L'épreuve du mardi soir devait être décisive, elle devait m'apporter les réponses à mes interrogations : garder Jeannot, ou le rejeter sans remords? La présence de Jack et d'Hedwige, à qui je n'avais soufflé mot, attiserait au moins le feu des réactions, négatives ou positives. Or, la veille encore, je ne savais pas si Jeannot se déciderait ou non à cette soirée du mardi.
Ce n'est que le lundi soir, à minuit trente, qu'il me téléphona, alors que je dormais, pour me signaler qu'il sortait de la salle des ventes et qu'il m'attendrait chez lui, mardi, à 16h30, pour que nous allions faire les courses ensemble, puisque je lui avais demandé de faire la cuisine pour nos invités. Et ce ne fut pas triste.
A 16h30 je fis la connaissance de son beau-frère ("Un arabe" m'avait-il précisé) charmant et sympathique, avec une belle petite gueule. Ensuite, direction le nouveau Champion, rue de la Plaine, où nous arrivâmes sous une pluie battante (toute la soirée il devait y avoir rafales de vent et déluge de flotte à gogo). Je passe sur les détails qui lui permirent de se défouler (altercations avec les vendeurs, nervosité avec les caissières, etc.) et puis nous allâmes boire un pot à Saint François, dans un bistrot dont il est évidemment l'habitué, puisqu'il y va tous les jours prendre son café et lire son journal. Ensuite nous retournâmes chez lui chercher la friteuse et Bézot, que nous décidâmes à faire la connaissance de Maya.
Aussitôt à la cuisine, ce fut Jack qui entra le premier. Ils se connaissaient déjà, et effectivement je me souvins alors que Jack m'avait parlé d'un type qui travaillait à la voirie et qui avait habité Chicago, et que les autres appelaient "le Clodo" parce que ses fringues n'étaient pas toujours nettes. Je me doutais de toute façon que Jeannot ne plairait pas à Jack, alors que Jeannot semblait intimidé par Jack. Ce dernier exerce un métier où l'on doit être impeccable pour recevoir les clients, d'où son exigence en matière de comportement extérieur.
L'arrivée d'Hedwige détendit l'atmosphère. Elle, qui ne s'attendait à rien, et qui ne connaissait pas du tout Jeannot, fut ravie de cette surprise -enfin de la nouveauté, dit-elle! Elle ne baîlla pas de toute la soirée (une de ses mauvaises habitudes), s'occupa de Jack, le faisant rire, et fort ravie de me voir avec un nouvel ami plus "déglingué" que de coutume. Le repas ne fut pas mémorable, mais attachant (comme les légumes dans la friteuse). Jeannot se donna beaucoup de mal, pour pas grand chose, je dois l'avouer... Jack et Hedwige partirent ensemble, plus tard que lors de nos autres soirées du mardi. Hedwige embrassa 4 fois Jeannot, mais Jack lui serra-t-il seulement la main? J'en doute, et je restai seul avec Jeannot, qui s'allongea sur le divan, avec Bézot dans les bras, abandonnant ses baskets (propres, cette fois-ci) à la curiosité maligne de Maya. Je le trouvai tendu, perturbé, vulnérable, amoureux de son chien, et celà me rassura. Finalement, je commençais à le trouver vraiment sympathique. En fin de compte, pour l'instant, les qualités l'emportaient sur les défauts. Etait-ce parce qu'il s'était retenu devant les autres? Sans doute. Parce que ce n'étaient pas des vendeurs de magasin qu'il pouvait interpeller bruyamment? Parce que c'étaient mes amis et qu'il se devait d'être prudent s'il voulait conserver mon estime?
En tout cas je n'étais pas encore convaincu au point de le laisser dormir chez moi. Il le comprit et n'insista pas. Il reprit ses baskets, que Maya ne voulait plus quitter, me laissa sa friteuse que je voulais absolument nettoyer, et partit avec son chien.
(à suivre).
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