jeudi 4 septembre 2008

Le Désert rouge

Giuliana (Monica Vitti) est restée traumatisée à la suite d'un accident de voiture. Elle traîne avec elle une déprime récurrente que l'environnement, dans lequel elle vit, ne fait que maintenir, voire accentuer. Son mari est industriel. Il travaille dans la zone pétrolière de Ravenne, en Italie du Nord. Les fumées des usines, les décharges des navires, la pollution des rivières sont le lot quotidien de son univers. Lorsqu'elle se promène, avec son jeune fils, ce n'est que pour parcourir des zones où le vert du paysage se mélange à la rouille et aux émanations des gaz toxiques. De la ville elle-même on ne verra que peu de choses, et surtout une rue vide où Giuliana voudrait ouvrir une boutique, pour s'occuper l'esprit et vendre des objets...mais quels objets? de la poterie? de la céramique? Elle avoue ne rien y connaître.
C'est alors qu'elle fait la connaissance de Corrado (Richard Harris), venu recruter des ouvriers pour une usine en Patagonie. Le premier regard que pose cet homme sur elle est révélateur : il la désire. Elle lui avouera que si son mari avait posé sur elle ce même regard, elle aurait pu se confier à lui après son accident. Mais c'est déjà trop tard, elle sait que Corrado ne restera pas. Il n'en a pas envie, il va de ville en ville, de pays en pays. Avec des amis, ils se retrouveront tous dans une cabane, sur le port, pour quelques instants de batifolage où les corps se mêleront sans se dévêtir, rapprochement presque mondain dans un univers quasi morbide où l'une des femmes avouera qu'elle a rompu avec son dernier amant parce qu'il gagnait moins d'argent qu'elle. Cynisme bourgeois dans un décor décadent de planches cassées et de poële usagé.
Giuliana ne peut surmonter ses angoisses. Elle a peur de tout : la puanteur des fumées d'usine, l'apparition des bâteaux dans le brouillard, la laideur du paysage... Vers la fin du film, lorsque son mari se sera absenté pour quelques jours, et que son fils fera semblant d'être paralysé des jambes pour attirer son attention, elle se réfugiera dans un conte idyllique : elle lui racontera la vision d'une plage de sable fin, entourée de rochers aux courbes reposantes, et d'une mer limpide où vont et viennent de jolis bâteaux et où se baigne une jolie jeune fille alors que retentit le chant mélodieux d'une invisible sirène. Découvrant alors que son fils n'est pas malade, elle ira se réfugier dans les bras de Corrado, dans sa chambre d'hôtel, mais cet épisode érotique ne sera qu'une illusion "Tu ne m'as pas aidée" lui dira-t-elle en le quittant.
Dans un décor sali par l'usure, près d'un bâteau russe à la passerelle rouillée, elle rendra compte de ses états d'âme à un marin incapable de traduire son langage.
Aujourd'hui, si l'on maîtrise mieux la pollution, si l'on se soucie plus de l'écologie et de l'environnement, les dangers se sont déplacés vers d'autres traumatismes : inondations, tornades, apparition de nouveaux cancers, fuites radioactives. Plus de quarante ans après (le film d'Antonioni date de 1964) Giuliana n'est pas la seule à se sentir perdue au milieu de ce désordre universel.

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