vendredi 19 juin 2009

La (petite) vie de Marcel -32

Marcel n'arrive pas à bronzer.
Jeudi 9 septembre.
Le beau temps, institué depuis début septembre, continue. Mercredi, Marcel a téléphoné à Bernard. Il avait envie d'aller au cinéma. Bernard s'est radiné à 20h30, en le maudissant à moitié parce qu'il avait dû faire vite, retenu par son travail jusqu'à 20h, mangeant chez lui un sandwich ("debout!" insiste-t-il) ce qui fait marrer Marcel, et ils partent chercher Rolande ...
Bernard : Faudra que je raccompagne la vieille?
Marcel : La vieille? Moins vieille que toi!
En route, comme Marcel lui reproche de ne pas aller assez vite, il rouspéte :
Bernard : On te verrait à l'oeuvre si t'avais une voiture!
Marcel : J'attends que tu me la payes!
Bernard : Pas tout de suite.
Le plus fort, c'est qu'il semble parler sérieusement. Le premier mot de Rolande, lorsqu'ils entrent chez elle, c'est : "Il est de bonne humeur?". Ils partent pour Mont Saint Aignan, voir "Bof" à l'Ariel. Le film leur paraît pas mal, avec de bons moments. Bernard a retenu une phrase dont il se délecte : "Je vis sous ton toit...j'ai tué ta mère...je couche avec ta femme...tu ne peux plus m'appeler papa...appelle-moi Paulo!". Ils raccompagnent Rolande, puis Bernard lui demande de ne pas venir coucher chez lui ce soir, il est trop fatigué.
Marcel ne se sent pas du tout fatigué et, une demi-heure plus tard, il se retrouve à Mont Saint Aignan, mais pas à l'Ariel, dans l'appartement de Guy, au 10ème étage, un très chouette appartement. Dans la chambre à coucher (lit rond), de grandes photographies en noir et blanc : l'une représente des chevaux, une autre deux hommes nus vus de dos, et les deux autres des croupes d'hommes, horizontalement, avec des cuisses très musclées. C'est du très beau travail, bien en évidence au-dessus du plumard.
Pour ce qui concerne la croupe et le muscle, Guy a tout ce qu'il faut. Il se jette sur Marcel comme un affamé, et le surprend en lui léchant le trou du cul. Marcel se déchaîne, au point que Guy n'arrête pas de lui dire "Arrête de bouger comme ça, tu vas me faire jouir!" et il se met à éjaculer en poussant des cris de putois. Ensuite il le prévient : "Lorsque je commencerai à m'endormir, je te repousserai". Il ne le repousse pas, mais il ronfle. Marcel ne trouvant pas le sommeil, il fait diversion en furetant dans la baraque.
Le lendemain matin, à 7h, réveil et, de nouveau, Guy se jette sur lui. Il a l'art et la manière, et toujours un tube de vaseline à portée de la main. Heureusement que les murs sont épais car sa jouissance avoisine les cris répétés d'une Walkyrie wagnérienne.
A poil dans le salon, tandis que le soleil se dégage des nuages, c'est idéal, avec les grandes baies vitrées surplombant, du 10ème étage, le paysage. Ils mangent, Marcel fait une toilette des plus sommaires, Guy l'emmène chez lui pour qu'il prenne quelques affaires, et le conduit à son travail.
Léontine a mal aux dents, mais ça ne l'empêche pas de faire l'imbécile. A 13h, profitant de ce qu'ils sont seuls, elle poursuit Marcel à travers les bureaux en le chatouillant pour le faire hurler. Etant donné qu'il n'a pas eu le temps (ou l'envie) de se raser chez Guy le matin, elle l'appelle "le clodo" :
Léontine : J'ai honte de toi!
Marcel : Pour une fois que tu as honte dans ta vie!
Et ils se remettent à rire et à chahuter.
Marcel passe le week-end au Havre. Samedi, le temps est couvert. Impossible d'aller à la plage. Lui qui pensait bronzer, c'est raté! Il faudra qu'il continue à s'exposer au bureau, entre 12h15 et 13h30. Il va faire quelques courses, car il est d'excellente humeur. Le soir, il va au cinéma avec Claudine voir "Taking off" de Forman. Il trouve que c'est assez ressemblant à "Bof" : même gentillesse, même bonheur de vivre malgré la bêtise de la société. "Décidément, se dit-il, je me complais dans le cinéma bon enfant, en ce moment!".
En rentrant à Rouen, il trouve une lettre de Robert, le Versaillais entrevu aux Tuileries ("Tiens! Il s'appelle Robert!") qui lui propose de l'emmener voir Le Jardin du Roi. ("C'est fou ce qu'il est amusant, ce petit!"). Il lui répond qu'il n'a pas d'argent à dépenser pour aller à Versailles. A moins qu'il ne consente à lui payer le voyage....
Lundi 13.
Babeth, qui était partie en vacances pour une semaine, est revenue. Elle est rouge, à défaut d'être bronzée, et très aimable avec lui. Elle va même jusqu'à lui acheter un flan pour 16h. Rolande n'est pas là, ce qui est bizarre (elle devait aller à Cabourg pour le week-end).
En rentrant chez lui, Marcel trouve un paquet : ce sont des prospectus concernant le Canada, envoyés par Serge, le Canadien avec qui il avait parlementé aux Tuileries, dont la courte lettre le ravit. Claudine serait là, elle lui dirait : "Je me demande comment tu te débrouilles!". Il fout les prospectus à la poubelle et il garde la lettre.
Les soirées commencent à fraîchir. Rue du Baillage, une espèce d'huluberlu le croise, les yeux hébétés. Il n'a pas l'air très malin, et il mettra bien une demi-heure à tourner en rond autour de lui avant de lui adresser la parole -chose que Marcel aurait faite tout de suite si le mec lui avait plu. Dans sa voiture, comme il n'a pas du tout envie de lui, il lui demande de le laisser à la gare. Mais l'homme l'invite à prendre un pot. Ok! Levons le coude ensemble! Ils se retrouvent place du Vieux Marché où le mec commande une douzaine d'huitres! Marcel sirote sa bière en le regardant manger et en l'écoutant raconter sa vie. Finalement, peut-être sous l'effet d'une vague ivresse due à la bière ou à l'odeur des huitres, Marcel l'emmène chez lui et ils font l'amour. Il s'appelle Alain, il est pilote, il n'est pas con du tout, il aime plaisanter, il baise bien et il est tout à fait oubliable, une fois la porte franchie.
Mercredi 15.
Hier soir, deux (ou trois?) petits merdeux sont venus coucher dans la chambre à côté de la sienne. Ils se sont bagarrés et ils ont dégueulé dans le couloir. La propriétaire en parle à Marcel ce soir, alors qu'il revient du boulot.
Vers 21h Marcel est à la gare où il voit débarquer Bernard. Il revient d'Orléans et très excité, il l'interprelle : "Tiens! T'es là, la tapineuse?". Marcel est choqué : "Moi je veux bien que tu m'appelles la Tapineuse, mais toi, comment il faut que je t'appelle : la Grande Pute?". Bernard rigole et lui demande s'il a vu quelque chose d'intéressant dans le coin.
Marcel : Oui, j'ai repéré un mec dans une bagnole.
Bernard : Attends! Tu vas voir!
Marcel attend mais ne voit rien venir. Bernard fait tout un cinéma : il monte dans sa bagnole, va se garer à côté de celle du mec, descend, va aux tasses...le mec ne bronche pas. Il en est pour ses frais, remonte dans sa chiotte et se barre, pas content. A peine est-il parti que le mec fait signe à Marcel de venir le rejoindre. Il le fait monter dans sa voiture. Ils vont rue des Sapins et passent la nuit ensemble. Il s'appelle Dominique et il a des couilles superbes. Le matin, Marcel le réveille en mettant sa main froide sur ses couilles chaudes. "J'ai bien dormi" dit Dominique. "Tant mieux pour toi" répond Marcel.

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