lundi 17 août 2009

La (petite) vie de Marcel -68

Marcel va beaucoup au spectacle.
Lundi 1er octobre.
Claudine est allée voir La Traviata de Béjart, poussée par l'enthousiasme de Marcel, et Les Noces de Figaro, à l'Opéra. Les deux spectacles lui ont plu.
Ils ont vu, au cinéma, le dernier Bergman "Cris et chuchotements". Durant tout le film, la salle n'a pas cessé de ricaner. La majorité des spectateurs était composée de jeunes.
Claudine a beaucoup apprécié le jeu d'Ingrid Thulin, qu'elle avait déjà aimée dans "Le Silence" et "Les Damnés".
Mardi 2.
Marcel a rdv avec Jean-Pierre (la Grèce et l'Angleterre...). Ils se voient peu souvent et c'est tout aussi bien. Par contre il voit M.C. de l'Auberge, à peu près une fois par semaine depuis un mois, mais les exigences du bonhomme deviennent insupportables. Après la main nue, il manie la ceinture et parle déjà du fouet. Question "culture" il ne sait pas ce que c'est que La Traviata (il dit "La Bacarat") et il prononce Salomé comme "Slalome". Comme quoi le fric et l'art ne font pas toujours bon ménage.
Lundi 15 octobre.
Claudine dit : "Heureusement que la musique ne nous a jamais déçus".
Ils ont passé le week-end à Paris. "Des bâtons dans les roues" mentionnait l'horoscope de Marcel. Il n'a pas voulu y croire, samedi matin en partant, et puis il a bien fallu qu'il s'incline. Le film "underground" du Studio Christine était un monument d'ennui ("Dyn-amo") deux heures de connerie imbuvable. Et puis le soir ils rencontrent des voyous de Rouen qu'ils renvoient chier sans ménagement. La soirée est définitivement gâchée par une Fagoterie fermée et un Flore dégueulasse où les tasses du 1er étage subissent le va-et-vient ininterrompu de mecs à la recherche de clients éventuels.
Mais ils sont surtout allés à Paris pour écouter le Requiem de Verdi. Après la version de Karajan, à Rouen, et celle de Schippers, à Venise, ils voulaient voir Giulini à l'oeuvre. Orchestre de Paris, choeurs du New Philharmonia, et quatuor irréprochable : Bergonzi, Scotto, Cossotto, Arié. Superbe ambiance et triomphe final.
Mardi 16.
Marcel a terminé "La Mort du Paysage". Il est content.
Lundi 22.
Dans le film de Billy Wilder (Avanti), le personnage joué par Jack Lemmon est assez étonnant : chauvin et xénophobe, égoïste et grossier, odieux et vulgaire.
Reçu "Ovide" le bel album photographique de Cadinot.
Rêve érotique dimanche matin, vers 6h. Après de longues péripéties, toujours riches en couleurs, Marcel se rend dans une maison porter quelque chose (une valise). Un jeune homme en costume le guide à travers les couloirs. Il est un peu guindé (blond) mais ne rechigne pas à lui laisser passer sa main le long du pantalon. Ils entrent dans une pièce où ils surprennent un grand type genre italien, occupé à se branler, accroupi. Marcel ne demande qu'à l'aider et lui propose de faire l'amour avec lui. Mais le garçon blond-guindé le devance et se déshabille avant lui, et les voilà tous les deux qui se roulent par terre l'un sur l'autre, laissant Marcel en plan qui se contente de les regarder.
Lundi 29.
Vous connaissez Germaine? Oui, bien sûr, vous la connaissez! Elle tenait un petit bistrot dans une rue dont les extrémités donnaient, l'une sur la rue des Bons Enfants, l'autre sur la place du Vieux-Marché. Tant que le café ne lui appartenait pas (il était à son mari) elle fit recette. Elle avait l'art et la manière d'attirer tout le monde. Alors que les clubs privés recrutent souvent la même catégorie de personnes, elle savait réunir entre ses murs un éventail de personnalités marquantes qui faisait de son bar un lieu unique. Ici, les homos cotoyaient les couples hétéros, et les lesbiennes fréquentaient les travailleurs et les femmes en quête d'aventures. Michou, Peter, Rolande y sont passés, et tout le monde s'y sentait à l'aise. C'était merveilleux, sans discrémination. Marcel se souvenait de son étonnement, la première fois, lorsqu'un fort bel homme, à côté de lui, se faisait traiter d'enculé par un habitué et qu'il lui répondit simplement : "Mais oui, de temps en temps". Et Germaine régnait sur tout son monde avec humour, amour, sensibilité et quelques coups de gueule, histoire d'asseoir son autorité. Et puis elle acheta le commerce.... Et maintenant sa boite est plus souvent fermée qu'ouverte..
Mais si vous connaissez Germaine, vous ne connaissez peut-être pas Régine. Elle tient un bar-restaurant, perché sur une place, à Criquetot. Ils y sont allés dimanche, tous les 5 : Bernard, Joel, Philippe, Claudine et Marcel. Misère, qu'est-ce que c'était pourri! Et la Régine, quel engin! Un mari qui ne l'ouvre que pour se faire engueuler, une flopée de gosses, et des clients "very-exciting". Ils y ont bu de la bière et du Berger. Foutre! Marcel était complétement bourré en rentrant au Havre. Et puis les prix, incroyables! trois double-Berger : 5,10F. Ils ont dit : "Doit y avoir un truc!" mais ils n''ont pas pigé.. Ils ont même décidé d'aller y fêter Noël. Parce que la Régine, elle est vraiment démente. Elle attrape le briquet de Claudine : "Il a déjà été à Paris?". Claudine, étonnée : "Non" - "Ben ça y est, il y est parti!" et la Régine balance le briquet à travers la pièce. Quand ils sont entrés elle a gueulé : "Bonjour les Travestis!". Elle a même fait une partie de baby-foot avec Bernard : "Attends un peu, qu'elle lui a dit, tu vas t'en prendre plein le cul!". Quand elle trinque, elle donne un coup dans ton verre, elle dit : "Tchin" et puis elle donne un autre coup et elle ajoute "Toc". Elle a beau être de la campagne, elle a de l'esprit. En tout cas, ils se sont fendus la gueule toute l'après-midi.

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