dimanche 9 août 2009

La (petite) vie de Marcel -64

Marcel se laisse pousser la barbe.
Lundi 18 juin. Rouen.
Comme en décembre dernier, lors de son retour de vacances, une lettre l'attendait. Mais cette fois-ci, Marcel comptait sur elle. Michel-Daniel, son militaire, n'avait pas oublié leurs promesses.
Bien. Ceci dit, il est allé en vacances. Pas de quoi s'emballer. Deux semaines à Venise : une semaine de beau temps, une semaine de ciel couvert-vent et flotte. Après, ce fut Milan, Paris et Le Havre. Des bons souvenirs, il y en eut, certes : le restaurant de Paolino sur la plage, où l'on bouffait à deux pour 3.000 lires; le self-service à Padoue où ils se sont jetés sur la charcuterie avec des mines de goinfres; la librairie -toujours à Padoue- où ils ont acheté un splendide bouquin sur Michelangelo à 8.000 lires au lieu de 16.000; les photos de culs et de bites qu'ils prenaient en douce sur la plage de tous les beaux mâles (il y en eut!) qui passaient près d'eux; l'amant allemand de Marcel qui l'emmena dans sa cabine de plage pour le sidérer par la longueur (incroyable) de son membre viril; et la crise de rire qu'ils eurent, Claudine et lui, le soir-même au "Chat qui rit" lorsqu'il lui raconta cette aventure....
Mais il y eut aussi de vagues déceptions : sa rencontre sur la plage avec Martial, le Niçois avec lequel il entretint une longue correspondance il y a presque 10 ans, et qui ne le reconnut pas. Et puis, question spectacles : le seul opéra visible était le 30 juin, donc trop tard; plus de places pour le Casse-Noisette. Et encore : le temps pluvieux; les infects touristes français qui, au restaurant, ne trouvaient jamais rien de bon....
Claudine fut de bonne humeur durant toute la période des vacances. Elle eut la chance de rencontrer, dès les premiers jours, un jeune italien, Wilmer, avec qui elle sortit tous les soirs. Ils ne firent l'amour qu'une seule fois, avant de partir de Venise, et Claudine, sur la fin, en avait ras-le-bol, ce qui était assez drôle. Marcel, lui, n'eut pas d'amant italien, mais un merveilleux souvenir : le 11 ils étaient à Milan, le 12 à Paris -et là, en attendant Claudine partie chercher les valises, il rencontra gare Saint-Lazare un Grec, formidablement bien bâti, avec un regard bleu à vous faire dégringoler de votre piédestal. Ils prirent le même train, et l'homme vint s'installer dans leur compartiment. Quelques mots en anglais, des regards appuyés, Marcel (pas rasé, fatigué de sa nuit passée sans sommeil) se demandant ce qu'un aussi beau mec pouvait bien lui trouver... Au Havre, après quelques mots amicaux et une séparation douloureuse, ils retrouvèrent Sergio, le coiffeur, qui les amena aux Baladins le samedi soir, et Bernard, de retour après son escapade à Louviers, qui avait grossi de partout, ce qui lui allait fort bien.
Mardi 19.
Ah, la vache! Quel accueil au bureau, lorsque Marcel s'est radiné avec son collier de barbe et sa moustache! Léontine lui a dit : "Je ne t'embrasse plus!" et plus tard : "Ca fait mâle! Quelle déception quand on connaît le bonhomme!" Ce matin, il s'est pointé en douce derrière Marie-Jo, Léontine et Sylvie. Marie-Jo a cru en tomber à la renverse. "N'aie pas peur, lui a soufflé Léontine sans se retourner, surtout n'aie pas peur!" et après : "C'est pour faire plus viril!". Alors, Marie-Jo : "Oui, ça ne peut pas lui faire de mal!".
Les seules à le trouver bien, ce furent Sylvie et la Chef des infirmières. Et puis...
Hier soir, lundi, première sortie depuis son retour de vacances. Et quel succès, avec la barbe! Un coiffeur, ami de Sergio, veut l'emmener aux Baladins après lui avoir payé un pot au Robertys, mais Marcel n'a pas envie d'aller danser. Une voiture clinquante, contenant trois folles, s'arrête à ses pieds. Stoïque, il les laisse déconner jusqu'à ce que le conducteur lui offre enfin une cigarette ("Mais le Monsieur, là, il veut peut-être fumer?..."). Oui, le Monsieur veut bien fumer, mais il ne veut pas jouer un quatuor avec le trio des folles...
Mercredi 20.
Le petit cadeau qu'il voulait faire à Claudine le week-end prochain, ce sera pour plus tard : Michel-Daniel a trouvé un prétexte pour ne pas venir au Havre : l'anniversaire de mariage de ses cousins parisiens. "La prochaine fois, lui a dit Marcel hier soir, trouve autre chose, et ment un peu mieux". Le joli militaire a promis de faire tout son possible pour trouver une excuse valable.
Cinéma : "La grande bouffe" de Ferreri. Après le Bunuel, les repas bourgeois virent à l'indigestion.

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