samedi 27 décembre 2008

Harold Pinter is dead

Harold Pinter, génie britannique, qui vient de mourir, et qui avait écrit le scénario de certains films de Joseph Losey, faisait une apparition dans l'un d'eux, "Accident" où il interprétait un type quelque peu loufoque que Dirk Bogarde, le "héros" du film, venait consulter sur les conseils d'un de ses amis, professeur comme lui à Oxford (Stanley Baker), afin d'intégrer certains programmes de télévision où Stanley Baker faisait des apparitions lui permettant de parler de "tout" (anatomie, astrologie, philosophie, baratinologie...).
Comme souvent chez Losey, et surtout durant toute cette période des années 60 qui vit l'éclosion de tout un cinéma européen d'une richesse inouie visant à nous faire comprendre que ce que nous disions ou faisions ne correspondait pas forcément à ce que nous pensions intérieurement (L'année dernière à Marienbad, La Notte, L'Heure du Loup...), au lieu de s'intéresser à ce que Bogarde désirerait faire au sein de la télévision, Pinter lui reparle carrément de la fille du recteur du collège d'Oxford, Francesca, avec laquelle Bogarde entretint une liaison, dix ans plus tôt.
Et Bogarde, médusé, qui ne se souvenait même pas de ce flirt de jeune professeur, en profite pour téléphoner à Francesca, à tout hasard, au cas où.... La scène des retrouvailles est courte mais mémorable. D'un chic extraordinaire, d'une émotion classieuse. Il faut dire que Francesca est jouée par Delphine Seyrig, au sommet de sa fascinante beauté. La bourgeoisie, ici, est à son comble : regards caressants, intérieurs soignés, et dialogues décalés. Ils parlent pour ne rien dire, et ce qu'ils disent ne correspond pas à ce que l'on voit sur l'écran. Du grand art, voulu par Pinter, le scénariste, et accepté par Losey, le réalisateur, sorte d'entracte surréaliste dans le film riche en non-dits d'une pourtant banale histoire d'adultère.
Un peu plus tard, après cette rencontre, Bogarde assiste à un match sportif en plein air, dans le cadre de l'université où il enseigne, et il se retrouve aux côtés du recteur, le père de Francesca. Il en profite pour lui dire qu'il a rencontré celle-ci à Londres, et qu'elle l'embrasse. Et le recteur, imperturbable, réplique "Embrassez-la donc pour moi, quand vous la reverrez!". C'est d'un cynisme incomparable, donné à froid comme la lame d'un couteau, c'est du Pinter pur-jus, et c'est magnifique. Récemment, c'est Woody Allen avec Match Point, qui a peut-être retrouvé cet esprit d'un cinéma malin qui nous tend un miroir pour nous interroger sur le reflet menteur que nous essayons d'imposer, quelquefois avec bonheur, aux personnes qui nous entourent.
Thank you, Harold.

Aucun commentaire: