dimanche 18 octobre 2009

Le chef d'oeuvre d'un peintre

HUNGER est un triptyque, à la manière de Brugel ou de Francis Bacon :
1°) les corps frappés
2°) le dialogue de sourds
3°) la décomposition métaphysique.
Steve Mc Queen, le réalisateur, s'approprie la prison où croupit Bobby Sands, pour en faire son musée personnel. Rien ne lui échappe dans cet enfermement : ni les murs des cellules tachés de merde, ni les longs couloirs aux reflets métalliques, ni les coups de matraques, ni l'engencement des lumières, tout est millimétré à la mesure de son message : fasciner le spectateur plutôt que de l'instruire.
Parce que, pour ce qui est de la lutte qui oppose les prisonniers à l'inébranlable entêtement de Mme Thatcher, on ne saura que des bribes, des bouts de messages au sujet de la révolte, ou encore ce jeu de ping-pong verbal entre Bobby et le prêtre, dans la seconde partie du triptyque, qui n'est qu'une espèce de pause, un entracte entre les deux actes du drame.
La brutalité est calibrée, les déjections sont à la limite de l'abstraction -à tel point que lorsque l'on voit ces hommes presque nus avachis dans leurs cellules aux murs marron, on se demande s'il s'agit vraiment de la merde, jusqu'à ce que les nettoyeurs arrivent avec leurs masques et leurs lances pour effectuer l'assainissement des lieux.
Dans la troisième partie, quand la résolution (grève de la faim) est prise, annoncée, assumée, les couleurs s'éclaircissent. Le corps nu de Bobby est devenu un terrain de souffrance muette, avec ses plaies doucement ouvertes que le médecin couvre lentement d'une crème qui se voudrait apaisante, alors que l'esprit de Bobby s'échappe, s'envole vers un extérieur quasiment idyllique où l'enfance, la nature et le ciel se confondent :
la cause est entendue, le martyre ne sera pas inutile.
PS. Pour ceux qui ne connaissent pas vraiment ce qui se passa en cette année 1981, dans cette prison de Maze, mieux vaut se renseigner sur Internet avant de visionner ce film.

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