vendredi 17 avril 2009

les satisfactions intérieures (5)

La ville inconnue (fin).
Une grand lassitude envahit Suzanne. Elle ferma les paupières et tout fut noir, elle les rouvrit, le visage de Grand-mère était délicatement posé sur l'oreiller et la respiration était régulière, la peau était lisse et calme, sur les paupières fermées quelques rides bleues couraient, dénotant la vieillesse, mais le visage entier avait quelque chose d'étrangement jeune. Sans faire de bruit Suzanne se leva. L'ombre était dans la pièce, seule la petite lampe près du lit était allumée. Il régnait un silence d'une froideur extrème, elle s'approcha de la commode et ouvrit le tiroir.
Elle prit les photos.
- Erly!
Nous serons loin bientôt pourquoi se tracasser.
- Erly, je n'aime pas ce train, il fait trop de bruit, et puis il n'y a que des gens étrangers.
- Nous allons bientôt arriver.
- Est-ce une ville que je connais?
- Enfants nous y jouions, et puis il y a une route qui monte vers les champs.
Elle remit les photos et rapidement referma le tiroir, la tapisserie glissa, frôlant ses mains et retomba sur le meuble. Elle sortit de la pièce et descendit l'escalier. La chambre d'Erly était vide. Elle alla dans le magasin, tout était sombre, une lumière verdâtre éclairait faiblement les bocaux où les bonbons d'une couleur livide s'agglutinaient parmi la poussière et les longues toiles d'araignées comme des voiles suspendues en équilibre dans le vide. Elle sortit rapidement dans la rue, la nuit était calme, le ciel était sombre et au loin le feuillage grisonnait, la lune scintillait comme un mince croissant phosphorescent. Elle commença à gravir la côte.
- N'y a-t-il pas une rivière?
A moitié lasse, recouverte d'une carapace molle et gluante comme des cheveux de noyés.
Et un pont.
Le bois est mort, des trous vivants s'infiltrent et le rongent.
Autrefois il y avait la mer.
On peut la voir encore vers l'horizon, son écume est blanche le matin, rouge le soir.
En haut, les champs s'étendaient à perte de vue, et plus loin il y avait une petite forêt pleine d'ombres, elle s'arrêta et resta immobile (où aller?) regardant vers l'horizon.
- Erly, pourquoi allons-nous là-bas?
- Je ne sais pas, il faut parfois revoir les villes où l'on a vécu.
- Je ne me souviens de rien, étais-je si jeune?
- Oui, et moi aussi.
- Qui habite là-bas?
- Une vieille femme.
- Je ne me souviens pas d'elle.
- Je revois ses yeux noirs.
- Peut-être nous a-t-elle aimés.
- Je ne sais, elle ne disait rien, elle vivait une vie intérieure.

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