est atteinte d'arthrose cervicale. Durs moments à passer pour Claudine qui doit rester près d'elle toutes les nuits car elle ne peut pas se lever toute seule.
Le samedi, Marcel va chercher des disques à la Maison de la Culture.
Le dimanche, ils ont de la visite : Bernard, une nouvelle venue La Goudoue, et deux autres folles. La Goudoue devait raccompagner les deux folles (elles habitent Louviers) mais elle avait décidé de passer la nuit au Havre avec Marcel. Mais celui-ci n'était pas au courant! Finalement, elle les raccompagnera, vu que le deal ne se fera pas. Elle sera très vexée. Elle aura quand même bien bu, bien bouffé et bien dansé toute l'après-midi.
Le samedi soir, ils étaient allés voir, avec Claudine "Dommage qu'elle soit une putain". Dommage surtout que le cinéma dans lequel passait le film (Le Rio) soit un infect repaire à loubards amateurs de bière et de pétages convulsifs.
Vendredi 23.
Marcel passe la soirée avec Jean-Claude V., un homme d'âge mur, qui travaille dans le commerce, qui a un chien -Domino- et trois chattes, et un joli appartement sur les quais, meublé de rustique.
Samedi 24.
A Paris, avec Claudine. Achat de disques. Il fait froid, mais il ne pleut pas.
Dimanche 25.
Claudine vient le rejoindre à Rouen, et ils vont voir "Les volets clos". Il faut tout le talent de Ginette Leclerc et de Marie Bell pour faire passer un texte aussi insipide. La palme revient tout de même à Laurence Badie, dans un rôle particulièrement ingrat. Jacques Charrier est beau, mais il a bien du mal à se mettre dans la peau de son personnage, d'ailleurs insignifiant. Idem pour les deux Catherine (Rouvel et Allégret). Il reste l'hommage que Brialy rend à Lucienne Bogaert, mais c'est vraiment du petit cinéma.
Mardi 27.
Marcel passe d'une voiture à l'autre. A 18h, un 76, jeune et nouille, qui n'est libre que jusqu'à 19h. Marcel le jette et lance à un parisien : "Je suppose que vous êtes pressé, vous aussi?". Le mec rigole mais lui annonce qu'il veut bien le retrouver à 22h sur la place du Vieux Marché. "Et je compte sur vous!" lui crie-t-il en démarrant. Pourquoi pas? En attendant, Marcel va manger mais, à 22h, il n'y a pas de parisien sur la place. Il décide de ne pas l'attendre et monte dans la voiture d'un habitant de Grand-Couronne. "Ah oui! Le pétrole!". Cette fois-ci, il l'emmène chez lui, il n'a pas envie de le perdre en route. L'homme est barbu, la quarantaine, très tendre. Après l'étreinte, il le raccompagne jusqu'à sa voiture, se laisse embrasser en pleine rue mais oublie complétement de lui demander ne serait-ce que son prénom.
Jeudi 1er mars.
Le vent tourne. Il avait décidé d'aller chez l'oculiste pour savoir, avant de partir en vacances, ce qu'il avait au juste dans son oeil gauche. Mais l'oculiste n'est libre que mardi prochain. Il va donc à Charles Nicolle. L'interne qui s'occupe de lui est jeune et plein de zèle. Mais il n'a pas l'air de se rendre compte qu'il a très mal. Marcel obtient 6 jours d'arrêt de travail, mais il ne peut pas aller au Havre à cause du traitement.
Vendredi 2.
Charles Nicolle. Ca ne va pas mieux. Il passe la journée dans sa chambre, avec une paupière enflée. Il espère bien aller tout de même au Havre le lendemain.

mardi 28 juillet 2009

La (petite) vie de Marcel -58

Marcel se frotte aux bourgeois de Caen.
Jeudi 25 janvier.
Hier soir, il est allé voir "Le dernier tango à Paris". Il n'a pas aimé. D'abord et surtout parce que Brando était doublé. Il a trouvé le personnage de la fille con et lâche. Il était d'accord avec l'article d'un journal : une pute n'accepterait pas de se faire humilier comme le fait la gamine, parce qu'une pute a le respect "moral" de son corps, ce que n'a pas cette petite conne bourgeoise. Ce matin, coup de fil de Jehan-Bernard, qui lui demande quand est-ce qu'il va se décider à venir le voir à Caen. Puis il lui conseille de prendre contact avec un certain Denis M., amateur de La Caballé.
Sur l'heure du midi, Marcel téléphone au Denis en question, et ils causent, surtout d'art lyrique. Il semble d'accord pour organiser un w.e. à 4, à Caen, car il vit avec un ami qui est, dit-il "en train de faire la cuisine".
Dans l'après-midi, c'est l'ami en question qui lui téléphone. Il lui annonce qu'il est d'accord, et Denis aussi, pour le recevoir à Caen, mais qu'ils sont quelque peu brouillés avec Jehan-Bernard. Marcel commence à comprendre que Jehan-Bernard, voulant retrouver les faveurs du couple, se sert de lui comme réconciliateur. Pourquoi pas, après tout? Et soudain il pense à cette phrase que Jehan-Bernard avait prononcée, le premier jour de leur rencontre, au sujet d'un Denis (ou était-ce un Daniel?) qu'il avait aimé passionément, et qui l'avait quitté pour un mec "encore plus moche que lui".
27-28. Week-end au Havre.
Claudine lui fait la remarque : "Depuis Noël, ça n'arrête pas". De toute façon, après son échec avec Guy, elle a décidé que la nouvelle année serait "libre et folle". Elle lui fait écouter le "Spanish Harlem" d'Aretha Franklin, qui est un chef-d'oeuvre, ainsi que des extraits des "Contes" avec le couple Sutherland-Domingo, captés à la radio.
Le soir, ils sortent, de 22h30 à 23h30. Il y a beaucoup de monde à Franklin. Beaucoup trop. Des voitures, certes, dont une DS rouge, dont également deux anciens copains, mais aussi des voyous, par groupes de trois, qui emmerdent le monde. Comme ils ne veulent pas s'en aller, c'est eux qui partiront, dans la voiture de deux garçons : Dany, 30 ans, brun, et Richard, cheveux miel teints auburn, minet de grande famille bourgeoise. Ils les emmènent chez Claudine. Whisky et punch. Dany commence à leur raconter sa vie. Marcel regrettera ensuite de ne pas l'avoir enregistré, car c'est assez fantastique. En tout cas c'est d'une hilarité incroyable. A 2h du matin, quand Marcel (qui a englouti 5 punchs) se lève pour danser, il est saoul comme une bourrique. Dany lui colle aux fesses. Richard, qui a trop bu lui aussi, lui crie : "Fous-lui la paix! Tu vois bien qu'elle est saoule!". Et Marcel préfère s'éclipser, l'air rêveur. Mais dehors, il ne peut plus marcher. Il s'assoit sur le bord du trottoir, et attend que ça se passe. Pas pour longtemps, car il entend les souliers ferrés de Dany, qui vient le chercher. Il rentre avec lui. Il s'avance dans le salon : "Ya plus de zizique?" et il s'écroule sur le lit. C'est fini. Il ne sait pas qui l'a déshabillé, mais il pionce à poil dans le plumard.
Le dimanche sera plus calme, heureusement. Ils iront chercher des gâteaux dans l'après-midi : Marcel en salopette de velours noir et chemise rouge, Claudine en Cacharel, tordus de rire tout au long de la route en repensant à ce que Dany leur a raconté la veille, et en faisant "coucou" à des navigateurs. Le même Dany leur rendra visite à 17h.
La nuit tombe, ils sont plutôt claqués. Marcel prend le train de 19h30.
Mardi 30.
14h30. Le chef s'est barré. Tranquille, Marcel téléphone à Denis M. Il ne le dérange pas, lui dit ce dernier. Très bien. Durant un quart d'heure ils parlent bel canto. Voilà au moins un point sur lequel ils semblent s'entendre.
Au fait, jeudi dernier (le 25) Marcel a fait l'amour avec David, à Canteleu bien entendu.Ils se sont bien marrés, tous les deux.
"Je cesserai d'être homosexuel le jour où les hommes cesseront de s'occuper de moi". C'est ce que Marcel aurait dû dire à la mère de Rolande vendredi midi, lorsqu'il est allé la voir chez elle. Femme à principes, se voulant des idées modernes alors qu'elle est résolument conservatrice, elle voudrait bien qu'il épouse sa fille à condition qu'il cesse du jour au lendemain de coucher avec des mecs. Or, il n'a pas l'intention d'épouser Rolande, et encore moins de ne plus accueillir d' hommes dans son lit.
Week-end à Caen - 3 et 4 février.
Vendredi soir, vers 18h30, il se promène avant d'aller manger et, sous les arcades, il se met à suivre un garçon -pas plus de 20 ans- qui va acheter des chaussures chez Eram. Il le suit parce qu'il a de belles fesses, bien pleines, mises en valeur par un pantalon bleu clair. Et dimanche soir il suit un autre garçon qui sort du train, plus petit et plus musclé, avec un cul encore plus superbe, plus rond et plus ferme. Il les suit, ces deux gaillards, juste histoire de se rincer l'oeil. C'est tout.
Quand Jehan-Bernard le conduit chez Denis, dans la proche banlieue de Caen -Hérouville- Marcel s'attend au pire. La porte s'ouvre et il a tout de suite envie de fuir : Denis a bien le physique de sa voix. Grand, blond, et mollasson. Mais ce n'est pas pour celà qu'il a envie de fuir, c'est à la vue du regard que Jean-François, son ami, pose sur lui : un regard qui n'a pas besoin de commentaire. L'appartement est beau, très stylé. Et la collection de disques-pirates de Denis est impressionnante. Il avait entendu parler de disques-pirates, mais il n'en avait jamais vus ni écoutés. Bien sûr, Callas, mais aussi Scotto, Sutherland sans oublier Caballé, et tous les autres.... Des trésors, pour les amateurs, de grands moments d'émotion avec souvent un public en délire.
Jehan-Bernard a changé de piaule. C'est du côté du quai Amiral Hamelin. C'est plus grand, paraît-il, mais c'est le bordel. Marcel n'a jamais vu autant de bric-à-brac. C'est le marché aux puces. Il y a de belles choses, certes, mais elles voisinent avec d'affreux objets d'un goût douteux. Il se prive, soi-disant, de manger et de vacances pour acquérir toutes ces cochonneries. Mais pour l'instant il veut aménager son salon. Il a acheté du tissu rouge, très beau, pour tendre ses murs. Comme Denis a des dons de tapissier et qu'il ne travaille pas pour l'instant, Jehan-Bernard a pensé à lui pour faire le boulot. Mais comme ils étaient brouillés depuis plusieurs mois, il s'est dit que Marcel pourrait servir de médiateur. Il l'avoue : "Voilà pourquoi tu as été invité!".
Le samedi après-midi se passe chez Jehan-Bernard, dans l'appartement sens-dessus-dessous. Et puis Denis va chercher ses parents à la gare, et puis Jehan-Bernard va reconduire son peintre. Et Marcel se retrouve seul avec Jean-François. Pas pour longtemps. La sonnette, brutale, les sépare. "Surtout ne dis rien!" lui supplie Jean-François de la bouche et des yeux. C'est Jean-Bernard qui revient. Il leur jette un coup d'oeil soupçonneux. Ils vont ensuite chez Denis, et un cinquième larron, Bertrand, les rejoint. Jean-François fait très bien la cuisine. Lui et Marcel évitent soigneusement de se trouver en tête-à-tête. Jehan-Bernard, toujours aussi survolté, voudrait voir tout le monde à poil. Il y sera le premier, et s'excitera tout seul à la vue de son cul rebondi dans la glace. Heureusement, la tentation de la partouze demeurera dans le registre du fantasme, et tout le monde ira sagement se coucher : Marcel chez Denis-Jean-François, dans le divan du salon. Un somnifère l'aidera à dormir en douceur et sans heurts.
Le dimanche se passe bien. Marcel se balade dans la baraque et prend son petit-déjeuner en chemise de nuit bleu-ciel, avec rien en dessous. De quoi exciter le pauvre Jean-François et énerver ce cher Denis, qui lui fait écouter, pour calmer le physique et émoustiller l'esprit, le concert donné à Pleyel de la "Maria Stuarda" de Donizetti, avec La Caballé. Marcel frissonne de plaisir, mais Jean-François veut aller faire un tour après manger. Bizarrement, il demande à Marcel de l'accompagner. Denis a du mal à se contenir et leur donne "une demi-heure, pas plus". Dans la voiture, puis dans la forêt, Jean-François a du mal à freiner ses envies et finit par se laisser aller, sans cesser de conduire. "Tu es fou!" lui dit Marcel. "Dans ce cas, lui répond l'autre, toi aussi!". Il faut pourtant rentrer. Faut voir la tête de Denis quand ils arrivent : "Vous avez mis plus d'une demi-heure!". Et puis il se met à tâter le visage de son ami : "Tu n'as même pas froid!". Marcel fait celui qui ne comprend pas. Ils finissent l'après-midi chez Jehan-Bernard et, à 19h30, c'est Denis qui préfère reconduire Marcel en voiture à la gare.

lundi 27 juillet 2009

La (petite) vie de Marcel -57

Marcel se transporte à Epernon.
Vendredi soir (le 5 janvier) Marcel va au cinéma, à Rouen, avec Rolande : "Harold et Maude". Il trouve le film plaisant, original, bien joué. Ensuite, ils vont prendre un chocolat au Café de la Poste.
Samedi matin, il prend le train pour Paris à 10h, puis le métro pour débarquer à Montparnasse, qu'il ne connaissait pas. Mais l'intérêt réside justement dans la dévouverte de lieux et de gens inconnus. Le train le conduit jusqu'à Rambouillet, à travers une banlieue triste et monotone. Il est 12h52. Pas de voiture verte à l'horizon. Il s'installe dans le café que Phil lui a signalé, avec une sorte de véranda. Il n'a pas l'air très malin. Cinq minutes après, il voit une voiture pistache faire le tour, il sourit, Phil lui fait un signe de la main. Ils se sont reconnus! Les premiers instants sont banals. Puis Phil le conduit à Epernon. C'est une HLM toute neuve, moderne et simple. Cuisine, chambre, salon, salle à manger, salle de bain. Ils déjeunent vers 14h. Ensuite, ils discutent. Tout de suite, la franchise de Phil met Marcel à l'aise.
Phil : J'ai rencontré Jehan-Bernard dans une tasse, à Caen. Nous avons passé la nuit ensemble.
Marcel : C'est drôle, je ne vous vois pas du tout faire l'amour ensemble!
Et pourtant, se dit-il, comme ils se ressemblent: de la même taille, même éducation, royalistes, vicieux (pas le même vice cependant : Jehan-Bernard est vicieux moralement, Phil physiquement) avec une désinvolture dans le langage qui dénote l'intelligence et le sens des réalités.
Le soir tombe, ils sont assis sur le divan, ça fait 10 fois que Chopin répéte ses valses, Marcel fait exprès de se tenir à distance.
Marcel : Il y a bien une chose que tu as envie de faire, dans la vie?
Phil : Ca fait une heure que j'ai envie de t'embrasser, ça m'excite terriblement.
Ils font l'amour sur les coussins du divan.
Phil : C'est la première fois que je fais l'amour sur le divan sans l'avoir déplié.
Ils dînent, tard. Marcel lui dit alors qu'il n'a pas l'intention de coucher dans le même lit que lui. Phil est étonné, évidemment, et lui demande s'il parle sérieusement. Marcel est très sérieux. Il couche donc dans la chambre, et Phil va coucher dans le salon.
Dimanche 7.
A 8h30, réveillé, Marcel va le rejoindre sur le divan du salon. Ils font l'amour dans la chaleur du lit. Toilette, petit déjeuner. Il est déjà plus de 10 heures. Une grande discussion, très animée, sur les faux et les vrais homosexuels, les absorbe pendant près d'une heure. Quand ils arrivent à Chartres, il est près de midi. Il fait froid, le soleil est mort, mais l'évêque (ou l'archevêque?) est là, à la grande joie de Phil, bien entendu. Mais Marcel n'est pas insensible à cette sombre cathédrale, aux vitraux luxueux et à l'atmosphère ouatée qui excite et pousse à l'intrigue. Ils rentrent, déjeunent. Phil veut le reconduire à Rouen. Il est déjà 16h. Ils ne repartiront qu'une heure plus tard, après avoir fait l'amour sur le lit. Brume, froid, fatigue. A Rouen, ils prennent un pot au Drugstore, parmi des gens assez vulgaires. Puis ils se séparent et Marcel finit la soirée chez Rolande, devant la télé.
Mardi 9.
Visite de Claudine. Elle lui annonce que Bernard est venu la voir pour lui demander 300F afin de payer son loyer. Elle a refusé.
Durant le week-end, elle est allée voir "Zizi je t'aime". Zizi y chantait en play-back, souriait et serrait la main uniquement aux femmes de l'assistance, et tous les minets qui dansaient avec elle étaient pédés. C'est du moins ce qu'elle a vu.
13-14.
Deuxième voyage à Epernon. Le samedi midi, à Rambouillet, Phil n'est pas là. Marcel n'est pas inquiet mais tout de même, il en a marre de faire le poireau sous la véranda. Il arrive, et il sait d'avance ce qu'il va lui annoncer :
Phil : Je ne pourrai pas te reconduire à Rouen, dimanche soir.
A cause du verglas. C'est vrai, il gèle. Mais manque de pot, dans la nuit la température va se radoucir, et le lendemain le temps sera plus clément, malgré la brume. Mais c'est ainsi, Marcel rentrera par le train. Il se vengera -mesquinement, il l'avoue- en lui piquant une bouteille de scotch. "Mais on se venge comme on peut, pas vrai?" se justifie-t-il. Alors, ces mises au point étant faites, le week-end ne sera pas terrible. En fait, Marcel voulait aller au Havre, mais le 21 Phil doit aller à Paris pour une messe en l'honneur de la mort de Louis XVI, aussi ils avaient cru bon d'avancer leurs retrouvailles. Ils ont eu tort. Une fois le désir assouvi, il ne leur reste que l'ennui. Et l'ennui, Marcel, il en a assez durant la semain. Alors il s'emmerde, ça le fait chier, il tire la langue aux portraits de Louis XVI, de Marie-Antoinette, et il a tout envie d'envoyer en l'air : Epernon, l'appartement et le propriétaire. Phil lui parle de fouets, de perversion, mais le coeur n'y est pas. Le reste non plus. Ils se séparent, mécontents, de l'un, de l'autre, d'eux-deux.
Lundi 15.
Marcel envoie à Phil une de ses plus belles lettres. Il lui explique qu'il ne peut y avoir de perversions sexuelles sans mépris. Au fond, il est content, parce que Jehan-Bernard n'a jamais fait venir Phil au château de M. et ça fait plusieurs années qu'ils se connaissent... tandis que lui...
Tralalère.
Jeudi 18.
Bonne journée. Phil n'a pas répondu à sa lettre, mais il s'en fout. Il y a en ce moment une ambiance du tonnerre au bureau. Sylvie boit et rote toutes les cinq minutes, au grand dam de Rolande qui n'arrive pas à en faire autant. Ses démélés sentimentaux avec Poiret sont plutôt au stade orageux, depuis leur week-end hivernal à Bellevue pour les fêtes de fin d'année. Vers 17h, Michel téléphone. Il donne rdv à Marcel à 21h, à la gare. Celui-ci le prévient : "Je n'attendrai pas". A 21h, Michel l'attend déjà dans sa voiture. Celui que Marcel appelle au bureau "Monsieur 25 cm" possède une fougue qui réussit à lui faire oublier David et Canteleu. "Je voudrais te faire du mal pour que tu ne m'oublies pas" répéte-t-il en s'excitant sur lui. Ah, ces hommes mariés!Manque de bol, une fois qu'il a passé la porte, Marcel l'a déjà oublié.
Lundi 22.
Dimanche, au Havre avec Rolande, calme relatif. Poiret est venu en coup de vent (à 17h) avec la voiture de son père. Il en a été pour ses frais : Rolande n'a pas voulu rentrer au Havre avec lui.
Ce lundi soir, Marcel va draguer. Le jeune blond, qui avait une 2CV et qui a maintenant une 4L, est toujours là. Il est avec un minet. Marcel se fait aborder par 4 voyous en voiture. Parmi eux, un jeune qu'il connaît bien. Ils plaisantent, et les voyous s'en vont. La 4L s'arrête près de Marcel, le minet l'appelle. Il s'approche. D'une voix efféminée, le minet le prévient que les mecs à qui il a parlé sont des voyous : "Ils m'ont pris un briquet en or!" lui dit-il. Marcel se marre : "Vous draguez le soir avec un briquet en or?". Il regarde le blond en souriant, les remercie du renseignement et les laisse.

dimanche 26 juillet 2009

La (petite) vie de Marcel -56

Marcel fête le nouvel an avec Claudine (et quelques autres...).
Fin d'année.
C'était la première fois que Claudine organisait chez elle une "sauterie" à l'occasion de la nouvelle année. Ce fut, pour une première, pas mal réussi. Ils étaient 5 en tout, et ce fut suffisant. Marcel aurait voulu que ce fut une soirée calme et lyrique, mais Jehan-Bernard n'étant toujours pas décidé à venir (pour lui, Le Havre est nettement moins intéressant que le château de M. mais, comme dit Léontine : "Une annulation, ça va, mais deux, c'est foutu") ce fut une soirée très animée.
Mais revenons légèrement en arrière.
Vendredi 29 décembre, Marcel est on ne peut plus énervé au bureau. Il n'arrive pas à joindre Phil L., et Jehan-Bernard, qui avait promis la veille de se manifester, ne le fait pas. Quant enfin, vers 17h, il arrive à joindre Phil, son chef a l'impolitesse de lui chercher querelle à propos d'un dossier. Il ne lui répond pas, car il est au téléphone, mais il ira ensuite dans son bureau et, très calmement, il le renverra balader. Avec Phil il convient du week-end prochain. Ce dernier viendra le chercher, le samedi midi, à la gare de Rambouillet.
Quand Marcel arrive le soir au Havre, il est de meilleure humeur, bien entendu. Avec Claudine tout se passe bien, comme au bon vieux temps des connivences partagées. Couchés à 23h. Réveillés à 1h du matin par Bernard, qui se ramène avec un nouveau venu, Jacky. Un habitant du Mans, en instance de mariage avec une fille qu'il a la ferme intention de continuer à tromper avec le plus de garçons possible. Ils vont rester jusqu'à 5h, à boire, causer et écouter quelques disques en fond sonore. Une fois qu'ils sont partis, Marcel et Claudine se recouchent. Le samedi passe à faire des courses. A 19h, c'est Ivan qui arrive. 39 ans, grand, précieux et solitaire. Mal foutu, tout d'une pièce, sans taille et sans fesses, et amateur de lyrique français (surtout des opérettes). Une fois assis, il a du mal à se décoller du divan. Claudine voudrait le garder à dîner, mais Marcel lui fait comprendre qu'il ne veut pas se coucher à minuit. Ils l'invitent pour le dimanche midi. A peine arrivé, ils déjeunent et le collent sur le divan. Disques et diapositives jusqu'à 19h, heure où se ramènent Bernard et le troisième nouveau venu : Patrick. La table est mise, bougies et lumières douces. Patrick est d'une étonnante assurance, Ivan ne décolle pas ses yeux du visage de Marcel. Ils mangent. Marcel se demande avec curiosité lequel ou laquelle va s'écrouler le premier. Le repas terminé, la table débarrassée, place à la musique. Ce soir, c'est jazzy : Count Basie, Aretha Franklin, Louis Armstrong, Fats Domino. La classe, quoi, jusqu'à 2h du matin. Le lustre pète, Bernard se retrouve en slip (très belles cuisses). Patrick, s'apercevant enfin que Marcel lui est hostile à cause de son incroyable baratin, capitule et cherche à flirter avec lui. Vers 2h15 ils vont chez Dominique, la lesbienne, et son mari. Claudine admire cette femme qui embrasse tout le monde sur la bouche sans rien perdre de son mystère. Disques et champagne. Marcel laisse tomber Patrick pour s'occuper un peu des autres. La fatigue commence à se faire sentir. A 5h ils retournent chez Claudine. Ivan se renferme dans un mutisme digne et lointain. Bernard est claqué. Claudine tient le coup, mais son coeur beaucoup moins. Le plus en forme, c'est encore Patrick qui recommence son numéro de baratin épuisant. Ivan part le premier, suivi de Bernard. Marcel prend son petit déjeuner. Le jour se lève. Patrick, sur le divan, ne parle plus et reste hébété, comme vidé de toute substance. A 11h, Claudine va manger chez sa mère. Resté seul avec Patrick, Marcel fait l'amour avec lui, puis ils déjeunent et Patrick s'en va. L'après-midi se termine doucement. Claudine revenue, ils sommeillent. Le soir tombe, la musique glisse, ils glissent de sommeil en sommeil. Quand Marcel se réveille il est trop tard pour prendre le train de 19h30. Il prendra celui de 21h, après s'être attablé devant une dinde froide à la sauce tartare, arrosée de fonds de bouteilles.
Mardi 2 janvier.
Rolande et Poiret sont à Bellevue depuis jeudi dernier. Ils rentreront jeudi prochain. Marcel envoie une carte de voeux à Phil : "Comme vous regrettez qu'une rose se fane, je regrette que vous n'ayez pas été la première personne qu'il m'eut plu d'embrasser à la première seconde de la nouvelle année".
Jeudi 4.
Hier soir, 3ème lettre de Phil. L'entrevue approche. Lui, il connaît Marcel physiquement, puisque celui-ci lui a tout de suite envoyé sa photo... Mais Marcel? Il ne sait rien, ne voit rien, à part les quelques commérages de Jehan-Bernard. Alors?
Ce matin, rêve érotique. Il débarque, hilare, avec Claudine, dans les couloirs d'un théâtre. Ils sont en débardeur, ils rient comme des dingues. Parmi les gens qui attendent, une grande fille blonde vue hier matin aux vaccinations, très chic et belle. Marcel, très fier, passse devant tout le monde et gagne les coulisses rejoindre le couple qui s'apprête à jouer La Traviata. Il se glisse entre leurs lits jumeaux et commence à bouffer le cul et le sexe du type qui est couché nu. Drôle de Traviata!
Coup de fil de Jehan-Bernard, vers 11h, pour lui souhaiter la bonne année et lui dire qu'il n'a pas pu venir au Havre, ne connaissant pas l'adresse de Claudine!
Marcel : A d'autres!
Et puis :
Marcel : De quel signe es-tu?
Jehan-Bernard : Gémeaux.
Marcel : Ah! Tu sais que, côté coeur, les Géneaux et le Lion peuvent s'entendre très bien.
Jehan-Bernard : Vraiment?
Marcel (froidement) : Mais tu sais, il y a d'autres Gémeaux sur terre!
Jehan-Bernard : Garce!
A 17h, c'est Michel qui se manifeste. Il rapplique le soir, vers 18h45. Marcel le reçoit en peignoir et mini-slip noir. Impressionnante scène de rut. Marcel dirait bien : "Encore!" mais il a hâte d'aller manger.

vendredi 24 juillet 2009

La (petite) vie de Marcel -55

Marcel est-il insensible?
Du 2 au 17 décembre - 15 jours de vacances au Havre.
Les jours vont passer vite, à enregistrer de la musique, à en écouter, à faire les magasins pour meubler la chambre et le salon. Claudine, bien sûr, est en vacances elle aussi. Ils auront des visites, car ils adorent recevoir. C'est d'abord, le premier week-end, Didier, le jeune minet que Claudine aime bien parce qu'il a un sommeil de plomb et que ladite Claudine peut lui caresser la bite pendant qu'il dort ("Je ne voudrais pas me faire sodomiser par lui, il en a une trop grosse" a-t-elle assuré à Marcel, qui lui a répondu : "Pourquoi voudrais-tu te faire sodomiser par lui?"). Ils l'emmènent au cinéma voir "Les contes de Canterbury", vaste fête paillarde en ligne directe avec les oeuvres d'un Rabelais-made-in-Italie. C'est ensuite les Poiret qui se radinent, les 9 et 10. Si Didier se conduit pas trop mal, Poiret a des faiblesses. Il sera malade ou dormira pendant presque tout le w.e. Claudine résumera son attitude par un définitif : "C'est une lavette". Rolande, plus habituée, résistera mieux à l'ambiance et aux boissons havraises. Enfin Bernard, qui vient les voir un soir, radieux parce qu'il a foutu dehors l'amie avec qui il vivait : "Je suis libre, et me voilà de nouveau pédé!" clame-t-il, et toute la soirée il va leur raconter ses anciennes aventures (notamment la seule fois où il s'est fait prendre, dans un hôtel à Rouen, par un type dont il était dingue : "Je recommencerai jamais! Je gueulais! Je gueulais!") et un chapelet d'histoires plus ou moins obscènes qui les laissent pantois, avant de les inviter à une soirée chez lui, le 24 prochain, avec "rien que des homosexuels!". Claudine, qui va voir Noureev le 17 et qui exulte, n'arrête pas de faire du rentre-dedans à Marcel en lui criant : "Dis : c'est quoi, des homosexuels?".
Les journées passent, sans accroc. Un jour, au marché, un jeune vendeur, blond et barbu, le buste moulé dans un pull, les hypnoptise par ses fesses rondes et pleines, bien prises dans un pantalon de toile. Ils le suivent et Claudine, s'attardant à son stand, y trouve le pull bleu-marine qu'elle cherchait en vain depuis trois mois. Ils rentrent, hilares.
Le 17, il faut pourtant que Marcel regagne Rouen. Il est de mauvais poil, mais sa propriétaire a rouvert le radiateur -fermé durant son absence- et il a sur sa table la lettre d'un inconnu, un certain Phil L. qui l'attend : "Bonne future année, Marcel". Sa mauvaise humeur disparaît. Il prend sa plume des jours de gloire : "Que voulez-vous de moi, Phil? Que nous allions cueillir des roses ensemble? Que nous les regardions se faner, main dans la main? Je les aime très rouges... Si c'est le cas, dépêchez-vous de me répondre, nous avons des chances de nous entendre". Il a pourtant du mal à s'habituer au bruit de son réveil.
Jeudi 21.
Cet après-midi, grande partie de rigolade au bureau. Une vieille femme assez tarte vient leur signaler qu'elle a des fissures chez elle, et qu'elle voudrait être relogée ailleurs. Comme Marcel va chercher la liste des administrateurs de biens chez Léontine, celle-ci s'écrie tout haut : "Pourquoi faire? Elle va se torcher le cul avec!" Il se radine quand même avec la liste, la vieille lui fait : "Je voudrais un appartement avec une cour". Il réplique : "Vous savez, un appartement avec une cour, ça ne court pas les rues!". Sylvie, pliée en deux, doit aller se réfugier chez Léontine.
L'intermède des Poiret au Havre aura porté ses fruits : Rolande traite son mec de "fasciste" et de "dindon stupide et vaniteux" mais, comme le truc de Pascal, il plie mais ne rompt pas.
Hier soir, Marcel a reçu Michel dans sa chambre. Il lui avait téléphoné dans l'après-midi. "Qu'as-tu fait pendant ces 15 jours de stage? (Marcel lui avait dit qu'il allait faire un stage au Havre) Moi, j'ai tiré mon coup avec ma femme. J'en avais pas du tout envie, alors j'ai pensé à toi!" - "Ben voyons, répond Marcel, et tu lui as fait un enfant qui me ressemblera!". Michel se jette sur lui, mauvais : "Je voudrais te faire du mal, te laisser des traces sur tout le corps pour que tu te souviennes de moi!".
Vendredi 22.
Avant de partir pour passer Noël au Havre, il trouve une deuxième lettre de Phil. Prendrait-il le jeu au sérieux? Il la fait lire à Rolande. Elle lui dit : "J'aimerais bien le connaître". Marcel lui écrit très rapidement et lui propose d'aller le retrouver à Epernon à la fin de la première semaine de janvier (les 6-8) mais ne lui cache pas qu'il a "peur" : "Si nous nous emballons tous les deux, que va-t-il nous tomber sur le coin de la figure?". A 16h, coup de fil de Jehan-Bernard, qui commence par l'engueuler parce qu'il n'est pas allé le voir pendant ses vacances (Marcel : "Ah bon? C'était prévu?") et qui lui parle de Phil. "Oui, dit-il, c'est moi qui lui ai dit de prendre contact avec toi. C'est un mec très bien : il est royaliste et il a passé sa licence de droit".
Marcel : Tu serais pas un peu maquerelle, par hasard?
Jehan-Bernard : Entremetteuse, chéri, pas maquerelle! Ne mélangeons pas les dindes et les pintades!
Entremetteuse, royaliste et antiquaire, tout un programme...
Noël au Havre.
Samedi matin, à 2h, Marcel se rend compte soudain de son insensibilité. Un coup de sonnette, puis des appels étouffés les réveillent : c'est Didier. Claudine ne veut pas répondre. Marcel se glisse hors du lit, coupe l'électricité. Mais le minet insiste. Marcel entrouvre la porte : "Qu'est-ce que tu veux?".
Didier : Laisse-moi entrer, je caille.
Marcel : Impossible. Pas question. Ya du monde.
Didier : Dans la cuisine. Laisse-moi entrer dans la cuisine, que je me réchauffe. Je reprends le travail à 6h.
Marcel : Non. Va à l'hôtel. Va chez Bernard.
Il referme la porte et il va à la fenêtre le voir partir. Le sol est gelé. Didier traverse la rue, les mains dans les poches de son veston. Marcel se recouche et sourit. "Il est parti?" demande Claudine. "Oui. J'ai honte!" - "Menteur!" réplique-t-elle.
Le dimanche soir, ils sont invités chez Bernard. Ils y seront à 19h, ils en repartiront à 4h du matin. Il y a un couple de tantes sans intérêt qui, après avoir bu et mangé, s'endort sur le lit, et un autre couple plus singulier : lui est polyvalent, elle est lesbienne. Elle s'appelle Dominique et saute sur Marcel. Toute jeune, menue, mais avec une résistance assez singulière. Elle boit, fume, et danse toute la nuit. Elle lui apprend la valse, entre quelques baisers appuyés qui ne le font pas bander. A 4h, profitant du bordel ambiant, Bernard le pousse dans sa chambre et le renverse sur le lit. Marcel n'étant pas disposé à céder, traîne Claudine dehors qui voudrait bien rester parce que d'autres minets arrivent.

jeudi 23 juillet 2009

La (petite) vie de Marcel -54

Marcel autopsie César et Rosalie.
Dimanche 19 novembre.
Excellente fin de semaine. Il n'avait décidé de remonter dans la voiture de David que lorsqu'il serait totalement décontracté vis-à-vis de lui. Il semblerait que ce soit désormais chose faite : vendredi soir, lorsque la voiture arrive rue du Baillage, qu'il passe, et qu'il suffise que Marcel lui adresse un sourire pour que l'homme s'arrête aussitôt. Inoubliable heure d'amour. Force et tendresse. Libération de puissances et de sentiments qui étaient en attente, qui s'étaient mis entre parenthèses pour pouvoir mieux se déchaîner... Aussi, lorsque samedi soir, Philippe le rencontre et lui paye un pot, c'est calmement qu'il l'accueille, sans lui reprocher de ne plus vouloir faire l'amour avec lui, mais dans l'expectative d'un nouveau rendez-vous qui lui permettra d'apprécier à nouveau la beauté de son corps musclé de loubard des Halles.
Dimanche, Claudine vient le voir. Elle est dans une forme superbe. Depuis son aventure ratée avec Guy elle s'est considérablement décontractée. Ils passent la journée à se marrer comme des petites fous (folles). Comme ils montent à pied la côte pour aller à l'Ariel, elle lui dit : "Il fut un temps où j'avais un chauffeur (Guy), mais monsieur n'a pas été content de mes services, et il m'a donné congé". Puis, à l'Ariel, au bout d'une demi-heure de film (César et Rosalie) : "Dis donc, tu trouves pas que la fille qui joue ressemble drôlement à Romy Schneider?". Marcel, quant à lui, trouve que le film aurait dû s'arrêter au moment où Romy (Rosalie) écrit à Sami Frey (David) alors qu'elle est partie en Vendée. Tout le reste, à partir de ce moment-là, lui a paru constamment faux.
Autopsie de César et Rosalie, par Marcel (sans l'approbation de Claudine).
Ah c'est formidable! ça démarre sur des chapeaux de roue. Montand est formidable -il en fait juste un tout petit peu trop au début, mais ça ne se voit pas; Schneider est formidable -ça fait dix ans en France qu'elle joue le même rôle, mais quelle importance du moment qu'elle a réussi à s'échapper du rôle de Sissi, n'est-ce pas?; quant à Sami Frey, il a trouvé de l'épaisseur, de la maturité virile -c'est important, car il n'a pratiquement rien à dire. Tout est parfait. Pendant une heure on s'emballe pour César, on reconnaît l'intelligence de Rosalie, on voudrait coucher avec David. Tout ce petit monde s'aime, se quitte, se rattrape, se requitte... ("Au fait, lui dit le mec de l'Instruction Civique, le lundi matin au bureau, alors si j'ai bien compris : César couche avec Rosalie, Rosalie couche avec David, et David couche avec César?") - on croirait entendre "Le Toubillon" avec la voix ironique de Jeanne Moreau. Et puis crac! tout s'écroule. Pourquoi? Parce que le réalisateur n'a pas eu la présence d'esprit, l'intelligence ou l'intuition, d'arrêter son film au moment où Rosalie, installée avec César en Vendée, écrit à David, resté à Paris, cette lettre géniale qui est un véritable point final. Mais non! il restait une demi-heure, alors on brode, on fait revenir David, on fait repartir Rosalie, on continue et on s'essouffle. Le spectateur commence à se demander si on ne se fout pas de lui, la vraisemblance vacille et le film se termine en catastrophe par le retour de Rosalie. Le plaisir de la première heure s'est estompé, a disparu.
24-25-26. Week-end au Havre.
Vendredi matin (le 24) Marcel fait un rêve érotique, vers 6h30. Est-ce le fait de n'avoir pas revu Georges? Il rêve qu'il est dans un couloir et qu'un type le serre dans ses bras. Celà pourrait être chez ses parents, à Tours. Marcel lui met la main à la braguette, mais son sexe ne bande pas. Alors il baisse sa culotte et lui offre ses fesses. "Tu veux la fessée?" lui dit l'homme. Il répond : "Oui, mais pas ici. Montons dans ma chambre". Manque de pot, au moment où ils montent, son rêve le quitte.
Le soir, à Rouen, le train a une heure de retard. Il débarque au Havre à 20h30 au lieu de 19h30. Pense-t-il que Claudine se serait inquiétée? Pas du tout, elle est installée dans le salon avec Didier, un jeune mec pas trop con. Marcel s'en fout, il est dans une forme sensass. Il prépare une omelette et ils passent tous les trois à table. Après le dîner, ils boivent en écoutant des disques. De whisky en whisky, Marcel prend une cuite mémorable. A 1h30 du matin, il les laisse pour aller prendre l'air, et quand il revient, Didier s'étant volatilisé, il a juste la force de s'écrouler sur le plumard.
Samedi 25, il se lève de bonne heure pour ranger et faire sa toilette pendant que Claudine est partie travailler. A 9h30, Didier rapplique. Marcel l'installe dans le salon et va faire des courses. Il le retrouve une heure plus tard plongé dans l'écoute de l'Adagio d'Albinoni. L'après-midi, il retourne faire des courses avec Claudine. Ils se couchent à 20h30, crevés. Le dimanche, pendant que Claudine va manger chez sa mère, Marcel fait du crochet.
Lundi 27.
Le chef n'est pas là pendant une semaine. Cette nuit, il a de nouveau rêvé. Le propriétaire venait le voir et se déculottait devant lui (ventre, sexe et cuisses nus) pour lui donner un bouton à recoudre. Et puis il se mettait tranquillement à causer avec Claudine, qui était là, elle aussi, et leur bavardage l'énervait tellement qu'il finissait par les foutre dehors à coups de pied dans le derrière.
Mardi 28. Tard le soir.
Un autre homme au corps tout en muscles, un autre visage à oublier, une autre voix qui insiste pour avoir son numéro de téléphone, avant de repartir... Alain? Michel? Une tête de mâle, marié, père de trois enfants... La routine.

mercredi 22 juillet 2009

La (petite) vie de Marcel -53

Marcel se retrouve seul (enfin presque).
Lundi 16 octobre.
C'est la première fois que Marcel passe un week-end absolument seul. D'habitude, Rolande vient au moins manger avec lui le midi, à la Maison des Jeunes. Cette fois-ci, elle est trop occupée par Poiret pour venir. Mais il est habitué à la solitude, et ça ne peut pas le gêner. Mais tout de même, en arrivant ce matin au bureau, il était un peu triste. "Qu'importe! s'est-il dit, c'est sur soi-même qu'il faut compter, pas sur les autres". Heureusement que Claudine n'habite pas Rouen, ce serait le comble de la voir avec son mec. Mais il ne reproche rien à personne, il a toujours essayé de rester libre, et il comprend que les autres veuillent en faire autant.
Vendredi 13, il a fêté l'anniversaire de sa rencontre avec Francesco en faisant l'amour avec un habitant d'Yvetot. Comme c'était l'homme qui le draguait, et qu'il s'avérait être intelligent, il n'a pas hésité à l'emmener chez lui.
Le samedi, il a travaillé à son roman, qui commence à prendre corps, et il a fait du crochet ("Merci, ma soeur, de m'avoir appris à faire du crochet quand j'étais petit!").
Le dimanche, il est allé voir "La Vallée". Le seul moment où il est resté scotché devant l'écran, c'est en voyant la bande-annonce du "Parrain" avec un Brando incroyable!
Le soir, il s'est amusé avec un type. On l'appellera GZ puisqu'il a une petite voiture immatriculée ainsi. Marcel a commencé par le draguer, puis par le suivre. GZ s'est pris au jeu et l'a suivi à son tour. Mais chaque fois que Marcel s'arrêtait, GZ le dépassait sans vouloir lui parler. Méfiance réciproque? Il l'a semé rue du Renard et il est allé se coucher. Le chauffage était mis, ce qui fait que, n'étant pas encore habitué, il a mal dormi. Et il a fait un nouveau rêve érotique. Il arrivait dans un grand magasin, genre Printemps à Paris, et il s'étendait sur un lit pour qu'on lui fasse un massage, dans une cabine de verre. Le décor changeait et il se retrouvait dans une pièce à demi-obscure. On lui parlait, on lui demandait s'il était bien, on lui massait le visage. Mais ça n'avait pas l'air de plaire aux types qui étaient là, quelque chose ne collait pas, les résultats n'étaient pas satisfaisants. Ce qu'il a trouvé génial, c'est la réflexion de l'expérimentateur, à la fin : "Ce qui ne va pas, c'est la région entre les yeux et les pommettes". Pour le punir peut-être, un type à la méchante gueule de mâle, le renversait sur un autre lit et se vautrait sur lui. Marcel protestait, clamant sa bonne foi : "Je n'étais pas préparé à ce massage! C'est comme un enfant qu'on mettrait pour la première fois sous la douche : il faut le préparer!". Le type n'arrêtait pas de le malaxer et promenait sa bouche sur son visage. Il s'est senti en état d'érection, et au moment où le type se déculottait, sans doute pour le violer, il s'est réveillé en sursaut.
Jeudi 19.
Un parisien, vu jeudi dernier, était au rendez-vous ce soir, à 19h. Il s'appelle André, et il est polonais. Marcel a commencé par le refroidir en lui signifiant qu'il allait manger, et qu'il repasserait vers 19h30. A l'heure-dite, le polonais était sur place, en train de faire les tasses. Marcel l'emmène chez lui et dialogue avec lui après avoir fait l'amour (fort mal. A 46 ans, c'est foutu, mon vieux!). Comme le mec pose des tas de questions, Marcel répond par des tas de mensonges. Puis ils se quittent. Marcel redescend, et le revoit en train de faire les tasses. Peter arrive tout d'un coup et entraîne Marcel boire un coup au Pub. Pauvre Peter! Il sort de chez Rolande, et elle lui a annoncé qu'elle comptait épouser Poiret. "Tu te rends compte! s'écrie-t-il, ça m'a foutu un coup! Je connais bien Poiret, il est bourgeois, très vieille France! Alors avec elle... Et puis maintenant je vais avoir l'air de quoi? On était copains, lui et moi! Après tout ce qu'elle a dû lui dire sur moi, quelle tête y va me faire?...". Il continue sur sa lancée, lui raconte sa vie à Bonsecours, ses espoirs de prendre la tête de la 2ème Direction, et sa contrariété de ce que Léontine soit la seule, dans toute la mairie, à refuser de lui serrer la main. Comme il saoule Marcel, celui-ci le plaque à 22h. "Mais, s'écrie Peter, qu'est-ce que je vais faire, maintenant?" - "Mais tu vas tout simplement rentrer chez toi!" - "Ah non! fait-il, je vais aller me bourrer la gueule quelque part!".....
Dimanche 29.
La bande-annonce du "Parrain" l'ayant fortement perturbé, il court voir le film au cinéma. Putain, mon pauvre Brando, ils t'ont drôlement abîmé la gueule!
Hier soir, Philippe (le mec des Halles aux superbes fesses) est venu carrément à lui, place du Vieux Marché, et s'est mis à lui parler pendant une demi-heure, comme s'ils s'étaient quittés la veille les meilleurs amis du monde. Comme Marcel commençait à sérieusement se cailler les miches, il l'a traîné au Café de la Poste et lui a payé un chocolat. Mais l'autre ne lui a pas proposé de venir chez lui pour se laisser palper les fesses.
Mardi 14 novembre.
Le temps passe. André, le parisien de l'autre jeudi est toujours là. Ils se voient, mais comme il ne sait pas baiser, Marcel refuse de l'emmener chez lui. Jeudi dernier, André l'a embrassé à pleine bouche dans sa voiture, en pleine rue, avant de le quitter pour repartir à Paris.
Fin de la liaison Claudine-Guy. La route du Havre est de nouveau ouverte. L'interlude aura duré un mois-et-demi. Il y est retourné le week-end dernier. Il a passé son temps calmement : musique et crochet. Ils sont allés voir "Délivrance". Le film leur a plu, mais pas le doublage : "Atroce" a dit Claudine.