jeudi 6 août 2009

La (petite) vie de Marcel -63

Marcel retourne à l'Opéra de Paris.
Mardi 8 mai.
Marcel téléphone à Denis, de Caen, parce qu'il l'a vu aux Baladins samedi dernier, où il s'emmerdait copieusement, et avec qui il aurait bien aimé s'entretenir de bel canto, mais la musique gueulait trop fort. Beaucoup de monde, d'ailleurs, ce soir-là. C'étaient Willy et Sergio qui les avaient emmenés, Christian étant trop occupé avec son mecton pour daigner s'intéresser à eux. Il téléphone donc à Denis et Jean-François. Ils ont reçu deux disques-pirates de La Caballé : "Roberto Devereux" et "Caterina Cornaro". Pour "Roberto Devereux" Denis s'exclame "A côté, Sills c'est de la merde!". Voilà qui est catégorique, limite pas très objectif. Ils bavardent à bâtons- rompus et ils se donnent peut-être rendez-vous pour "Il Trovatore" à Paris.
Le soir, il se fait draguer par un mec, Dominique, représentant, qui n'a pas une belle gueule mais de grosses fesses. Il s'occupe donc de ses fesses et laisse de côté sa binette. Dominique veut d'abord se satisfaire une première fois avant de passer aux choses sérieuses. Les "choses sérieuses" se passant fort bien, ils ne sont pas mécontents l'un de l'autre.
Il est dit que "quand tout va bien", "tout va de mieux en mieux"! Après Dominique (le 8) c'est Michel (Monsieur 25 cms) qui lui téléphone et qui se radine chez lui (jeudi 10) pour lui montrer qu'il a toujours la forme. Puis, le 14, c'est de nouveau Dominique qui recommence son "il faut que je procède à une entrée en matière avant d'attaquer le plat principal", à la suite de quoi, le 17, un autre Michel, grand et gros, l'emmène chez lui en attendant que, le lendemain soir, Daniel, le parisien, s'occupe de lui de 22h à minuit.
Mais il n'y a pas que le sexe, dans la vie, bordel! Il est allé voir "Quoi?" le dernier Polanski. Depuis "Rosemary's Baby" il ne rate guère les films de ce réalisateur de talent, et il a beaucoup aimé "What?". Il était sans doute le seul dans toute la salle, mais il s'en foutait, bien entendu. C'est qu'il y a vu bien autre chose que la gentille bluette dont parle Vadim dans Pariscope. Il y a vu la dénonciation du clan. Comme dans "Macbeth" où le château est le repaire, le lieu isolé où peut s'accomplir les crimes, la luxueuse maison de "Quoi?", d'une beauté inouïe, est le vase-clos où les êtres qui y sont ancrés peuvent sans tricher satisfaire leur soif de mesquinerie, de paresse et de vice. A noter que, comme dans "Macbeth" où c'est le roi qui se rend au château pour y être tué, c'est ici la jeune fille qui, bien involontairement, débarque dans la demeure. Alors que les gens présents y ont leurs habitudes, elle ne sera jamais considérée comme un être humain mais comme une proie inférieure que l'on peut humilier à son gré. Quoi de plus humiliant en effet que de dérober les derniers vêtements d'une fille qui a déjà perdu ses valises? Elle errera, entre un obsédé sexuel dont la jouissance n'est plus qu'un tic (comme d'autres ont le hoquet en permanence) et un impuissant avide de sado-masochisme, sans que personne n'ait envie de lui manifester la moindre solidarité humaine.
Dimanche 20. Opéra de Paris. Il Trovatore.
"Il publico stupido" dixit Mignon Dunn.
Après avoir fait une ovation constante à Gwyneth Jones, le public lui réserva un accueil houleux lorsqu'elle vint saluer, seule, après le rideau final. Vraiment déroutant, le public parisien! Mais peut-être était-ce dû à son manque de passion scénique? Dans "Opera" dernièrement, un critique notait que dans le rôle d'Aida, à Vienne, elle restait de glace malgré son engagement vocal. Mignon Dunn elle-même semblait un peu dépassée par le rôle d'Azucena. A la sortie, Denis déclarera, toujours aussi péremptoire : "Verrett, c'était autre chose! Aucune comparaison!". Heureusement, il y avait les hommes : Domingo, terriblement ému par le triomphe reçu après "Ah si, ben mio" et Cappuccilli, égal à lui-même, c'est-à-dire excellent. Claudine déclara : "Je trouve abominable l'obligation donnée aux chanteurs de se tourner sans cesse face au public!". Elle gardait en mémoire le souvenir de Beverly Sills chantant à La Fenice la première partie de son grand air, dans La Traviata, assise à la grande table, le front baissé, une bougie inclinée à la main. Elle chantait pour elle-même, et non pas pour le public. Il est vrai qu'elle était dirigée par Menotti, et celà faisait sans doute la différence.
Marcel est rentré par le train de 0h15, alors que Claudine prenait celui de 0h17, mais pour Cherbourg! Qu'allait-elle faire à Cherbourg? Mystère... Peut-être était-elle attirée par tous ces marins aux culs rebondis qui prenaient également cette direction-là. Marins, et militaires! Car le sien, son militaire - celui qui vint s'asseoir dans son compartiment- avait une tête sympathique et surtout une étonnante discrétion. Ils ont bavardé, et Marcel lui a donné rencart pour mardi soir au Donjon. C'était bien la première fois qu'il draguait dans un train. Son assurance lui venait peut-être de son noeud papillon mauve!
Mardi 22.
Son militaire était au rendez-vous, ce soir. Il s'appelle Michel-Daniel. C'est un Poissons, comme Claudine, avec la même sensibilité et vulnérabilité. Comme Marcel part en vacances vendredi, il lui promet de lui écrire d'Itale, et l'invite à un week-end au Havre, car il est sûr que Claudine en sera dingue...
VACANCES. ITALIA. 3 semaines.

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