mardi 15 juillet 2008

Trilogie CAPOTE

Les faits sont connus, mais sans doute oubliés : 15.11.59 - les Clutter (le père, la mère, la fille 16 ans et le fils 17 ans) sont assassinés, la nuit, dans leur bâtisse, isolée, à Holcomb (Texas).
A la lecture de l'article, paru dans le New Yorker, Truman Capote est intrigué. Auteur connu (il a publié en 1958 Petit Déjeuner chez Tiffany) et amuseur caustique des soirées mondaines, il décide d'aller voir là-bas, pour écrire un article au sujet du crime. Il part avec sa copine et amie d'enfance, Nelle Harper Lee. Très vite, avant même que les deux coupables soient arrêtés, il voit dans cette affaire l'occasion d'appréhender le sujet sous un jour différent des lectures de faits-divers habituels. Il veut écrire un "roman de non-fiction". Sa conviction est renforcée par l'apparition des accusés, deux hommes qui, à peine sortis de prison, avaient envisagés de voler les Clutter, pensant qu'ils possédaient chez eux un coffre rempli de dollars, mais aussi de les assassiner, de sang-froid, pour ne pas laisser de témoins.
In cold Blood, ce sera donc le titre du roman que Capote fera publier en 1966, et qui obtiendra un énorme succès.
Dès 1967, Richard Brooks décide de réaliser un film d'après le bouquin de Capote. En noir et blanc, avec, dès les premières images, la musique de Quincy Jones, qui donne le ton. Noir et Mélancolique. Le plus curieux, c'est que Capote n'apparaîtra jamais sur l'écran, pas une seule fois (alors qu'il fut presque tout le temps sur place, durant les 5 ans que dura l'emprisonnement des deux hommes). Donc, le bouquin, ok, mais pas l'auteur en personne!
En fait, Brooks s'attache surtout à la personnalité des deux meurtriers, leurs parcours assez chaotiques, leur fuite et leur comportement en prison. Les deux acteurs, Robert Blake et Scott Wilson, sont prodigieux (Scott Wilson jouera par la suite un extraordinaire gangster dans "Pas d'orchidées pour Miss Blandish" de Robert Aldrich -1971).
Les deux accusés, Perry Smith et Dick Hickock, ont été exécutés par pendaison en avril 1965. Et voilà que, 40 ans après, sortent deux nouveaux films, mais cette fois-ci centrés sur l'auteur du roman, et sur ses relations équivoques avec l'un des voyous, l'inquiétant Perry Smith.
Le premier film, Capote, de Bennett Miller, est l'occasion de redécouvrir le fabuleux Philip Seymour Hoffman, dans ce qui sera sa plus importante caractérisation d'un personnage à l'écran. Tout y est : l'humour, la sensibilité, la cupidité artistique. Grâce à ses relations, l'auteur pourra avoir un accès privilégié avec les deux assassins, dans leur prison, afin de glaner le plus d'informations possibles pour la rédaction de son bouquin. Si Dick Hickock ne se fait pas prier pour parler, Perry Smith est d'autant plus réticent qu'il est plus perturbé par les démons qui le hantent (échecs répétitifs, mère alcoolique, douleurs physiques permanentes dues à une blessure à la jambe pendant la guerre de Corée). Face à lui, Capote se remémore ses propres errances lorsqu'il habitait l'Alabama et que sa mère l'abandonnait. Devinrent-ils amants en prison? C'est ce que laisse entendre le deuxième film, Infamous, de Doug Mc Grath. Il faut dire aussi que Perry Smith n'y est autre que Daniel Craig, le James Bond de Casino Royale! Pour ceux qui s'étonneraient de retrouver 007 dans le rôle d'un petit malfrat emprisonné, il faut se souvenir que le beau Craig fut déjà l'amant de Francis Bacon dans le génial Love is the Devil, de John Maybury....
Dans ce second film, Infamous, Capote est incarné par Toby Jones, qui ne démérite pas face à son prédécesseur, mais qui évolue dans un contexte beaucoup plus extravagant, avec stars à foison (G. Paltrow, S. Weaver, I. Rossellini, P. Bogdanovich) et décors roses-bonbons.
Cette trilogie semble donc refermer définitivement le rapport trouble entre le crime et l'exploitation romanesque de son exécution. Il reste cependant à expliquer pourquoi et comment Truman Capote ne devait jamais se remettre psychologiquement du choc de cette escapade de 5 années au fin fond du Texas puisque, après le succès de son livre, qui lui assura l'aisance et la reconnaissance du monde entier, il connut des périodes de doutes et de dépressions qui lui ôtèrent aussi bien son humour que ses amis mondains et son goût de l'écriture. Un quatrième film, alors? Mais pas dans 40 ans, j'espère!

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