jeudi 18 septembre 2008

Danielle et Laurent (7)

Julian venait travailler un mois par an en Normandie. Le mot "travailler" ne convenait pas vraiment au rendu de ses activités, mais il n'avait pas de complexes à venir faire la bonne dans un authentique château appartenant à un couple d'industriels. Depuis notre première rencontre, nous étions devenus amis et je l'avais présenté à Jack, le seul homme qui comptât dans ma vie. Nous organisions ainsi des petites soirées, soit chez moi, soit chez Jack, soit au château, qui nous mettaient en joie et qui nous permettaient de nous défouler avec acharnement. Dans le registre des qualités et des défauts, Julian profilait un nombre incroyable de désagréments : il détestait les femmes en général, et presque tous les hommes en particulier. Je n'avais encore jamais rencontré un homme aussi borné que lui : toutes les femmes sans exception étaient des connasses, et les hommes gros, bedonnants, vieux, binoclards, barbus, moustachus, étaient à foutre à la trappe. Je me demandais comment j'avais pu obtenir grâce à ses yeux. Je ne me résolus d'ailleurs jamais à le questionner sur le pourquoi du comment de notre amitié. Je compris seulement tout de suite que j'éprouvais de l'affection pour lui et que rien ni personne ne pourraient m'empêcher d'accepter ses défauts même si je n'en approuvais pas le centième. Le château dans lequel Julian officiait un mois par an correspondait exactement à l'idée que je me faisais d'un château romantique : le toit se cassait la gueule en morceaux et les champs tout autour servaient de pâturage aux vaches. Mais l'intérieur ne dédaignait pas l'alliance du goût ancien avec les raffinements les plus modernes. La télé et le magnétoscope voisinaient confortablement avec le Louis XV, et l'ordinateur se pavanait sur la cheminée monumentale devant laquelle chaque visiteur se devait de tomber en extase, impérativement. Il faut croire cependant que mes goûts particuliers me portaient volontiers sur l'excentricité absolue puisque Julian me plaisait, malgré l'absolu non sens de ses prises de position, alors que le couple de châtelains, fort honnête au demeurant, ne suscitait que mon indifférence.

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