jeudi 13 août 2009

La (petite) vie de Marcel -66

Marcel fête ses 29 ans.
Lundi 6 août.
Claudine, le 24 juillet, était à Londres pour voir la Carmen ironique et sinueuse de Shirley Verrett : "Des décors de patronage, mais un superbe quintette". Marcel, de son côté, s'aperçoit qu'il plait de plus en plus aux minets! Mais il est vrai qu'il va avoir 29 ans dans deux jours, alors, évidemment, il n'est plus un minet lui-même.. Ce soir, il y en a deux qui lui courent après (littéralement!). Un maigre, avec pantalon blanc, pas très beau, qui le suit pas à pas. . A un tournant débouche une voiture rouge conduite par un jeune mec qu'il avait déjà vu sur la place la semaine dernière. Le mec le regarde et refait le tour, essaye de le rattraper en haut de la rue, mais Marcel va plus vite que lui, il redouble et le rattrape au carrefour. Il le fait monter, ils bavardent et Marcel lui donne rencart pour jeudi prochain, le 16. Il s'appelle Jean-Marie.
Vendredi 10.
L'intermède Jean-Marie suit son cours. Ils se sont revus ce soir et Jean-Marie l'a emmené chez lui, à Oissel. Sa famille a l'air sympa, pas bégueule pour deux sous. Lui est bien foutu, mais il est vraiment trop jeune. Par contre, il a un excellent bourbon. Ils ont flirté sans faire l'amour, histoire de s'étirer les flûtes.
Jeudi 16.
La ronde continue.
Marcel est au Havre pour quatre jours. Mais avant, samedi 11, il va faire une tour à Paris avec Claudine. Il fait beau, très beau. Aux Tuileries, à 14h, ils s'installent sur une chaise, à l'ombre, pour causer gentiment. Un type passe, jeune, en pull jaune très collant sur ses épaules et ses pectoraux. Il a un regard très pénétrant.
A 15h les deux tourtereaux se lèvent de leur chaise, prêts à repartir pour Saint-Lazare, et voilà que se radine Michel-Daniel. Jusque-là, ils ne l'avaient vu qu'en militaire, et ils le retrouvent en civil. Quel choc! Petit polo bleu sans manche, pantalon blanc. Ils comprennent pourquoi ça le faisait tant chier de porter des habits militaires! Il sourit, gentiment, devant leur regard admiratif.Ils vont prendre un pot près de la Madeleine. Marcel ne veut pas trop lui faire de compliments, il serait trop content, mais il se rend bien compte que tout le monde le suit des yeux. Ils se rincent la dalle et se promettent de s'envoyer quelques mots doux en attendant de se revoir.
Retour au Havre. Lundi soir, Bernard vient les chercher pour aller faire un tour. Il les emmène à la plage, puis à Franklin. Là, une Ford est arrêtée. Bernard dit : "Je l'ai vu l'autre soir. Il est pas mal. Il me plairait assez". "Et moi donc!" pense Marcel qui, pour se faire remarquer, s'assoit sur le capot de la chiotte à Bernard. Il ne sait pas si ça plaît à la Ford, mais en tout cas elle se barre illico. Le lendemain soir, il sort avec Claudine, à pied cette fois. La Ford est là. Marcel vient de boire un punch qu'il a préparé lui-même -c'est dire si il carbure! Il passe tout près de la voiture. Le mec lui dit de monter. Ils causent, Claudine attend, patiemment. Marcel invite l'homme à venir les rejoindre, at home, mercredi. Il est d'accord. Ce jour-là, il passe l'après-midi avec eux, et lorsqu'il leur annonce qu'il est flic, Marcel s'enthousiasme : "Mon premier flic!" et Claudine ouvre une bouteille de champagne pour fêter l'événement. Pendant qu'elle va chercher la bouteille, Marcel susurre au flic de revenir le voir samedi, quand elle sera partie travailler.
Lundi 20.
Le flic n'était pas un vrai flic! Dommage. Mais il a bien passé un examen pour être flic. Et il a réussi. Mais ses parents ne veulent pas qu'il soit flic. Et comme il ne veut pas se brouiller avec ses parents, il hésite. Pourquoi ne veut-il pas, soi-disant, se brouiller avec ses parents? Par intérêt, certainement. Sa tante lui a promis de lui acheter un studio au Havre. Sa tante? Possible, mais Marcel a des doutes. Et pourquoi au Havre puisqu'il travaille à Paris? Mais justement, il ne travaille pas à Paris, contrairement à ce qu'il avait dit. Il y a travaillé. Mais maintenant il vit au Havre.. Bon. Pourquoi tous ces mensonges? Parce qu'il se méfiait, au début, ce qui l'avait incité à raconter toutes ces salades. Mais qu'est-ce qu'il a de belles cuisses!
Samedi, donc, il s'est pointé à 14h, comme convenu. Décontracté. Marcel, avide d'être dans ses bras. Ce fut un charmant après-midi, vraiment. Il a prétendu ne pas vouloir faire l'amour, car il avait peur d'être dérangé, n'étant pas chez lui. Marcel l'a approuvé et, d'une main délicate, s'est assuré qu'il n'était pas insensible. L'homme n'a pas beaucoup hésité avant de réfuter ses arguments, d'ailleurs inconsidérés, et lui montrer qu'il avait plus d'appêtit que de frayeur. En partant, il lui a dit qu'il viendrait le chercher dimanche et qu'il l'emménerait chez ses parents, en vacances jusqu'à mercredi.
Dimanche, ça s'est gâté. Il s'est pointé, à pied. "J'ai laissé ma voiture à mon frère". "Et ta soeur?" a pensé Marcel, qui s'en foutait. Ils ont pris le bus pour monter à Bléville. Là, le mec lui sort : "Je ne sais pas si on va pouvoir entrer, j'ai laissé les clés aux voisins. Ils ne seront peut-être pas là". Marcel commence à fulminer (Faux-flic, fausse-voiture, fausses-clés) : "Tu savais pourtant que nous devions y aller aujourd'hui!" - "Mais non! Pourquoi dis-tu ça?" - "Mais putain! Tu me l'as dit hier après-midi!" - "Excuse-moi mais ça m'était complétement sorti de l'esprit!". "Il se fout de ma gueule!" pense Marcel. Une fois chez ses parents, après la comédie avec ses cons de voisins qui lui font des tas de manières (des "mon lapin" par-ci, des "mon chéri" par-là) mais qui reluquent à travers la porte pour voir qui-c'était-i- qu'il amène, il allume la télé et se tient à distance. Marcel est vexé, piqué au vif dans son amour-propre et son amour-tout court. "Je suis pas venu pour voir la télé!" qu'il fait en se jetant sur lui. L'autre assume. Au bout d'une demi-heure de combat genre interrogatoire musclé dans les locaux de la police, Monsieur le Flic-qui-se-la-pète, doit redescendre en ville pour retrouver son frère!
Un vrai gugusse, ce mec-là! Tandis que Marcel rentre à pied, il s'aperçoit que la rage qu'il éprouve était habilement prévue par son amant. "Remarquable, mon petit gars! Tu m'as fait languir, tu m'as raconté plein de conneries, tu as fabriqué tout un scénario pour te mettre en valeur et je suis tombé dedans à pieds joints".
De retour à Rouen, il lui envoie une lettre pleine de charme, où il vante les proportions idéales de son corps, sa musculature de maître-nageur, et autres bricoles pas négligeables dont il est "tombé amoureux". Après tout, pouquoi ne pas jouer le jeu, puisque le mec vaut le coup de se mettre en quatre!

Aucun commentaire: